Anticor perd son agrément : qui reste-t-il pour lutter contre la corruption et le favoritisme ?

  • 23/06/2023
partager :

L’agrément de l’association anti-corruption Anticor (6 500 adhérents) est annulé ce jour par le Tribunal administratif de Paris, avec effet rétroactif au 2 avril 2021. « Cette annulation constitue une atteinte grave à la démocratie, ainsi qu'aux libertés associatives » réagit l’association. 

Le «caractère désintéressé» de l’ONG dédiée à la lutte contre la corruption était mis en doute par deux anciens membres à la suite d’un don, jugé "politique". La rapporteure publique avait conclu, le 12 mai 2023, dans un sens défavorable à l’association, estimant que l’arrêté d’agrément (très tardif), du fait de sa rédaction par le Premier ministre, devait être annulé.
 

Engagement de "mise en conformité" non pris en compte

Selon le Tribunal administratif de Paris, qui releve que le Premier ministre avait constaté que l’association Anticor ne remplissait pas la condition d’octroi d’un tel agrément tenant au caractère désintéressé et indépendant de ses activités, considère qu’il ne peut pas prendre en considération les engagements de l’association à se mettre en conformité pour l’avenir.
Par ailleurs, il juge que l’annulation rétroactive de l'agrément, qui était susceptible de faire perdre à l’association Anticor la qualité de partie civile dans les procédures pénales en cours, n’emporte pas de conséquences manifestement excessives à l’intérêt général ou aux intérêts particuliers de l’association Anticor justifiant de maintenir les effets dans le temps de cet agrément.
 


Inquiétudes

Cette situation délicate d’Anticor en inquiète beaucoup, alors même les moyens de l’Agence Française Anticorruption (AFA) semblent être fragilisés. Dans une question posée au gouvernement en avril, le sénateur socialiste Jean-Pierre Sueur s’étonnait de la vacance, depuis juillet 2022, des six personnalités qui composaient sa commission des sanctions...
De quoi alimenter beaucoup de critiques : dans un rapport du 14 décembre 2021, l’OCDE en déplorait la faiblesse des moyens mis à la disposition du parquet national financier: 18 magistrats seulement. La conclusion des auteurs est sans appel : « en matière de lutte contre la corruption, la réponse institutionnelle est exceptionnellement décevante ».
 

Réactions et recours

Les réactions sont nombreuses, et parfois virulentes. Pour Transprency International, « La légitimité d’Anticor à bénéficier d’un agrément ne fait aucun doute. L’exécutif doit assurer au plus vite le renouvèlement de cet agrément.» Elle considère qu'au-delà de l’agrément d’Anticor, « c’est l’avenir de la lutte anticorruption qui nous inquiète».

La présidente d’Anticor, Elise Van Beneden, déclare à l’Agence France-Presse (AFP) vouloir déposer deux recours devant la Cour administrative d’appel de Paris : un pour contester le fond de la décision et un « pour demander que les effets de la décision soient suspendus » dans le temps. L’association a précisé qu’« une demande de nouvel agrément » sera rapidement déposée. Et rappelle l'objet de l'association : « Dans les affaires politico-financières, il n'y a pas de victimes. L'agrément est fait pour que les affaires politico-financières ne soient pas enterrées, faute de partie civile pouvant saisir le juge d'instruction».
 

A relire sur achatpublic.info :


 
JMJ