Offres prédatrices : la méthode de détection de l’Ardèche

  • 16/06/2011
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Le département de l’Ardèche a mis au point une méthode de détection des offres anormalement basses, votée en assemblée délibérante et largement soutenue par les élus. Les agents ont l’obligation de l’appliquer à tous les marchés du conseil général, lequel n’a plus eu de contentieux à déplorer en la matière depuis sa mise en place.

Les collectivités territoriales du sud est sont décidément à la pointe de la lutte contre les offres prédatrices. A l’instar de la communauté de communes du Nord Bassin de Thau (Hérault, (1)), le conseil général de l’Ardèche a adopté, par délibération du 30 mars 2010, une Charte du développement durable et soutenable qui comprend un dispositif de détection des offres anormalement basses. Opérationnelle depuis le mois de septembre dernier, la méthode revêt un caractère obligatoire. Les agents se doivent de l’appliquer pour écarter toute tentative de dumping social. S’inspirant de ce que font les Suisses qui éliminent l’offre la plus basse et l’offre la plus haute dans leurs marchés, le conseil général a choisi le système suivant : « Pour chaque marché, nous établissons une moyenne M1 de toutes les offres reçues jugées acceptables. Celles qui sont supérieures de 20% à cette première moyenne M1 sont écartées. Une nouvelle moyenne M2 épurée des offres les plus basses est alors calculée. Toutes les offres inférieures de 15% à la moyenne M2 sont considérées comme a priori anormalement basses, explique Annick Aguado, la responsable du service des marchés publics de l’Ardèche. On demande alors aux candidats concernés de nous détailler par écrit la composition de leur proposition afin de vérifier leur soutenabilité économique. Le pouvoir adjudicateur, après avoir examiné ces justifications, retient les offres dûment justifiées et rejette par décision motivée, conformément à l’article 55 du code des marchés publics celles qui ne l’auront pas été », poursuit-elle. Selon la chef de service, les résultats montrent que la moitié des offres suspectées de dumping est finalement repêchée, une fois les vérifications faites. « Les analyses ont quelquefois révélé un vrai cassage en règle des prix du marché, mentionne l’acheteuse. J’ai par exemple en tête le cas d’une entreprise qui nous a proposé un coût horaire de transport de 8,50 euros, charges comprises, alors que la moyenne se situe aux alentours de 30 euros, ou encore d’un fournisseur qui proposait un produit dont le prix était inférieur au montant du cours, commente la responsable. Les offres anormalement basses coûtent très chères sur le plan économique et social. Elles perturbent l’équilibre d’un territoire. Notre dispositif, qui est fortement soutenu par les élus qui l’ont portée politiquement, s’inscrit dans notre démarche plus globale de développement durable de l’achat », ajoute cette dernière.

« Dis-moi comment tu achètes et je te dirai qui tu es »

C’est la succession de trois contentieux au mois de juin 2010 qui est à l’origine de l’initiative ardéchoise : « Dans le même mois, trois entreprises ont attaqué nos marchés au motif que nous avions sélectionné des offres anormalement basses, indique Annick Aguado. Nous avons gagné à chaque fois. Mais qui dit gagner juridiquement, ne dit pas gagner éthiquement et ce sont les élus, sensibles à cette problématique, qui nous ont demandés de travailler sur cette problématique. Il se trouve que nous étions depuis quelques mois en discussion avec la fédération régionale des travaux publics pour l’adoption d’une charte éthique. La demande des élus, suite aux trois litiges, a accéléré les choses et nous avons décidé de signer cette charte », complète la responsable. Cette dernière ne cache pas que, au départ, les agents ont un peu rechigné à utiliser le dispositif car il implique un travail plus approfondi d’analyse des offres. Mais l’initiative s’est avérée au bout du compte payante : « Cette méthode mathématique a sécurisé les agents qui, jusqu’alors, ne savaient pas comment repérer de manière scientifique les offres prédatrices. Elle a permis également au service de développer une expertise en la matière et de nous professionnaliser », soutient-elle. Seule ombre au tableau : le cas particulier des marchés où toutes les offres sont basses, voire très basses : « Nous nous sommes rendus compte que notre dispositif devient inopérant dans ce cas de figure. Aussi, nous réfléchissons à l’améliorer en introduisant éventuellement dans notre formule mathématique l’estimation de l’administration ». Depuis la mise en place du dispositif, le conseil général n’a eu aucun recours à déplorer sur la base de l’offre anormalement basse : « C’est une démarche qui a du sens et dont nous sommes très fiers au sein de la collectivité. Nous sommes en effet convaincus de l’importance du rôle de l’achat dans la vie du territoire. Dis-moi comment tu achètes et je te dirai qui tu es, tel est mon adage ! », conclut Annick Aguado.

RC_Elargissement_Chaussee_RD_Ardeche_OAB (64.94 kB)

(1) Lire : Exécution des travaux : une charte et un guide à la CC du Nord Bassin de Thau