
Les solutions qui s’offrent à la France
- 05/10/2007
La France, bien décidée à aller jusqu'au bout, explore toutes les pistes pour aider ses PME à conquérir des marchés publics : dispositif sous les seuils, point d'entrée unique, « carotte » pour les acheteurs publics méritants… Missionné par Nicolas Sarkozy, Lionel Stoléru remettra un rapport fin décembre.

La France caresse déjà depuis un moment l'idée d'un « SBA » à l'européenne. En décembre 2004, à l'occasion d'un colloque organisé à Bercy par l'ANVAR et le Comité Richelieu, association de PME innovantes, le sénateur Laffitte tonne contre la frilosité des organismes publics : «il est plus facile pour une PME innovante d'obtenir un contrat en Pennsylvanie qu'en France». A sa suite, la plupart des orateurs, y compris Patrick Devedjian, alors ministre délégué à l'Industrie, regrettent que la commande publique ne puisse donner un coup de pouce aux jeunes pousses afin qu'elles connaissent des « success stories ». Le Small Business Act, né aux Etats-Unis en 1953, qui permet de réserver une part des achats fédéraux aux « petits » est sur toutes les lèvres. A l'époque, Jérôme Grand d'Esnon brise toute illusion : la discrimination positive n'est pas permise par l'Union : «n'attendez rien de ce côté. On ne peut pas le faire car nous serions sanctionnés. La solution n'est pas française, mais européenne car la problématique des PME se pose dans d'autres pays ». Tout change lorsque Dominique de Villepin, s'empare du sujet jusqu'ici confiné aux conclaves de spécialistes, en proposant dans son discours de politique générale, qu'une part des marchés publics soit réservée aux petites et moyennes entreprises. Paris va commencer alors un intense travail de lobbying pour que l'Europe puisse bénéficier du même traitement de faveur accordé, lors des précédentes négociations de l'Accord sur les marchés publics (AMP). Consciente de l'enjeu, Christine Lagarde, soutenue par le MEDEF, ministre déléguée au commerce extérieur, se déplace en juillet 2006 à Bruxelles pour rencontrer le commissaire européen au commerce Peter Mandelson.
Réserver des marchés aux PME : une mesure populaire
La campagne présidentielle accélère encore le tempo. Tous les candidats, ou presque, promettent un morceau du gâteau aux PME. Elu président, Nicolas Sarkozy jure, fin août 2007, qu'il se battra pour convaincre Bruxelles. « Je veux que la France se dote d'un "Small Business Act" sur le modèle américain qui permette de réserver une partie des marchés publics aux PME », proclame-t-il lors des universités d'été du MEDEF. Il donne à Lionel Stoléru mission de trouver des idées et vite. Soutenu par huit pays dont l'Allemagne, Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce extérieur, a décroché une première victoire en septembre. Cette fois, la Commission a mis de l'eau dans son vin. Elle accepterait d'inclure dans l'offre révisée une clause stipulant que les entreprises originaires de pays tiers ayant négocié dans le cadre de l'AMP la possibilité de favoriser l'accès de leurs PME nationales aux marchés publics «se verraient privées de fonds communautaires lorsqu'elles postuleraient à la commande publique» dans l'Union. En attendant le résultat aléatoire des négociations, que reste-t-il aux politiques pour mettre leurs paroles en pratique ? Une des pistes envisagées serait d'imaginer un dispositif sous les seuils. La mesure serait populaire si l'on en croit un sondage réalisé par Oséo cet été auprès d'un millier d'entreprises clientes : 90% d'entre elles plébiscitent un « mini » de 25% des achats publics réservé aux PME. On suppose que la voie législative serait préférée à la voie réglementaire. Le Code 2006 a été, on s'en souvient, l'occasion de planter de « petits drapeaux » pour rappeler aux acheteurs publics de ne pas oublier les PME. Or, si l'allotissement, élevé au rang de principe de base, a échappé aux fourches caudines du Conseil d'Etat, les autres mesures, à l'image du « quantum » des procédures restreintes, ont été retoquées par les sages du Palais-Royal. « On est arrivé au bout de l'exercice », a d'ailleurs assuré Jérôme Grand d'Esnon à l'occasion du congrès des experts-comptables à Lille le 5 octobre.
De faibles marges de manœuvre
La marge de manœuvre reste très très mince. Car même sous les seuils, la France ne peut pas faire ce qu'elle veut. Comme le rappelle la Commission européenne dans sa communication interprétative du 24 juillet 2006 concernant le droit communautaire applicable aux marchés non soumis ou partiellement soumis aux directives marchés, les Etats membres sont tenus de se conformer aux règles et aux principes énoncés dans le traité CE. De plus, la jurisprudence de la Cour de justice, qui a définit « un ensemble de normes fondamentales » pour la passation des marchés publics quel que soit leur montant, implique le respect de l'égalité de traitement et de la non discrimination sur la base de la nationalité (arrêts Télaustria, Coname et Brixen). Toute préférence « locale » est donc vouée à l'échec. Les solutions de « réserver » un pourcentage de petits marchés, ou de définir des objectifs à atteindre, à l'image du système américain, en terme d'attribution de contrats à des PME, demeurent sujettes à caution. D'abord parce que circonscrire la concurrence aux PME communautaires par exemple pour des marchés de moins de 45 000 euros reviendrait, dans les faits, à limiter les réponses aux seules entreprises françaises, voire du terroir. Ensuite parce que la formule pourrait être attaquée par une entreprises qui n'entrerait pas dans le champ de définition de la PME. Par une telle initiative, la France risquerait aussi d'entraîner à sa suite d'autres pays. Et on imagine mal la Commission rester l'arme au pied face à une cascade de textes particuliers. Toutefois, l'Europe est capable d'adopter une position souple, à l'image de ce qui s'est passé pour les achats de faible montant. Une dérogation pourrait être envisagée à la condition qu'elle n'ait pas un impact économique majeur, et qu'elle n'affecte pas la concurrence du marché intérieur. En clair et sans décodeur, que le marché ne présente aucun intérêt pour d'éventuels soumissionnaires d'autres Etats membres.
