Tropic : les concurrents évincés, rien que les concurrents évincés !

  • 25/11/2009
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Dans une récente décision relative au marché de prestations fournies dans les centres de rétention administrative, le Conseil d’Etat a exclu le recours d’associations qui auraient pu être candidates mais qui n’avaient pas concouru et celui d’un candidat ayant remporté trois lots. 

 « Seul un concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat… ». Dans sa décision (1) du 16 novembre, la haute juridiction administrative a remis la jurisprudence Tropic à l’ordre du jour pour évincer à son tour trois associations qui contestaient l’attribution du marché lancé le 18 décembre 2008 par le ministère de l’immigration. L’association des avocats pour la défense du droit des étrangers (ADDE), l’association Elena France et le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) ne se sont portées candidates à aucun des lots ayant fait l’objet de l’appel d’offres pour la fourniture des prestations au bénéfice des étrangers maintenus en centre de rétention administrative. Et à l’appui de leur recours devant le juge des référés visant à faire suspendre l’exécution des huit lots en jeu, elles n’ont apportés « aucun élément justifiant qu’elles auraient pu être candidates », ont relevé les juges suprêmes dans leur arrêt. Le couperet est tombé : elles « ne sauraient être regardées comme des concurrents évincés de l’attribution de ces marchés ». Leur demande a donc été déclarée « irrecevable ». La haute juridiction n’a pas souhaité s’aventurer sur le terrain d’une évolution jurisprudentielle, un temps évoquée par le rapporteur public Nicolas Boulouis lors de l’audience du 12 octobre (2).  Seul le recours formé par la Cimade a été accepté car cette association avait présenté une offre pour chaque lot. Avec un bémol : candidate non évincée certes, mais également titulaire de trois lots. Or Tropic ne sert pas à attaquer un contrat que l’on a remporté. « La Cimade, titulaire des lots n° 1, 4 et 6, et qui a signé les marchés correspondants, n’est pas recevable, s’agissant de ces trois lots, à exercer devant le juge du contrat l’action ouverte aux concurrents évincés ; que par suite ses conclusions à fins de suspension doivent être rejetées, en tant qu’elles portent sur ces trois lots », ont explicité les juges du Palais-Royal dans leur décision. Le recours de la Cimade n’était alors recevable que pour cinq lots sur huit.

Pièces du marché et objet du contrat

Dans ce cadre, elle a obtenu la suspension de l’exécution du lot n°5 attribué initialement au Collectif Respect pour deux motifs : insuffisance des capacités techniques, professionnelles et financières, et doute sur la validité du contrat. La Cimade soutenait que le marché passé avec le Collectif Respect ne portait que sur des prestations d’information, ce qui est contraire aux dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ni l’AAPC, ni le RC n’étaient d’ailleurs conformes à ce code, mais, comme le relève le Conseil d’Etat, ici seule la conformité des pièces contractuelles pouvait être examinée). Ce moyen était « de nature à faire naître un doute sérieux quant à la validité du contrat, dès lors que ni les stipulations du cahier des clauses administratives générales, ni celles du cahier des clauses techniques particulières, ni l’offre technique de l’association Collectif Respect, qui, en vertu de l’article 4 du cahier des clauses administratives particulières, est une pièce du marché, ne font apparaître que les prestations prévues porteraient également sur l’accueil et le soutien des étrangers ». La haute juridiction a validé les quatre autres lots, les offres techniques des autres associations faisant eux apparaître le bon objet du marché : information des étrangers, mais aussi accueil et soutien.  Dans le cas du lot n°5, il y avait urgence à suspendre l’exécution car celle-ci ne permettait pas de garantir aux étrangers en rétention l’exercice de leurs droits (2). Pour l’occasion, le Conseil d’Etat a même suggéré une solution d’espèce au ministère de l’immigration en incitant celui-ci à conclure un avenant à la convention qui le lie à son prestataire actuel en attendant qu’un nouveau marché soit attribué.  Une solution qui, selon le rapporteur public Nicolas Boulouis, ne pourrait pas être appliquée à d’autres contrats.

(1) Décision du Conseil d’Etat du 16 novembre 2009, Ministre de l’Immigration & Association Collectif Respect,   CE 16 novembre 2009 ministère de l'immigration (41.28 kB) 

(2) Lire notre article Tropic et Biomérieux : le débat est relancé

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