Le Conseil d'Etat ferme le référé précontractuel aux entreprises attributaires

  • 03/01/2012
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Le Conseil d’Etat vient de faire un pas de plus dans la construction jurisprudentielle applicable au référé précontractuel. En effet, dans une décision récente, il a jugé qu’un candidat attributaire ne peut pas saisir le juge du référé précontractuel pour obtenir l’annulation d’une procédure de passation, puisqu’il n’est pas susceptible d’être lésé par les manquements commis par la personne publique.

Un candidat attributaire n’a pas d’intérêt à agir en référé précontractuel. Dans une décision rendue le 23 décembre, le Conseil d’Etat a fermé la brèche qu’il avait ouverte en 2007 dans sa jurisprudence communauté d’agglomération de Saint-Etienne Métropole. Il avait à l’époque considéré qu’une entreprise a toujours intérêt à conclure un marché selon une procédure régulière. L’entreprise attributaire est donc au nombre des personnes ayant un intérêt à agir au sens de l’article L.551-1 du CJA. Cette jurisprudence, peu utilisée, a fini par tomber en désuétude notamment avec l’arrivée de SMIRGEOMES. Le rapporteur public, Bertrand Da Costa, avait proposé, début décembre, d’abandonner cette jurisprudence compte tenu de son intérêt plus que limité. C’est chose faite. Le considérant de principe de la décision, rendue pendant la trêve des confiseurs, indique que « l’entreprise déclarée attributaire d’un contrat à l’issue de la procédure de passation n’est pas susceptible d’être lésée par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumis ce contrat ; qu’elle n’a pas d’intérêt à agir à l’encontre de cette procédure de passation du contrat et n’est donc pas habilitée à en demander l’annulation sur le fondement de l’article L.551-1 du code de justice administrative ». La porte du référé précontractuel fermée pour ces entreprises, ont-elles d’autres outils dans leur besace pour mettre fin à d’éventuelles irrégularités ? Les sages du Palais-Royal ont pris soin dans leur décision de préciser que « cette entreprise peut seulement, le cas échéant, si la procédure de passation est entachée d’une irrégularité susceptible de conduire à l’annulation du contrat, retirer son offre avant la conclusion du contrat ».

Rejet de la demande d’annulation pour les lots attribués

En l’espèce, le département de la Guadeloupe a lancé une procédure pour la passation d’un marché de transport scolaire. En cours de consultation, et suite à la création de la communauté d’agglomération du Nord Basse-Terre, le département a réduit le périmètre initial, qui portait sur 153 lots, de 20 lots sans en informer les candidats. La société CGTS, qui a candidaté à l’ensemble des lots et en a obtenu 9, a saisi le juge du référé précontractuel. Le magistrat a annulé l’intégralité de la procédure pour manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Devant le Conseil d’Etat, le pourvoi du département a été admis en tant que le juge a annulé les 9 lots attribués à la société CGTS. Appliquant le considérant de principe au cas d’espèce, la haute juridiction dans sa décision du 23 décembre dernier, a jugé que l’entreprise, puisqu’attributaire de 9 lots, n’est pas susceptible d’être lésée par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumis le département pour la passation des contrats correspondant à ces lots. « Dès lors, elle n’est pas recevable à demander, sur le fondement des dispositions de l’article L.551-1 du CJA, l’annulation de la procédure de passation de ces contrats ; que le juge des référés à commis une erreur de droit en annulant la procédure de passation des contrats relatifs aux 9 lots », ajoute la juridiction. L’ordonnance du TA de Basse-Terre est donc annulée sur ce point.

(1) Référé précontractuel et candidat attributaire

CE, 23 décembre 2011, Département de la Guadeloupe, 350231