
Une prime pour mettre du beurre dans les épinards ?
Faut-il améliorer la rémunération des acheteurs par une prime liée à leur performance ? Les avis sont partagés chez les praticiens. Si les économistes sont pour, les juristes le sont moins.

Dans le privé, les acheteurs sont habitués, à l’instar de leurs collègues commerciaux, qu’on leur propose une part variable en fonction d’objectifs définis : économies réalisées, qualité, rapidité, adéquation avec le besoin… De 8% jusqu’à 30% de la rémunération globale dans le meilleur des cas (lire notre article : acheteur privé, une place en or). Etant donné le statut hétéroclite, la diversité des statuts (et par conséquent des salaires) des acheteurs du public, doit-on récompenser la fonction, avec un bonus calculé selon la performance et le mérite ? Ancien acheteur de la Défense, Thierry Papillon, aujourd’hui chargé de mission à la DGME, considère que « la question n’est pas iconoclaste ». L’idée a été caressée par la Délégation générale pour l’armement (DGA). Et mis en pratique dans certains cas. Les contractuels recrutés sous statut ICT (ingénieurs civils sous contrats) ont la possibilité de toucher des primes plus importantes que leurs collègues de la fonction publique. Mais il s’agit de pratiques particulières pour des contrats très complexes liés aux programmes d’armement. Même si la fiche de paie n’explique pas tout, la sphère publique devra de toute façon trouver un moyen de retenir ses meilleurs éléments, comme le souligne Sabine Beyer-Faye, attachée et responsable de la cellule juridique des marchés au CHU de Bordeaux. « Il y a un gros turn over sur le poste achat. Ceux qui ont de l’expérience partent ensuite dans le privé qui est bien mieux rémunéré. J’ai eu une jeune stagiaire de niveau DESS chez nous qui a obtenu quatre entretiens et quia été retenue à chaque fois ! » « J’aurais aimé que le conseil municipal donne une petite prime de 50 euros à mes collaborateurs pour les récompenser du travail que nous effectuons, histoire de marquer le coût, car nous avons beaucoup travaillé sur la réorganisation des achats dans notre service et on a atteint nos objectifs, mais cela a été refusé. La commune est pauvre », déplore un responsable des marchés publics d’une ville de moins de 15 000 habitants.
Une prime pour valoriser la fonction
Qu’en pensent les acheteurs ? Certains jugent le concept séduisant. « Je pense que ce serait bien de toucher une prime à la performance, ce qui contribuerait à donner une tournure beaucoup plus économique aux achats et pas seulement procédurale, vision que j’ai du mal à faire passer à ma hiérarchie. La fonction achat est peu valorisée, contrairement à ce que l’on dit », témoigne Valérie Bouvard, responsable de la cellule achats d’Annecy-le-Vieux (20 000 habitants). Rédactrice (catégorie B), elle encadre deux personnes et touche environ 27 000 euros bruts par an, NBI (nouvelle bonification indiciaire) comprise. Même son de cloche chez Jacques Pilorget, attaché et responsable de la cellule marchés publics du rectorat de Paris. « Les primes dépendent du ministère de rattachement et du fait qu’il s’agisse d’un service déconcentré ou pas. Pourquoi pas une prime performance, car on est un peu isolé aux achats et l’on considère comme normal d’avoir des résultats. Ce n’est pas une fonction reconnue en soi pour l’instant. Cela se mettra peut-être en place avec la mise en place de l’agence centrale des achats. Ce qui manque surtout, c’est d’avoir des primes qui prennent en compte la technicité et la complexité des achats », constate-t-il. S’il n’existe pas de gratification labellisée achats, les praticiens perçoivent des bonus statutaires non négligeables : jusqu’à un quart de la rémunération fixe annuelle pour Isabelle Mannetsatter, rédactrice principale, acheteuse depuis 2001 et salariée à la mairie de la Londe les Maures (10 000 habitants) : « Dans la FPT, que l’on soit acheteur ou au service de l’urbanisme, c’est pareil. On est fonctionnaire, point. Il faudrait peut-être une prime nationale pour récompenser la prise de responsabilité d’un service et en fonction d’objectifs atteints ». Les modalités de calcul d’une telle rallonge posent toutefois question. « Je serai favorable à une prime de performance. Reste à savoir si elle serait bien donnée aux personnes qui la méritent », résume Alexandre Rose-Santini, responsable des achats de Porto-Vecchio. « Oui à une prime, mais il faut voir comment, renchérit Romain Audoux, attaché et chef du bureau des marchés publics du secrétariat général pour l’administration de la police (SGAP) de Lille, certains agents travaillent, comme moi, sur la partie procédure uniquement, et pas sur l’achat pur. Et il y a de plus en plus de commandes mutualisées. Que se passera-t-il avec l’agence de l’Etat ? Et que fait-on si un acheteur réussit un achat plus économique en local qu’en regroupé ? »
De la difficulté de définir les objectifs
Le principe ne fait d’ailleurs pas l’unanimité, surtout du côté des juristes, gestionnaires de procédures. Responsable des marchés publics de Montauban (55 000 habitants), Cécile Dumontet, attachée territoriale, est opposée à une prime liée à la performance : « dans une collectivité locale, il est très difficile de définir des objectifs à atteindre, surtout quand on traite des procédures. Ce que nous faisons en la matière n’a pas trop d’intérêt et cela serait difficile à mettre en place ». Un sentiment partagé par Jacqueline Cucuphat, responsable de la cellule des marchés du DRSP de Dijon : « pour pouvoir verser une prime de performance en fonction des économies obtenues, il faudrait déjà par exemple posséder des tableaux de bord pour effectuer les analystes nécessaires. Or l’administration ne dispose pas de ces outils. Et cela n’aurait de sens évidemment que sur les marchés de fournitures et services, pas sur les travaux. » Pour Dominique Legouge, une prime n’est pas une bonne solution. « Proposer une prime spécifique, c’est réveiller toutes les revendications catégorielles. Améliorons plutôt les grilles de rémunération », suggère le patron du réseau des acheteurs hospitaliers franciliens. Dominique Legouge regrette pourtant la disparition de l’indemnité liée à la coordination des groupements de commande qui existait avant 2001. « Il faudrait la rétablir car elle récompense et encourage ceux qui acceptent ces missions en plus de leur travail normal. » Alors que la mutualisation est dans l’air du temps, il serait bon en effet de pérenniser un minimum la compétence et l’expérience des coordonnateurs. Car le bénévolat et le volontariat ont leurs limites…


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