
Jacques Barrailler, nouveau sherpa des achats de l’Etat
Le ministère du Budget a recruté un homme chevronné pour prendre la direction du service des achats de l’Etat (SAE) et mener le plan de transformation à bon port. Pur produit du secteur privé, Jacques Barrailler, centralien de formation, a pour lui une carrière bien remplie et surtout l’expérience du changement dans de grandes entités.

A 56 ans, Jacques Barrailler peut se targuer d’une belle carrière passée exclusivement dans le privé, jusqu’à ce mois de mars 2009, date de son arrivée à la tête du service des achats de l’Etat (SAE). Ce centralien de formation a toujours cultivé les grands groupes. Mais ce n’est qu’en 1994 qu’il découvre l’univers des achats. En pleine mutation, Rhône-Poulenc, fleuron de l’industrie française, lui confie la direction achats de son activité pharmacie, baptisé Rhône-Poulenc Rorer, suite à l’acquisition d’une entreprise américaine. Au directeur de production de changer de métier pour mener à bien le changement tout court dans une atmosphère enfiévrée. Réorganisation, méthodes de travail et stratégie composent le menu. « Il y a avait une trentaine de consultants qui travaillaient sur le sujet des achats. Les idées fusaient. Cela déménageait. » Quatre ans plus tard, nouvelle révolution. Le mariage de Rhône-Poulenc Rorer et de Hoechst Marion Roussel donne naissance à Aventis, numéro deux mondial de la pharmacie avec un chiffre d’affaires de vingt milliards de dollars. En 1999, Jacques Barrailler s’installe à Francfort et supervise les achats du nouveau mastodonte. Cette fois, il s’agit de vendre la fonction achats à la partie « allemande » de la société. « Chez Rhône-Poulenc Rorer, j’étais parti de zéro. Et je repartais de zéro chez Aventis. Les deux sociétés qui avaient fusionné étaient de taille équivalente. Il fallait faire attention à ne pas détruire de la valeur tout en bâtissant une culture commune. »
Manager 200 acheteurs à travers le monde
En 2002, Pechiney le débauche. Le voilà à nouveau directeur des achats « monde » d’un grand groupe dans un contexte de recomposition des équipes. Jacques Barrailler reçoit la mission de mettre en mouvement 200 acheteurs répartis un peu partout, en Europe, en Amérique du Nord, en Asie, de manager l’ensemble afin de « dégager de la valeur ». « La société avait fait l’effort de renouveler ses forces. Un tiers des acheteurs avaient un mastère achats internationaux (MAI) plus quatre années d’expérience. Mais il y avait beaucoup de silos.» A peine deux ans plus tard, Pechiney est racheté par le canadien Alcan, géant mondial de l’aluminium. Destination Montréal où le mot d’ordre est très américain : « faire simple ». « On devait travailler sur des segments prioritaires dans le cadre d’une matrice enjeux/efforts », se souvient Jacques Barrailler. Seul hic, la direction générale n’est pas fanatique de la centralisation des achats. Du coup, son nouveau poste est limité aux acquisitions transversales, même si le Français prend le soin d’inclure dans son contrat qu’il devra définir une stratégie achats. Néanmoins, les « achats étaient en dessous du radar », résume-t-il de manière imagée. Il faut reprendre son bâton de pèlerin et « vendre » une nouvelle fois la fonction achats.
Beaucoup de similitudes entre le privé et le public
C’est sans doute en raison de cette expertise qu’un chasseur de tête missionné par le ministère du Budget lui propose le poste de directeur du futur service des achats de l’Etat. Le projet et la perspective de créer quelque chose font pencher la balance. « Je ne suis pas attiré par la gestion des machines de guerre », confie-t-il. Est-ce pour lui une révolution culturelle de passer dans le secteur public ? Non, pas vraiment. Il y a, à son avis, « beaucoup de similitudes » entre les deux univers : l’Etat a la volonté d’aligner sa politique achat sur celles d’entreprises de grande taille. Les budgets sont contraints et il est nécessaire de faire des économies « intelligentes ». Très zen malgré l’ampleur de la tâche, Jacques Barrailler trouve même que les conditions sont favorables, comparées à ce qu’il a connu dans le privé : il y a déjà de nombreux succès de mutualisation. « Changer, ce n’est pas seulement massifier. C’est aussi échanger les ressources, les bonnes pratiques, et il y en a déjà dans les ministères. » Il est frappé par la richesse des ressources humaines. Les collaborateurs ont « une excellente connaissance des leviers et des marchés ». Bref, un niveau supérieur aux acheteurs du privé, affirme-t-il. Les procédures juridiques ne lui posent pas de problèmes. « Les marchés publics ont aussi un avantage : ils forcent la concurrence et évitent de donner des rentes de situation aux entreprises. »
Convaincre du bien fondé de la démarche
Il assure que le décret, attendu au JO, qui encadre le travail du SAE, a prévu tout ce qu’il fallait pour réussir le « programme de transformation » : « dans certaines sociétés, j’ai démarré avec un mandat plus léger que cela ». Venue en grande partie de l’Agence centrale des achats des Finances, son équipe aura la mission de tracer la stratégie des achats courants (fournitures, mobilier, informatique, télécoms, maintenance des bâtiments, impression et affranchissement…), de rationaliser les besoins, de choisir un opérateur ou de prendre en charge directement certains marchés interministériels, d’animer le réseau des acheteurs centraux et déconcentrés et de convaincre l’ensemble des acteurs du bien-fondé de la démarche (1). « « Si on ne sait pas associer les prescripteurs et les bénéficiaires qu’il ya des raisons de changer, on passera ensuite le reste du temps à faire de la communication avec une chance de réussite plus réduite. » Le nouveau patron du SEA devra aussi rassurer ses interlocuteurs car certains craignent que l’intérêt de l’Etat se confonde un peu trop avec l’intérêt de Bercy. Je ne suis pas seul, répond l’ancien d’Alcan : le SEA sera chapeauté par un comité d’orientation, composé notamment de parlementaires et de personnalités extérieures. Présidé par Noël de Saint-Pulgent, il tiendra sa première réunion en juin. Le service sera aussi suivi par un comité de pilotage, où seront représentés tous les ministères. « Il faut avancer de front en équipe. Si on joue chacun de son côté, on y sera encore dans dix ans. » Dans le droit fil de ses précédentes expériences professionnelles, Jacques Barrailler veut enfin professionnaliser, valoriser le métier auprès des dirigeants, convaincre le haut de la pyramide de l’importance de la fonction, car que l’on soit dans le privé ou dans le public, le constat est le même. « Il n’ya pas vraiment de culture achats chez les décideurs. Il suffit de regarder les programmes des grandes écoles », regrette-t-il.
(1) Lire notre article d’octobre 2008 : L'agence interministérielle dans les "starting blocks"
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