
Vaudeville à la sauce marchés
Attribuer un marché à une entreprise contre son gré, il fallait oser. L’office HLM de l’Hérault s’est lancé dans un tel scénario en 1999 puisqu'il a rejeté l'offre d'un candidat avant de l'inviter à venir signer le marché, alors que le soumissionnaire, qui s'était trompé dans ses prix, ne voulait plus en entendre parler. Une vraie histoire de fous.

Dans la pièce à rebondissements jouée entre l’OPHLM de l’Hérault et la société Cassan, c’est presque du je t’aime moi non plus, avec une dose de tout ce qu’il ne faut pas faire pour attribuer un marché. Au cœur de l’affaire, un lot de plomberie. Premier acte : l’entreprise se trompe dans l’élaboration de son prix. L’offre qu’elle dépose est proposée 17% moins chère suite à une erreur de report de sous-total. Le montant de la perte est évalué à plus de 31 000 euros. On comprend aisément que l’entreprise ait voulu faire machine arrière. Trop tard, le deuxième acte était déjà lancé. La CAO de l’office retient son offre le 13 avril 1999. Sur les conseils de l’OPHLM, semble-t-il, la société Cassan cherche alors à se désengager par un courrier daté du 30 avril 1999, dans lequel elle fait part de sa volonté de retrait du marché en arguant d'un surcroît d'activité (au lieu de demander une rectification matérielle comme l’y autorisait les stipulations du marché). Le 11 mai suivant, un courrier de l’office lui signifie le rejet de son offre.
Erreurs en cascade
Grand soulagement et fin de l’histoire ? Non, car l’OPHLM envoie un second courrier le 27 mai indiquant que la première missive était une erreur, qui plus est, envoyée à l’ensemble des candidats… Cette même lettre informe en outre l’entreprise de l’acceptation de son offre et l’invite à signer le marché ! Malgré le refus de la société Cassan de signer le contrat, l’OPHLM persiste… et signe le 8 juin. Il va même jusqu’à adresser un ordre de service à l’entreprise le jour-même. La contrainte ne fonctionne pas, l’entreprise n’exécute pas le marché, obligeant l’office à recourir à un troisième larron dont l’offre s’avère plus coûteuse. Entêté, l’office n’en reste pas là et adresse à la société Cassan le 16 septembre suivant un titre de recettes de plus de 70 000 euros correspondant à la différence entre le montant de son offre initiale et celui du titulaire lui ayant succédé. L’affaire s’envenime, le troisième acte se joue devant les tribunaux.
Dégager un candidat de son engagement
L’entêtement change de bord mais pourrait bien avoir été utilisé à raison. En première instance, la société Cassan n’obtient qu’une solution mitigée puisque le TA de Montpellier ne la décharge du titre exécutoire qu’à hauteur de 35 400 euros. Trop peu à son goût. Décision est prise d’aller en appel. Peine perdue, la décharge n’est portée qu’à 37 772 euros… Mais un espoir a jailli le 5 mai 2010 avec l’examen de l’affaire par le Conseil d’Etat. Le rapporteur public, Nicolas Boulouis, a conclu à la cassation de l’arrêt et à la décharge complète de l’entreprise. La CAA avait jugé que la décision par laquelle la commission d'appel d'offre avait retenu l'offre de la société était « une décision créatrice de droit » et qu’en conséquence la lettre du 11 mai indiquant le rejet de l’offre, non conforme à la décision de la CAO, était « irrégulière » et « illégale ». Pour la CAA, le courrier du 27 mai avait pour effet de réparer cette erreur et devait donc « être regardé comme une décision légale de retrait de la lettre du 11 mai 1999 ». Ce n’est pas l’avis du rapporteur public de la haute juridiction. « Les entreprises sont tenues par leurs offres et ne peuvent s’en défaire. Cette obligation est généralement imposée dans les dossiers de consultation par les pouvoirs adjudicateurs. La durée de validité des offres ne peut être prorogée qu’avec l’accord de tous les candidats. Mais rien n’interdit un pouvoir adjudicateur de dégager un candidat de son engagement. La lettre de rejet (du 11 mai) a eu cet effet », a-t-il indiqué. Seule la première lettre était créatrice de droit. Quant à l’OPHLM, il fait croire que, lui, n’avait pas le … droit à l’erreur. Les juges du Palais-Royal en décideront dans quelques semaines.
Bénédicte Rallu © achatpublic.info


Envoyer à un collègue
Responsable achats marchés publics (f/h)
- 16/06/2025
- Cabinet Fraissinet Associés
Chef de service des marchés publics (h/f)
- 16/06/2025
- Ville de Tremblay-en-France
Instructeur marchés publics (f/h)
- 16/06/2025
- Montpellier Métropole
TA Toulouse 28 novembre 2024 Société Soval
-
Article réservé aux abonnés
- 19/06/25
- 07h06
TA Orléans 2 mai 2025 Société Htracks Go
-
Article réservé aux abonnés
- 16/06/25
- 11h06
TA Toulon 30 avril 2025 Sté Geoterria
-
Article réservé aux abonnés
- 13/06/25
- 11h06
Cabinets de conseil : les marchés publics des collectivités scrutés par la Cour des comptes
-
Article réservé aux abonnés
- 16/06/25 06h06
- Mathieu Laugier
[Tribune] Accords-cadres multi-attributaires : la répartition des commandes en question
-
Article réservé aux abonnés
- 19/06/25 06h06
- Pierre-Ange Zalcberg
Breizh Achats, centrale ambitieuse … et minutieuse !
-
Article réservé aux abonnés
- 11/06/25 06h06
- Hubert Heulot
Une opération de travaux d’envergure passée après un appel à projets : pas de requalification en marché public
-
Article réservé aux abonnés
- 12/06/25 06h06
- Mathieu Laugier
Montant maximum décorrelé du besoin : accord-cadre sur la sellette
-
Article réservé aux abonnés
- 17/06/25
- 06h06