Les conditions pour rectifier une erreur matérielle

  • 06/01/2012
partager :

A l’audience du 5 janvier 2012, le rapporteur public, Nicolas Boulouis, a rappelé que le principe de l’intangibilité de l’offre ne s’applique pas en cas de rectification d’erreur purement matérielle. La mise en œuvre de cette exception est conditionnée par la règle de la » double évidence », évidence de l’erreur et évidence de la rectification. Dans l’affaire soumise au Conseil d’Etat, il a estimé que la seconde condition n’a pas été satisfaite, la société ayant procédé à une rectification de son offre.

Le pourvoi formé par le département de l’Essonne contre une ordonnance rendue en octobre 2011 (1), sera, aux dires du rapporteur public, Nicolas Boulouis, l’occasion de revenir sur le principe de l’intangibilité de l’offre après l’arrêt du Conseil d’Etat du 21 septembre 2011, Département des Hauts-de-Seine (2). Candidate à la procédure relative au marché de déménagements des services départementaux, la société Bailly a remis un bordereau des prix unitaires avec un coût journalier. Le département, lui, a, par la suite, demandé de confirmer le coût horaire de la mission de coordination. La réponse de la société n’ayant pas satisfait le pouvoir adjudicateur, son offre a été rejetée comme irrégulière. En référé précontractuel, le juge a fait droit à la demande de la société Bailly et a annulé la procédure au stade de l’examen des offres. Il considère aux termes d’un raisonnement curieux, selon Nicolas Boulouis, que les documents de la consultation n’exigent pas que le coût de la coordination soit formulé en coût horaire. En outre, les pénalités de retard étant calculées en jours, les incertitudes et contradictions qui affectent les critères de sélection des offres constituent un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Dans ses conclusions, le rapporteur public souligne que le BPU, qui fait partie des pièces contractuelles, contient une rubrique sur le coût horaire, dans laquelle les candidats doivent proposer quatre tarifs. « En croyant déceler dans le calcul des pénalités de retard que l’offre doit se faire en coût journalier, le juge a commis une erreur de droit, estime Nicolas Boulouis. Selon les cahiers de clauses administratives générales, les pénalités de retard se calculent toujours en jours. Il n’est pas possible alors d’en déduire que le coût de prestations est un coût journalier », ajoute-t-il. Il propose donc l’annulation de l’ordonnance sur ce point.

La règle de la double évidence

Poursuivant sa démonstration, Nicolas Boulouis rappelle que l’article 59 I du code des marchés publics applicable aux appels d’offres ouverts, interdit la négociation avec les candidats. Le pouvoir adjudicateur peut seulement leur demander de préciser ou de compléter la teneur de leur offre. Cette règle de l’intangibilité des offres connait toutefois une exception lorsqu’ il s’agit de rectifier une erreur purement matérielle, d’une nature telle que nul ne pourrait s’en prévaloir de bonne foi dans l’hypothèse où le candidat verrait son offre retenue (2). « La première condition à la dérogation est liée à l’évidence de l’erreur. Cette condition est remplie en l’espèce, puisqu’il y a eu une confusion entre le coût journalier et le coût horaire. A l’évidence de l’erreur s’ajoute l’évidence de la rectification, précise-t-il. En l’espèce la seconde condition n’est pas satisfaite. La société n’a pas transformée son coût journalier en coût horaire », estime Nicolas Boulouis. Selon lui, il y une incohérence entre le coût horaire et le coût journalier. Le taux horaire du coût journalier fourni initialement est différent du taux horaire proposé après la demande de précision. Il en déduit donc qu’il s’agit d’une rectification de l’offre et non d’une rectification de l’erreur matérielle. Il propose au Conseil d’Etat, après avoir annulé l’ordonnance du TA de Versailles, de rejeter la demande de la société. La balle est dans le camp de la Haute juridiction.

(1)Lire notre article Offre précisée n'est pas offre rejetée

(2)Lire notre article La rectification d’erreur purement matérielle

Sur le même sujet