MAPA négocié : que faire des offres irrégulières ?

  • 23/11/2011
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Le rapporteur public, Nicolas Boulouis, a invité le Conseil d’Etat à se prononcer sur la question du sort des offres irrégulières en MAPA négocié. Faut-il les exclure avant le début des négociations ou peut-on les accepter à participer aux discussions ?

En MAPA avec négociation, un pouvoir adjudicateur peut-il, voire doit-il négocier avec un candidat donc l’offre est irrégulière ou inacceptable ? Le rapporteur public au Conseil d’Etat, Nicolas Boulouis, a proposé à la haute juridiction de se saisir de la question à propos d’un contentieux opposant l’EURL Qualitech au ministère de la défense et des anciens combattants. En l’espèce, la société a vu son offre écartée parce qu’irrégulière en raison de l’absence de mention des délais d’exécution du marché dans son acte d’engagement. Saisi par le candidat évincé, le juge du référé précontractuel a fait droit à sa demande en annulant la procédure au stade de l’ouverture de la négociation. Le magistrat a estimé que l’administration aurait pu déceler dans le planning des travaux, des indices sur le délai global et qu’elle aurait pu demander des précisions. En cassation, Nicolas Boulouis, propose de censurer l’ordonnance de Toulon. Les informations sur les délais contenus dans un document joint peuvent-elle combler leur absence de l’acte d’engagement ? «Les documents de la consultation indiquent que les candidats doivent renseigner le délai global d’exécution des travaux dans l’acte d’engagement et qu’il est au nombre des critères de jugement des offres, constate le rapporteur publique. La société ne s’engage pas sur un élément essentiel de son offre, celle-ci est donc incomplète. De plus, le pouvoir adjudicateur n’a pas l’obligation d’inviter la société à compléter son offre ». C’est ce qu’il ressort d’un arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 20 mai 2009, conseil général du Var (1). Si l’ordonnance est annulée, la haute juridiction règlera l’affaire sur le fondement de l’article L.551-1 du code de justice administrative.

Les MAPA et la négociation

Que doit faire une personne publique face à une offre irrégulière ? « Le recours à la négociation est possible en MAPA (article 28 alinéa 2 du CMP). La procédure adaptée est une procédure librement choisie par le pouvoir adjudicateur qui doit l’adapter aux besoins à satisfaire ou aux conditions de la concurrence, rappelle Nicolas Boulouis. Plusieurs hypothèses de négociations sont également prévues en procédure formalisée (article 35 ou les articles 65 et 66 pour le régime de la procédure négociée). En MAPA, le pouvoir adjudicateur peut se référer au régime de la procédure négociée formalisée ou s’en inspirer librement en exerçant son pouvoir de définition pour parvenir à un régime différent de celui de l’article 65 du code», ajoute-t-il. Si le code des marchés publics restreint le champ d’application à telle ou telle procédure formalisée, il existe des principes communs aux deux procédures et notamment les principes fondamentaux de l’article 1er, les interdictions de soumissionner ou encore l’allotissement. Le pouvoir adjudicateur ne peut définir en procédure adaptée un régime contraire à ces principes, qui s’appliquent même dans le silence du DCE. De plus, l’article 53 III du CMP dispose que « les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. Les autres offres sont classées par ordre décroissant. L’offre la mieux classée est retenue ». Il ressort de la rédaction de cet article que le I de l’article relatif aux critères comme le III s’appliquent à toutes les procédures, alors que le II ne concerne que les procédures formalisées. Si l’applicabilité de cette disposition n’est pas discutable, qu’en est-il de son application. « En procédure adaptée sans négociation, une offre irrégulière le restera sans pouvoir évoluer. C’est la chronologie du III : élimination, classement puis décision. L’élimination est la prolongation immédiate de l’ouverture des offres. Mais en cas de négociation, doit-on attendre la fin de la négociation pour l’écarter ? », s’interroge le rapporteur public. Selon lui, trois propositions peuvent être formulées : une négociation avec tous les candidats, une négociation avec tous les candidats sauf ceux qui ont déposé une offre non conforme, ou enfin une négociation avec tous les candidats, y compris si l’acheteur le décide avec les offres non conformes. Le choix va dépendre des règles applicables à la négociation en procédure formalisée.

Le pouvoir adjudicateur, maître du jeu

L’article 66 V du code des marchés publics indique que « les offres inappropriées au sens du 3° du II de l’article 35 sont éliminées ». Ce qui signifie que la négociation est engagée avec les candidats sélectionnés sauf ceux dont l’offre est inappropriée. Cette interprétation est confirmée par la lecture de l’article 35 I du code et de l’article 30 de la directive 2044/18. Selon le rapporteur public, il serait opportun que le pouvoir adjudicateur puisse amener un candidat dont l’offre est non conforme à la compléter, à la rendre acceptable. Mais, ajoute-t-il, en procédure formalisée, un point reste encore incertain. Il n’y a pas d’obligation de négocier avec des offres irrégulières ou inacceptables. S’il le fait, le pouvoir adjudicateur devra justifier ses choix. Cela sera plus facile si les offres irrégulières ou inacceptables sont écartées ou s’il ne négocie qu’avec les offres inacceptables », précise le rapporteur public. Il poursuit en indiquant qu’il n’y a guère de différence entre la négociation en MAPA et la négociation en procédure formalisée. Le pouvoir adjudicateur en MAPA est libre de choisir ses interlocuteurs, mais il peut également fixer les règles du jeu, par exemple en mentionnant que la négociation aura lieu avec X candidats. « En l’espèce, le règlement de la consultation est sommaire en annonçant qu’une négociation pourra être engagée. Le pouvoir adjudicateur n’a pas méconnu le principe de mise en concurrence. Si il devait y avoir négociation elle devrait avoir lieu avec tous les candidats mais l’administration pouvait également écarter les offres irrégulières ou inacceptables », souligne-t-il. Nicolas Boulouis propose donc d’écarter le moyen tiré de ce que la société aurait été écartée irrégulièrement et celui selon lequel l’administration aurait du négocier avec elle. Il invite donc la haute juridiction à annuler l’ordonnance mais à rejeter la demande d’annulation de la procédure. Le Conseil d’Etat devrait se prononcer prochainement.

(1) CE 20 mai 2009 conseil général du Var