Trouver son homme de loi : un vrai casse-tête rédactionnel

  • 03/04/2007

Le contentieux c'est l'épée de Damoclès des personnes publiques. La crainte d'un éventuel litige ou même la simple réception d'une télécopie provenant du tribunal administratif les amènent souvent à devoir recourir à un avocat. Mais comment procéder ? Les collectivités peuvent-elles appeler à la rescousse leur avocat fétiche ou doivent-elle en passer par les affres des procédures marchés ?

Pas facile, facile…Pour Aurore Meyrel, adjointe au responsable juridique de la mairie de Gif-sur-Yvette « les marchés de prestations juridiques, tout le monde en parle mais personne ne sait vraiment comment s'y prendre». Et ce n'est pas son homologue Cédric Moulin-Renault, responsable du service marché de la ville de Bussy Saint-Georges qui la démentira. Recruter un homme de loi ne semble pas être chose aisée. Dans la pratique nos deux experts distinguent « l'assistance et le conseil » du « contentieux ». Dans le premier cas, ils procèdent à l'application des dispositions de l'article 30 du code des marchés publics (1). Tandis que dans le second cas ils se prévalent du régime exceptionnel inscrit à l'article 28 pour s'exonérer de mise en concurrence (2). « L'intuitu personae joue beaucoup dans ce type de prestation, nous ne pouvons donc pas passer par n'importe qui», explique Cédric Moulin-Renault, « la réactivité est très importante. Nous prenons donc généralement un avocat que nous connaissons déjà. Et je ne pense pas que cela pose problème, puisque nous n'avons jamais eu de remarque ou de réserve de la part de la trésorerie à ce sujet». En revanche cela se complique quand nos deux juristes doivent mettre en œuvre les dispositions de l'article 30. Les missions « d'assistance et de conseil » contrairement aux marchés de « représentation publique » nécessitent la mise en place d'une procédure adaptée. Et qui dit procédure adaptée, dit rédaction d'un cahier des charges. Et c'est souvent à ce niveau là que la difficulté réside.

Des difficultés liées à la rédaction du cahier des charges

«Quand je suis arrivé à mon poste, la commune venait de lancer un marché avec un cabinet d'avocats et il s'est avéré que cela était une véritable catastrophe. A tel point qu'il a été résilié » raconte le responsable de Bussy-Saint-Georges qui a du relancer son contrat de prestations de conseil et d'assistance. « Maintenant, on procède par opération. On passe des marchés de prestations juridiques en fonction du besoin et au cas par cas » (3). A Gif-sur-Yvette en revanche, on envisage de passer en septembre prochain une procédure pour l'ensemble du besoin, avec entrée en vigueur de la convention d'assistance juridique au 1er janvier 2008, sauf contre-ordre. Aurore Meyrel confie que lors de la rédaction des pièces de la consultation elle a rencontré pas mal de soucis : « on a décidé de faire un bordereau de prix unitaires sans être complètement sûrs de son opportunité puisque au final, c'est le prix global facturé qui nous importe. Or les avocats facturent tous différemment. Certains sont au forfait, d'autres à l'heure voire même à la minute et vous en avez aussi qui ont un système mixte. La concurrence est rude dans ce domaine. Il existe en plus des jeunes avocats qui sont prêts à « brader » leurs prix horaires pour obtenir des marchés et ainsi glaner des références. Le soucis étant que ces avocats risquent de facturer un nombre d'heures plus important qu'un avocat confirmé qui aura fixé un prix horaire plus élevé au départ.». Alors comment faire pour obtenir des propositions comparables, les unes par rapport aux autres ?

Secrets de fabrique

L'adjointe de la responsable du service juridique explique comment elle a réussi à s'en sortir « J'ai distingué dans le bordereau des prix unitaires entre les prix horaires pour certaines prestations (recherches jurisprudentielles, rédaction de notes ou de documents juridiques…) et les prix forfaitaires (réunions, audiences…). Puis, pour avoir une vision globale du coût des prestations proposées, nous avons sollicité un devis quantitatif et estimatif établi sur la base des demandes de conseils que nous avons actuellement». En ce qui concerne les critères, la ville francilienne a privilégié la valeur technique et la réactivité des candidats par rapport au prix. S'agissant de la publicité, la commune de Gif envisage la publication sur son site Internet (4) ainsi que dans un journal d'annonces légales. A Bussy-Saint-Georges en revanche, il n'y a pas de règle en la matière. Toutefois, les marchés sont fréquemment publiés via leur site (5). Enfin, la procédure qui sera passée par la ville de l'Essonne comprendra 6 lots correspondants aux matières qui posent le plus de problèmes. Aurore Meyrel n'est cependant pas sûre « que tous ces lots donnent lieu à des commandes chaque année. D'où l'importance de passer par un marché à bon de commandes, sans montant minimum ni maximum ». Le compte à rebours a maintenant commencé, lancement de la procédure en septembre. Advienne que pourra !


1 Lire notre article du dossier sur ce sujet
2 Article 28 du code des marchés publics qui dispose que « le marché sera passé sans publicité ni mise en concurrence préalable si les circonstances le justifient, ou si son montant estimé est inférieur à 4000 euros HT
3 pour obtenir le cahier des charges de la ville de Bussy-Saint-Georges : redaction@achatpublic.com
4 www.mairie-gif.fr/rubrique.php3?id_rubrique=77&var_recherche=march%E9s+publics
5www.ville-bussy-saint-georges.fr/him/showarticle.aspx

6 Lire le BOCCRF du 23 janvier 2001 Avis du Conseil national de la consommation sur l'information du consommateur dans le secteur des honoraires des avocats/NOR : ECOC0100033V : www.finances.gouv.fr/DGCCRF/boccrf/01_01/a0010024.htm