Conseil d’Etat : les décisions de l’été

  • 04/09/2009
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Pendant les vacances estivales, la haute juridiction a rendu une série de décisions concernant la passation des marchés, les DSP ou encore les recours devant le juge administratif. Petite revue de détail.

Le 11 août (1), les juges suprêmes ont annulé la procédure de passation d’un marché de services de télécommunication lancé en groupement de commandes à Nantes pour méconnaissance de l’article 10 du code. Selon eux, le recours au marché global n’était pas justifié. L’économie financière réalisée ne représentait que 2% du budget alloué au lot litigieux et les prestations regroupées étaient différentes d’un point de vue technique. Ce choix a lésé un candidat au marché (nous reviendrons sur cette affaire dans un prochain article).

Délais de passation

La région Centre (2) a vu confirmée l’annulation de sa procédure de passation d’un marché de déménagement parce qu’elle n’avait pas laissé de délai suffisant entre la publication de l’avis de publicité et la date limite de remise des offres (Lors de l’audience, le rapporteur public avait évoqué une période de moins de quatre semaines et une visite obligatoire des lieux par les candidats). La haute juridiction a tenu compte du montant du marché qui était de 160000 euros HT. Les documents de la consultation contenaient en outre des contradictions « ne permettant pas aux candidats de connaître avec précision la durée d’exécution du marché ». L’AAPC évoquait un délai de 4 mois, le CCAP 80 jours (soit moins de 3 mois).

Procédure négociée

Pour consulter les candidats en procédure négociée après un premier appel d’offres déclaré infructueux, un pouvoir adjudicateur peut se contenter d’envoyer une simple lettre aux candidats sélectionnés. Le courrier n’a pas besoin d’être accompagné des documents de la consultation mentionnés à l’article 66 du CMP, s’il mentionne « clairement que les documents de la consultation [sont] inchangés ». La personne publique peut également apprécier les offres au regard du prix et des qualités techniques quand bien même la première procédure a été annulée parce que les offres reçues présentaient un prix trop élevé (3).

Concours

Les candidats à un concours restreint d’architecture et d’ingénierie organisé pour l’attribution d’un marché de maîtrise d’œuvre peuvent prétendre au versement de la prime prévue « à la condition que les études remises soient conformes au règlement du concours », a rappelé la haute juridiction à l’occasion d’un litige impliquant la commune de Deauville (4).

Smirgeomes

Le Palais-Royal a une nouvelle fois complété la liste des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence sans incidence. Un candidat dont l’offre a été écartée parce qu’irrégulière n’a pu être lésé par l’absence de renseignement dans les rubriques de l’AAPC (relatives au pouvoir adjudicateur, à la valeur totale des acquisitions pour l’ensemble de la durée d’un accord-cadre, aux enchères électroniques, au délai minimal pour le maintien de l’offre, etc). Une notification tardive de rejet d’une offre ne peut pas non plus léser une entreprise à partir du moment où celle-ci a pu contester utilement le motif du rejet (5). Dans le cas d’une entreprise dont l’offre a été déclarée irrecevable, celle-ci ne peut prétendre être lésée par un défaut de transparence sur la méthode de notation et de hiérarchisation des offres au regard des sous-critères eu égard au stade de la procédure auquel il se rapporte. Le Conseil a rappelé au passage que c’est à la société requérante d’établir en quoi d’éventuels manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence ont pu la léser ou sont susceptibles de le faire (6).

Marchés à bons de commandes

Un litige concernant les Alpes-Maritimes a été l’occasion de réitérer la définition des marchés à bons de commande qui doivent « être regardés comme des accords-cadres au sens du droit communautaire » (7). Côté recours, la présentation d’un mémoire en réclamation au-delà du délai prévu par le CCAG-FCS (30 jours dans le litige auquel s’appliquait l’ancienne formule, mais deux mois selon le CCAG FCS version 2009) empêche le recours au référé provision (8).

Durée des DSP

La période d'amortissement des installations évoquée à l’article L.1411-2 du CGCT est celle pendant laquelle le délégataire couvrira ses charges d'exploitation et d'investissement (compte tenu des contraintes d'exploitation liées à la nature du service et des exigences du délégant, et de la prévision des tarifs payés par les usagers), « que cette durée coïncide ou non avec la durée de l'amortissement comptable des investissements » (9).

Maîtrise d’ouvrage

Le Conseil d’Etat a confirmé la nullité d’une convention de vente et de commodat (prêt à usage) entre une commune et une société qui avait réalisé un projet d’aménagement d’une zone d’activité pour le compte et selon les besoins de la personne publique. L’entreprise s’était engagée à revendre à la collectivité pour le franc symbolique les parcelles et les ouvrages construits sur cette zone. La haute juridiction a requalifié la personne de maître d’ouvrage et jugé que la société n’entrait pas dans la catégorie des personnes morales auxquelles peuvent être confiées une mission de maîtrise d’ouvrage déléguée (10).

Recours

Une entreprise ne peut réclamer deux fois une indemnisation sur le fondement des sujétions imprévues en cours d’exécution des travaux et au moment du décompte général. En l’espèce, les requérants avaient été déboutés une première fois de leur demande par le Conseil d’Etat au stade de l’exécution. La haute juridiction a rejeté leur deuxième recours (11). Quant à la palette d’outils du juge administratif, la haute juridiction s’est servie de son pouvoir de modulation de ses injonctions. Après avoir déclaré nulles plusieurs clauses d’une convention de distribution de gaz et d’électricité, elle a laissé jusqu’au 1er mars 2010 à la ville de Grenoble et à son cocontractant pour trouver une solution contractuelle tenant compte de sa décision tout en assurant la continuité du service public (12).

(1) CE 11 août 2009, Communauté urbaine Nantes Métropole, n°319949  CE 11 août 2009 Nantes Métropole (270.43 kB)

(2) CE 5 août 2009, Région Centre, n°307117  CE 5 août 2009 région Centre (181.6 kB)

(3) CE 11 août 2009, Société Val Horizon, Syndicat Emeraude, n°325465 & 325498  CE 11 août 2009 société Val Horizon (328.33 kB)

(4) CE 5 août 2009, Commune de Deauville, n°322997 & 322998  CE 5 août 2009 Deauville (181.01 kB)  CE 5 août 2009 Deauville (2) (170.37 kB)

(5) CE 5 août 2009, Département de la Drôme, n°320038 et n° 320039  CE 5 août 2009 Drôme (232.28 kB)  CE 5 août 2009 Drôme (2) (225.53 kB)

(6) et (7) CE 11 août 2009, Département des Alpes-Maritimes, n°320088,320544  CE 11 août 2009 Alpes-Maritimes (307.56 kB)

(8) CE 11 août 2009, AP-HP, n°325791  CE 11 août 2009 AP-HP (265.3 kB)

(9) CE 11 août 2009, Société Maison Comba, n°303517  CE 11 août 2009 société Comba (210.7 kB)

(10) CE 11 août 2009, Commune de Les Vans, SCI Serart.com, n°317516  CE 11 août 2009 Les Vans (228.01 kB)

(11) CE 31 juillet 2009, Société Campenon Bernard et autres, n°300729 & 301083  CE 31 juillet 2009 société Campenon (271.07 kB) 

(12) CE 31 juillet 2009, Ville de Grenoble, Société Gaz Electricité de Grenoble, n°296964 & 297318  CE 31 juillet 2009 société Gaz électricité de Grenoble (572.68 kB)