Acheteurs publics : que les petits salaires lèvent le doigt

  • 17/10/2008
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Les acheteurs attendent toujours que la valorisation de leur fonction passe par des espèces sonnantes et trébuchantes. Malgré le discours ambiant, ils estiment que leur métier et leur rémunération restent sous-estimés. Selon notre enquête - très empirique – le salaire moyen se situerait entre 1 600 et 2 500 € nets par mois. Un résultat que confirme notre sondage en ligne auquel vous avez été plus de 200 à répondre (1).

« Valorisation de la fonction achat » : cette noble expression très en vogue sonne plutôt creux à l’oreille de nombreux acheteurs publics. Sauf cas exceptionnels, la vingtaine d’agents interrogée dans le cadre de notre enquête sur leur niveau de rémunération s’accorde à dire que ce métier reste sous-estimé, malgré un discours ambiant qui laisse penser que les choses changent. Tout comme la fonction, le salaire n’est guère valorisant, surtout en collectivité, semble-t-il. Ainsi, un acheteur du secteur public local, lorsqu’il est rédacteur, gagne entre 1 600 et 1 800 euros nets (nous parlerons à chaque fois de salaires incluant les primes). Dès lors qu’un praticien a en charge le service ou la cellule des marchés publics de sa collectivité ou de son établissement, il se situe généralement au grade d’attaché territorial (cat. A) avec un salaire oscillant entre 2 000 et 2 500 euros nets pour les mieux payés, mais pas toujours. On trouve dans certaines villes moyennes – en Haute-Savoie et dans le Var par exemple - des chefs de service au grade de rédacteur qui sont rétribués entre 1600 et 1800 € nets. Constat relativement étonnant : il ne semble pas y avoir de corrélation entre la taille de la collectivité, le montant du portefeuille géré et le niveau de rémunération perçu. En témoigne cet acheteur du conseil général de Loire-Atlantique qui perçoit 1 600 euros nets alors que le département gère environ un milliard d’euros en dépenses de fonctionnement et d’investissement. En outre, l’enquête révèle que le salaire des professionnels interrogés dans le secteur public local ne dépasse jamais 2 500 € nets mensuels, pour les fonctionnaires. S’agissant des contractuels, c’est une autre affaire.

Un salaire moyen autour de 2 000 € nets

Interrogé sur le sujet, Thierry Papillon, chargé de mission DGME (Direction générale de la modernisation de l’Etat) à la MIFA (Mission Interministérielle France Achats), répond que l’Etat n’a pas réalisé pour l'instant d’études approfondies sur le thème de la rémunération des acheteurs publics. Pour autant, ce vieux routier des achats estime que cette fonction rassemble une population très hétérogène allant des administrateurs civils (catégorie A +), pour l’agence centrale des achats (ACA) notamment, aux ouvriers de l’Etat parmi lesquels on trouve des acheteurs hors pair qui se sont formés sur le tas. Le niveau de rémunération varie donc lui aussi, d’autant que le montant des primes perçues, en sus du salaire de base, diffère « selon qu’il s’agit d’une administration déconcentrée ou pas et selon le ministère de rattachement du fonctionnaire », commente Jacques Pilorget, responsable de la cellule marchés du rectorat de Paris. Toujours est-il que dans le panel des personnes interrogées, les chefs de service sont généralement tous attachés d’administration (catégorie A) et perçoivent entre 2 000 et 2 500 € nets (préfectures, secrétariat général de l’administration pour la police, rectorat…). Il n’y a guère, parmi les sondés, qu’un agent chargée de la politique achats d’un ministère, bénéficiant de plus de 30 ans d’ancienneté, qui déclare toucher entre 3 500 et 4 500 € nets. Même topo pour le secteur hospitalier, sauf cas exceptionnels (lire l’article UniHA : un temps d’avance ?) : le salaire moyen tourne autour de 2000 euros nets pour un attaché d’administration débutant (cat A) ou un adjoint des cadres plus aguerri (cadre B). Quant à la politique d’attribution des primes, impossible d’y voir clair. Certains acheteurs avouent ne rien comprendre non plus. Certains touchent la nouvelle bonification indiciaire tandis que d’autres n’en bénéficient pas alors qu’ils ont la responsabilité d’un service, tel agent perçoit l’indemnité de missions de préfecture alors qu’il travaille en collectivité, tel autre reçoit l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires, mais pas son homologie d’une autre collectivité. Bref, aux dires de tous, c’est le vrai bazar et une gratification particulièrement aléatoire…

Peu d’amateurs pour cette fonction

Difficile dans ces conditions d’attirer des professionnels chevronnés issus du privé ou de fidéliser les agents à ce poste : « Il y a peu d’amateurs pour la fonction achat », confirme Jacques Pilorget. « La volonté de professionnaliser ce métier n’est pas accompagnée d’une politique de rémunération digne de ce nom, assène Sabine Beyer-Fayer, la responsable de la cellule juridique des marchés publics du CHU de Bordeaux. Or, dans les CHU, nous gérons des sommes d’argent énormes et nous mettons en place des procédures complexes ». Dominique Legouge, le directeur du RESAH-IDF (2), estime que les grilles d’accueil de la fonction publique ne sont effectivement pas adaptées. En revanche, dans le secteur hospitalier du moins, il est possible de rémunérer correctement des acheteurs contractuels en les alignant sur le régime des ingénieurs lorsqu’ils répondent aux conditions de diplômes. De quoi attirer des professionnels du privé car la fourchette du traitement brut indiciaire (hors indemnités et primes), même si elle démarre à environ 1600 euros pour un débutant, peut monter jusqu’à 3600 euros pour un acheteur assimilé à un ingénieur principal expérimenté. Mais ces cas paraissent encore rares dans le monde public. Sylvie Grangier, de la CCI de l’Essonne, indique qu’elle a perdu 40% de son salaire annuel en passant du secteur privé où elle était spécialiste des achats généraux au secteur public. Olivier Menuet, le tout nouveau directeur délégué des achats durables et solidaires à la SNCF, fraîchement arrivé à son poste après avoir occupé celui de manager des achats pour l’Europe chez Rhodia (ex Rhône Poulenc), a bien tenté de travailler en collectivité locale. Il y a renoncé en raison de la rémunération proposée : « J’ai postulé dans un conseil général en baissant de 30% le salaire que je percevais dans le privé. Mais j’étais encore deux fois trop cher pour le département en question. J’ai laissé tomber », avoue-t-il. Il y a encore du chemin à faire…
(1) Le 16 octobre à 17 heures, vous étiez 209 à avoir répondu à notre sondage en ligne « Acheteurs publics, combien gagnez-vous par mois (montant brut hors prime) ? ». Résultat : 55% des sondés gagnent entre 1 500 et 2 500 € bruts mensuels par mois et 13% entre 2 500 et 3 000 bruts par mois.
(2) réseau des acheteurs hospitaliers d’Ile-de-France