Article 10 : comment justifier l’absence d’allotissement ?

  • 20/07/2009
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Lors d’une audience du Conseil d’Etat du 8 juillet, le rapporteur public a proposé d’annuler une procédure passée en groupement de commandes par la communauté urbaine de Nantes pour cause de justification insuffisante.

Nantes Métropole se croyait tranquille en définissant un seul lot « cartes SIM » dans sa procédure d’appel d’offres pour la fourniture de services de télécommunications. Ces cartes étaient destinées à la fois aux portables des agents et aux horodateurs de la ville. Un seul et même produit… mais deux utilisations différentes. S’agissait-il d’une seule prestation, donc d’un seul marché, ou fallait-il scinder le lot en deux ? Pour répondre à cette question et annuler la procédure, le juge des référés du TA de Nantes n’avait pas hésité à entrer dans des considérations très techniques pour rendre son verdict le 1er août 2008. Les horodateurs émettent sur des fréquences de 900 MHz. L’opérateur Bouygues Telecom, requérant contre la procédure, travaille, lui, sur du 1800 MHz… Pour candidater à ce lot, il aurait dû implanter de nouvelles stations, ce qui lui aurait très coûteux. L’entreprise, intéressée par la fourniture des cartes SIM destinées aux portables, demandait donc à ce que ce lot soit divisé en deux prestations distinctes. Le 8 juillet devant le Conseil d’Etat, le rapporteur public, Bertrand Dacosta, a opté pour cette solution. Mais en s’appuyant sur d’autres arguments. L’ordonnance du juge de première instance, dont la rédaction « pas très satisfaisante », doit selon lui être censurée pour erreur de droit. Le juge des référés doit en effet exercer un « contrôle simple » sur les « erreurs significatives » de justification d’absence d’allotissement. Dans l’affaire de Nantes Métropole, toute la question tournait autour de l’exécution financièrement coûteuse du marché.

Un surcoût qui n’était « pas significatif »

« Un pouvoir adjudicateur qui ne satisfait pas à l’article 10 doit le justifier », a-t-il averti. Le contrôle du juge ne doit certes « pas être trop strict », mais les explications des acheteurs doivent être tout de même convaincantes… Celles de Nantes Métropole ne l’étaient pas. En ne faisant qu’un seul lot, la collectivité comptait réaliser une économie de 13 000 euros, soit 1,6% du montant du marché… Si toutes les économies, même les plus petites, devaient justifier l’absence d’allotissement, alors le marché global deviendrait la règle. Le rapporteur public s’est appuyé sur cette crainte pour démonter «  l’appréciation manifestement erronée de la communauté urbaine de Nantes » du surcoût lié à l’allotissement. Un surcoût qui n’était « pas significatif » pour Bertrand Dacosta. Il a donc proposé aux juges du Palais-Royal de sanctionner la procédure. Un choix qui a suscité la colère de David Gaschignard, le conseil de la communauté urbaine. En réaction aux conclusions du rapporteur public, l’avocat a dénoncé « une logique dangereuse ». Si SMIRGEOMES a mis un terme aux abus, cette position pourrait, selon lui, permettre aux contentieux de « redémarrer très fort ». L’avocat craint en effet un contrôle extérieur des plus « vétilleux » à l’avenir, si le Conseil d’Etat devait s’engager dans cette voie. « La fréquence du 900 MHz répond aux besoins de la collectivité. Pour les techniciens, ce marché est un marché de cartes GSM », a-t-il à nouveau tenté d’argumenter en désespoir de cause. Sera-t-il entendu ? Les juges suprêmes se prononceront dans les prochaines semaines.

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