La Défense décortique sa fonction achat

  • 01/03/2007
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Après la cartographie de ses achats réalisée en 2005, le ministère de la Défense nationale a poursuivi son travail, en se penchant sur ses ressources humaines. Chargée de l'étude, le Contrôle général des armées a interrogé près de 1900 acheteurs. Une démarche inédite et déclinée dans le cadre des audits Copé.

Mutualisation et professionnalisation sont les deux mamelles des audits Copé. On ne s'étonnera donc pas que l'Etat désire reprendre à son compte le travail effectué par la Défense nationale pour mieux connaître ses acheteurs. Voltigeur de pointe, le ministère, via le Contrôle général des armées, a en effet bouclé une étude sur le volet « ressources humaines ». Un nouvel opus qui vient logiquement à la suite de l'impressionnante cartographie menée en 2005 laquelle avait notamment recensé plus de 2000 acheteurs au sein de la structure (1). L'enquête, diffusée sur l'intranet du ministère, a concerné tous les organes qui disposaient d'une structure achat connue, Délégation générale pour l'armement (DGA) comprise. Le Contrôle a pris la peine en amont de définir une grille des processus et des tâches des acheteurs, « afin de faire en sorte que chaque personne puisse se positionner » explique le contrôleur général Philippe Nicolardot, responsable de la section CRM (contrôle et réglementation des marchés), qui a conduit l'opération avec son collaborateur Hervé Horiot, cheville ouvrière de la cartographie de 2005. Le CGA a donc décomposé l'acte d'achat en phases (préparation, passation, exécution et retour d'expérience) elles-mêmes ventilées en tâches. « Pour la phase passation on a distingué la rédaction des pièces du DCE, leur validation, le lancement de la consultation avec la publicité et la mise en ligne des pièces, le pilotage et la coordination de la procédure, la réception et l'enregistrement des propositions des fournisseurs, la coordination des étapes qui conduisent au choix du fournisseur, le traitement des litiges en phase précontractuelle, la communication des pièces contractuelles après notification », illustre Hervé Horiot. Au total une trentaine d'activités, couvrant le spectre dans son intégralité, « de la traduction du besoin jusqu'à la clôture de l'acte d'achat en passant par la conception du projet, la conduite de la procédure, le pilotage de l'exécution de l'acte d'achat», résume l'officier de 1ère classe du corps technique et administratif de l'armement (OCTAA).

Des marges de progression pour le suivi des marchés

1893 des 2287 acheteurs identifiés ont répondu aux 31 questions de l'enquête, parmi lesquelles « effectuez-vous l'analyse du marché fournisseur ? (technique ou économique) », ou « participez-vous aux opérations de vérification et/ou de réception de l'acte d'achat ? ». Soit un taux de retour de 83%. Une belle performance puisque la démarche était basée sur le volontariat. La Défense en sait maintenant un peu plus sur son « corps » d'acheteurs, composé à 70% de civils, et les fonctions remplies. La programmation, souvent qualifiée de parent pauvre par les observateurs de la commande publique, semble plutôt bien lotie, puisqu'un tiers de l'effectif y travaille. Côté sourcing, un quart des personnes sondées participent à l'élaboration de données fournisseurs. Même résultat pour la formalisation de retours d'expériences fort utiles pour les futurs marchés. Ici, les marges de progression sont importantes, tout comme dans le domaine du suivi et de l'exécution des marchés, qui ne concerne qu'un tiers des effectifs, et encore pour une faible partie de leur activité. « On y sera contraint avec des marchés qui se caractérisent par leur durée et leurs objectifs de performance. C'est vital pour le ministère », observe Philippe Nicolardot. La Défense nationale bénéficie aussi d'un état des effectifs en matière de statut (catégorie, grade…), d'ancienneté dans le poste… De quoi alimenter les réflexions dans le domaine de l'évolution de carrière, de la rémunération, et de la formation. Avec en filigrane la reconnaissance du métier. Les données recueillies font apparaître qu'il n'y a pas assez de mouvement, de circulation des acheteurs. « On fait carrière dans un service. Cette étanchéité a des origines statutaires et coutumières. Ce qui pose la question de la création d'un vrai cursus d'acheteur comprenant des mutations accompagnées de responsabilités croissantes et différentes, avec des temps de respiration hors de la filière », note Philippe Nicolardot.

La méthode déployée pour quatre ministères dans deux régions

L'étude permettra aussi d'aborder le sujet du redéploiement des troupes. « C'est une radioscopie, mais aussi un outil de gestion », poursuit le contrôleur général, « à partir de ces chiffres, il sera possible de regarder là où il est intéressant de mutualiser à l'intérieur du ministère, pour confier à tel ou tel service le pilotage de marchés au profit de tous ». « Nous n'avons pas la légitimité à donner des consignes aux directions en matière de répartition de leur personnel. Chaque responsable peut tirer lui-même les enseignements de l'étude », enchaîne Hervé Horiot. Le système de gestion du questionnaire permettant en effet de poser n'importe quelle requête, les différentes directions de la Défense nationale ont tout loisir d'interroger la base selon leur bon vouloir. Le dispositif n'a pas vocation à rester propriété exclusive de la rue Saint-Dominique. La définition d'emploi types (5 fiches de postes ont été rédigées) intéresse tout le monde puisque le référentiel métiers de l'Etat est pour l'instant très lapidaire en la matière. Et à partir d'avril, la méthode retenue par le CGA sera déployée dans deux régions pour quatre ministères tests. Avant sans doute d'élargir l'investigation à l'ensemble des services de l'Etat. « On fera œuvre utile », promet le contrôleur général Nicolardot.

(1) Une carte des achats au 1/10 000e
www.achatpublic.com/news/2006/01/-46/AchatPublicDossier.2006-01-31.0320/AchatPublicArticle.2006-01-31.2714/view