Variante interdite = offre irrégulière

  • 21/02/2012
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Prenez un marché dans lequel les variantes sont interdites. Ajouter une entreprise qui malgré cela, propose plusieurs solutions sans individualiser une offre de base. Mélangez et vous obtiendrez une offre irrégulière et non conforme aux documents de la consultation. Cette circonstance conduira le juge du référé précontractuel à rejeter la requête introduite par la société, même en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.

Lors de l’audience du 17 février 2012, le Conseil d’Etat a été saisi d’une question relative à l’identification des variantes. Dans le cadre de l’appel d’offres de mobiliers urbains lancé par la commune de Villiers-sur-Marne, la société VYP affichage et communication a vu son offre rejetée comme irrégulière et non conforme au règlement de la consultation. En effet, alors même que les variantes sont interdites, la société a proposé plusieurs modèles pour différents types de mobiliers sans les hiérarchiser, ce qui ne permet pas d’individualiser une offre de base, clairement distincte des variantes. Le juge du référé contractuel de Melun, dans son ordonnance (1), a confirmé le caractère irrégulier de l’offre mais a annulé la procédure en raison d’une modification substantielle par le pouvoir adjudicateur du critère financier, susceptible d’avoir lésée la société. Pour le rapporteur public, Nicolas Boulouis, l’ordonnance n’échappera pas à l’annulation. En effet, comme il l’a rappelé dans ses conclusions, le Conseil d’Etat a estimé que commet une erreur de droit, le magistrat qui juge que la société est susceptible d’être lésée par un manquement du pouvoir adjudicateur à ses obligations de mise en concurrence, tout en relevant que l’offre de cette société pouvait être irrégulière (2).

L'identification des variantes

En procédure formalisée, et conformément à l’article 50 du code des marchés publics, le silence des documents de la consultation vaut interdiction des variantes. En l’espèce, l’article 11 du RC indique que les variantes sont autorisées pour ce qui concerne les délais et les fréquences de nettoyage et d’entretien. Pour le reste, les variantes sont interdites. Comment traiter l’offre de la société SYP affichage et communication ? Celle-ci a proposé quatre dessins d’un même mobilier, chacun conforme au cahier des charges. « Trois solutions sont possibles. La première est de considérer qu’il y a une offre unique, obligeant ainsi la commune à choisir entre les quatre gammes proposées. La seconde est de dire qu’il y a une offre de base et des variantes. La dernière est d’estimer que les quatres sont irrégulières. Nous vous proposons de retenir la troisième solution qui s’appuie sur une définition de la variante donnée par votre juridiction », souligne Nicolas Boulouis. Dans son arrêt du 5 janvier 2011, le Conseil d’Etat a défini la variante comme « des modifications, à l’initiative des candidats, de spécifications prévues dans la solution de base décrite dans les documents de la consultation ». La société argue que le pluriel employé « valeur esthétique des mobiliers », lui permet de présenter plusieurs dessins. Pour le rapporteur public, l’argument ne tient pas, les variantes esthétiques sont interdites. L’interdiction des variantes conduit le candidat à ne présenter qu’une seule offre. Le pouvoir adjudicateur ne doit pas avoir de choix discrétionnaire à faire. Ne pourrait-on pas alors trouver une solution de compromis qui consisterait à dire qu’il y a bien une offre de base et trois variantes ? Les variantes étant interdites, le pouvoir adjudicateur ne peut pas écarter les 4 propositions. Mais pour le rapporteur public, cette proposition n’est pas acceptable. La société n’a pas expressément désigné celle considérée comme la solution de base. A cela s’ajoute une autre raison et là le rapporteur public s’écarte de la position donnée par le DAJ dans le nouveau guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics. Le document sorti la semaine dernière indique que « toute proposition de variante, lorsqu’elle n’est pas autorisée doit être rejetée, sans examen. SI la variante est déposée avec une offre de base, celle-ci pourra, en revanche, être acceptée ». « Il n’est pas possible de n’écarter que les variantes et de ne retenir que les offres de base. L’examen des propositions des candidats pour repérer l’offre de base, conduira à dévoiler les variantes. Cela revient à avantager un candidat par rapport à ceux qui n’ont présenté qu’une offre de base. On risque de rompre l’égalité entre candidats», observe Nicolas Boulouis. Comme le juge des référés melunais, le rapporteur public propose de considérer l’offre de la société comme irrégulière. « De ce fait, les manquements éventuellement commis par la commune sont insusceptibles de léser la société. Il y a donc lieu de rejeter sa demande », propose-t-il. Le Conseil d’Etat devrait se prononcer rapidement.

(1) TA Melun, 21 octobre 2011, VYP Affichage et communication, 1107449

(2) CE, 27 octobre 2011, Département des Bouches-du-Rhône, 350935