Modifier les pratiques
D'autres préfèrent insister sur des actions concrètes et immédiates. Quasiment tous les acteurs de la commande publiques des régions Nord-Pas-de-Calais et Wallonie s'unissent actuellement pour constituer un point d'entrée unique des marchés - le projet Facile - qui faciliterait la réponse des petites entreprises. Une étude menée sur ce territoire indique que 60% des PME ignorent l'existence d'un nouveau Code et que 68% ne savent pas où trouver l'information. De son côté, le comité Richelieu, regroupement de 170 PME de haute technologie Pme innovantes, soutient le combat mené par la France : « nous avons une lecture différente de la concurrence. Les jeunes et les petits ne peuvent lutter à armes égales : c'est pourquoi il faut rééquilibrer. » L'association veut modifier les pratiques et parie sur une régulation du marché par la transparence et l'incitation. Grâce par exemple à des indicateurs, à l'image de ce qui a été fait pour le pacte PME. Une fiche serait créé pour chaque entité publique détaillant les critères de sélection, la part des contrats alloués aux PME, les délais de paiement, la politique de recherche et développement. De quoi comparer les pratiques. « On peut le mettre en place dès demain », explique Emmanuel Leprince, délégué général du comité, mais cela ne suffira pas ». Le Comité Richelieu veut pousser les acheteurs à passer à l'acte, en limitant les risques. Il propose de les dédommager ou les récompenser d'avoir choisi une solution innovante. Aux Pays-Bas, 1% des achats publics est gelé : cette somme est destinée à rembourser les personnes publiques qui ont choisi d'opter pour une offre innovante et qui ont subi un échec. « On pourrait aussi très bien imaginer un abondement du budget de fonctionnement d'organismes publics qui ont augmenté la part des contrats attribués à des PME à forte valeur ajoutée », poursuit Emmanuel Leprince. Une carotte qui permettrait de faire progresser rapidement le chiffre d'affaires des « gazelles » technologiques.
Jean-Marc Binot © achatpublic.info, 05/10/2007
Lire nos derniers articles sur le sujet
20/04/2007
Accès des PME aux marchés publics : les propositions des 12 candidats
www.achatpublic.com/news/2007/04/4/AchatPublicBreveALaUne.2007-04-19.0554/view
15/03/2007 Le Comité Richelieu sort un rapport audacieux pour favoriser l'accès des PME innovantes aux marchés publics
www.achatpublic.com/news/2007/03/3/AchatPublicBreveALaUne.2007-03-14.3323/view
15/02/2007 Accès des PME innovantes aux marchés publics : le Comité Richelieu poursuit son combat
www.achatpublic.com/news/2007/02/3/AchatPublicBreveALaUne.2007-02-14.1309/view


Envoyer à un collègue
Chargé de mission centrales d'achats (f/h)
- 21/08/2025
- Métropole d'Aix-Marseille-Provence
Responsable de service commande publique et achats (f/h)
- 13/08/2025
- Ville de Fontenay-sous-Bois
Gestionnaire marchés publics (f/h)
- 13/08/2025
- Communauté de Communes Vallée des Baux-Alpilles
CE 31 juillet 2025 Société Artelia
-
Article réservé aux abonnés
- 06/08/25
- 11h08
TA Lyon 4 juin 2025 Société Computacenter France
-
Article réservé aux abonnés
- 31/07/25
- 07h07
TA Strasbourg 17 juin 2025 SAS Houpert
-
Article réservé aux abonnés
- 30/07/25
- 07h07
Quand les acheteurs publics cumulent les directions
-
Article réservé aux abonnés
- 27/06/25 06h06
- Jean-François Aubry
Marchés publics et 3 devis : une problématique dépassant le Code de la commande publique ?
-
Article réservé aux abonnés
- 13/03/25 06h03
- Mathieu Laugier
Quiz API 2025 : une remise en questions estivale
- 01/08/25 06h08
- Mathieu Laugier
Commande publique et protectionnisme : perte des priorités dans l’achat public ?
-
Article réservé aux abonnés
- 03/06/25 06h06
- Mathieu Laugier
Attributaire d’un marché public de second rang : un intérêt à agir en référé ? Le juge se positionne !
-
Article réservé aux abonnés
- 31/07/25 06h07
- Mathieu Laugier