Relèvement du seuil à 20 000 € : les PME globalement satisfaites

  • 16/01/2009
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Un sondage réalisé auprès de plusieurs fédérations professionnelles montre que les PME sont dans leur ensemble satisfaites de la mesure. La crainte qu’un favoritisme local se développe sous le seuil des 20 000 € reste limitée. Elles font globalement confiance aux acheteurs publics pour mettre en place un minimum de transparence sous cette barre.

Jean-François RoubaudOn le sait, le relèvement du seuil des achats sans procédures de 4 000 € à 20 000 € représente l’une des mesures phares du plan de relance du gouvernement pour améliorer la situation des PME et des TPE dans un contexte de grave crise économique. Mais qu’en est-il dans la pratique ? Les principales intéressées à l’affaire voient-elles réellement d’un bon œil cette initiative ? La réponse est globalement positive. De nombreuses fédérations professionnelles du secteur du bâtiment, de la communication, de l’impression, de l’électricité, des espaces verts ou encore des fruits et légumes se déclarent plutôt, voire très, satisfaites. La raison en est évidente : les entreprises interrogées estiment en effet que ce relèvement représente un ballon d’oxygène grâce à l’assouplissement des procédures qu’il permet jusqu’à un seuil loin d’être négligeable. Certaines considéraient d’ailleurs que le seuil des 4 000 € était d’un montant dérisoire. Tel est l’avis, par exemple, de la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (FIEEC) ou de l’Union nationale des entreprises de paysage (UNEP) : « Le seuil des 4 000 € était ridicule et il était relativement compliqué pour un patron de TPE ou un artisan de répondre à une mise en concurrence formelle pour de faibles montants, cela ne les d’ailleurs incitait pas y à répondre », confirme Emmanuel Mony, le président de l’UNEP. « Les procédures étaient trop lourdes au-delà de 4 000 € et coûtaient au final trop d’argent par rapport aux montants qu’elles représentaient », complète pour sa part Jean-François Roubaud, le président de la confédération générale des PME (CGPEM). Pour ce dernier, le dispositif devrait d’abord profiter aux TPE du bâtiment « qui vont avoir rapidement besoin de commandes ».

Faut-il craindre le localisme ?

Pascal BoveroA la Confédération des artisans et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), le son de cloche est un peu différent. Les dispositions sont considérées comme une bonne chose dans un contexte exceptionnel de crise. Mais pas de façon pérenne : « Nous ne souhaitons pas que cette situation perdure car elle pourrait inciter certaines collectivités à faire du localisme, indique Patrick Liébus, premier vice-président de la CAPEB. Les collectivités n'ont plus à motiver leurs achats sous la barre des 20 000 €, ce qui est selon nous la porte ouverte au favoritisme local contre lequel nous nous battons depuis des années. Nous défendons la transparence et la mise en concurrence des entreprises ». Pascal Bovéro, le délégué général de la Fédération des imprimeries et de la communication graphique (FICG), avoue pour sa part que le favoritisme local ne l'incommode pas : « Je ne l'attaque pas car les entreprises du secteur de l'imprimerie et du graphisme font partie des sociétés ancrées dans leur territoire qui ont beaucoup souffert de la délocalisation des flux à l'étranger avec l'accroissement de la sous-traitance. Combien de bulletins municipaux sont partis en fabrication en Roumanie, loin de nos frontières ?! La mise en concurrence exacerbée n'est pas toujours une bonne chose. Et quand les collectivités définissent mal leurs besoins pour des lots de petits montants, elles compliquent sérieusement le travail des entreprises. Dans notre secteur, leurs demandes sont parfois très floues et impliquent une paperasserie très contraignante pour une PME ou une TPE. Ces dernières ont donc tout intérêt à ce que les échanges soient accélérés, tout comme les personnes publiques d'ailleurs, car les imprimeurs et les graphistes sont de moins en moins nombreux à répondre à des marchés en raison de l'incohérence dans la définition des besoins », affirme-t-il. « Je ne pense pas que la mesure entraînera la fin de toute mise en concurrence sous la barre des 20 000 € », estime de son côté Olivier Diard, le délégué général de la Fédération nationale des Scop du BTP, qui s'étonne du scepticisme dont fait preuve Patrick Liébus. « Je pense que les entreprises qui sont connues et appréciées continueront à remporter des marchés même sans obligation de concurrence formelle sous ce seuil. Et je pense également que les collectivités locales seront dans l'ensemble sourcilleuses d'appliquer les principes de transparence et de mise en concurrence sous cette barre. En tout cas, nos adhérents apprécient la mesure et y voient plus de vertus que d'inconvénients », commente-t-il.

Attendre et voir

Il est vrai que relever le seuil des achats sans procédures ne signifie pas pour autant s'en affranchir. Catherine Bergeal, la directrice des affaires juridiques de Bercy l'a clairement signalé dans nos colonnes : « Le relèvement du seuil de 4000 euros ne signifie en rien que l’acheteur public peut s’affranchir des principes de la commande publique qui ont valeur constitutionnelle et sont rappelés à l’article 1er du code des marchés publics. La plus grande liberté que lui laisse ce relèvement de seuil devra nécessairement prendre en compte ces contraintes dans le choix de la démarche d’achat adoptée par l’acheteur public », a-t-elle déclaré. Un point de vue que défend Laurent Grandin, le directeur de Sicaer, une société de distribution de fruits et légumes pour la restauration et président de la commission de restauration hors domicile à Interfel (Interprofession des fruits et légumes frais) : « Tout achat commence dès le 1er euro. Même sans formalisme majeur, l'obligation de mise en concurrence est nécessaire. On ne peut pas lancer un marché sans en démontrer son bien fondé. Le code l'explique clairement », complète ce professionnel. « Je crois que les acheteurs ont du bon sens et qu'ils s'efforcent d'organiser des procédures rigoureuses. Il me semble en tout cas qu'un bon acheteur s'attachera toujours à mettre en place un minimum de formalisme sous 20 000 €, sans quoi il peut s'exposer potentiellement à un contentieux. Je ne pense pas que la mesure faussera le jeu de la compétition », considère-t-il. Reste à savoir si le dispositif en vigueur concerne toutes les denrées alimentaires d'un même marché ou un seul lot à chaque fois ? « Si la disposition se rattache à l'ensemble des lots d'un même marché, elle ne me paraît pas dangereuse et s'appliquera parfaitement aux achats non récurrents. Si la mesure s'applique, en revanche, à chaque lot, le risque d'une distorsion de concurrence apparaît plus important. De toute façon, ceux qui favorisent les entreprises locales n'ont pas attendu le relèvement du seuil des 4 000 € pour le faire », conclut, quelque peu philosophe, Laurent Grandin.