Pas d’obligation pour le pouvoir adjudicateur d’inscrire des critères environnementaux

  • 21/10/2011
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Le code des marchés publics n’impose pas au pouvoir adjudicateur de prévoir un critère lié à des exigences environnementales. Tel est le sens des conclusions prononcées par le rapporteur public, Bertrand Da Costa, à l’occasion du litige opposant la société OREDUI à la communauté urbaine de Nice.

C'est ce qu'on appelle l'accélération de l'histoire. Le rapporteur public, Bertrand Da Costa, s’est déjà prononcé, mercredi 19 octobre, sur une affaire dont nous vous avions fait l’écho la semaine dernière dans nos colonnes. Souvenez-vous : le juge du référé précontractuel niçois avait annulé, en juillet 2011, à la demande de la société OREDUI, le marché d’évacuation et de traitement des déchets, au motif que la communauté urbaine de Nice n’avait pas pris en compte l’organisation du transport dans le cadre du principe de proximité. Pour pouvoir relancer la procédure, le magistrat avait en outre enjoint à la personne publique d’insérer des critères environnementaux (1). L’ordonnance niçoise n’aura pas fait long feu devant la haute juridiction. Bertrand Da Costa propose d’entrée de jeu son annulation pour méconnaissance de la jurisprudence SMIRGEOMES. Le juge n’a pas recherché si le manquement commis avait lésé la société requérante. La cassation admise, le rapporteur public a endossé aussi vite son habit de juge du référé précontractuel. La société OREDUI fait tout d’abord valoir l’insuffisance de précisions des critères de sélection des offres. Deux critères ont été énoncés dans le règlement de la consultation : la valeur technique et le prix. La valeur technique est divisée en quatre composantes, elles-mêmes pondérées. Le requérant soutenait que le dernier sous-critère, « les filières de traitement », était imprécis et que le CCP ne contenait pas plus d’informations, les éléments devant figurer dans un cadre de réponse. Le rapporteur public estime que le critère est suffisamment précis, d’autant que la société est arrivée première sur le critère technique et deuxième sur le prix. Comment cette insuffisance de précisions a-t-elle pu la léser, puisqu’elle est arrivée première ?

Pas d’obligation d’insérer un critère environnemental

Autre moyen soulevé : la personne publique a-t-elle l’obligation d’insérer des critères environnementaux ? « L’article 53-I du code des marchés publics dispose que pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l’objet du marché…, soit compte tenu de l’objet du marché sur un seul critère qui est celui du prix, rappelle Bertrand Da Costa. Toutefois, la liberté du pouvoir adjudicateur n’est pas totale, car il ne peut pas insérer des critères qui sont sans rapport avec l’objet du marché ou non pertinents », ajoute-t-il. Ce dernier admet que le critère environnemental est pleinement admis aujourd’hui, et que le code intègre le souci de protection de l’environnement, par exemple à l’article 14. L’article 5 autorise également le pouvoir adjudicateur à prendre en compte les objectifs de développement durable au stade de la définition des besoins, mais il ne lui impose pas d’insérer un ou plusieurs critères sur le sujet dans son marché. « Plus les normes environnementales sont fortes, plus grand est le risque d’assécher la concurrence », constate le rapporteur public. Si l’article 5 du code ne comporte pas d’obligations, le plan départemental d’élimination des déchets ménagers et assimilés des Alpes-Maritimes, évoqué dans la présente affaire, ne contient que des recommandations. Bertrand Da Costa reconnaît néanmoins que dans certaines hypothèses, le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse impose de prendre en compte une exigence environnementale. Par exemple, lorsque l’exécution du marché risque de porter atteinte à l’environnement, il faut prendre des mesures pour minimiser les risques, mais dans ce cas, il ne s’agit pas vraiment d'un critère au sens de l’article 53 du code. « En l’espèce, la société OREDUI tentait de convaincre le juge du fait que le pouvoir adjudicateur aurait du retenir un critère tendant à minimiser le transport des déchets toxiques par la route. On pourrait rentrer dans une telle logique, s’il n’existait pas d’autres manières d’en assurer le respect. D’autres préconisations utiles peuvent être formulées pour l’exécution du marché, remarque le rapporteur. Ainsi les quatre aspects du critère technique permettaient de choisir l’offre économiquement la plus avantageuse. Il n’y a donc pas eu de manquement de la part de la personne publique », conclut-il.

L’offre n’était pas inacceptable

La société OREDUI soutenait enfin que l’offre de la société retenue aurait du être rejetée car elle était irrégulière et inacceptable. Irrégulière, car elle ne disposait pas des capacités de traitement des déchets spéciaux. « Le débat est oiseux, la société titulaire avait bien les capacités requises, son offre ne peut donc être considérée comme irrégulière, estime Bertrand Da Costa. En outre, poursuit-il, une offre est inacceptable si les conditions qui sont prévues pour son exécution méconnaissent la législation en vigueur. Or, ce n’est pas parce que le code de l’environnement affirme que les dispositions sur les déchets ont pour objet de limiter le transport, que l’offre est inacceptable quand elle porte sur une certaine distance. Le moyen doit être écarté ». Le rapporteur public propose donc à la haute juridiction d’annuler l’ordonnance, de rejeter la requête d’OREDUI et de condamner la société à verser à la communauté urbaine la somme de 4500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative. Réponse du Conseil d’Etat dans quelques jours.

(1) Précontractuel : quand l’injonction du juge va très (trop) loin