La loi de 1975 s’applique-t-elle au contrat de sous-traitance entre une société allemande et une société française ?

  • 19/12/2007
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Par un arrêt récent, la chambre mixte de la cour de cassation revient une décision rendue par la première chambre civile le 23 janvier 2007 relative au droit au paiement direct d'un sous-traitant (1). La société de droit français Basell production France (société Basell), maître de l'ouvrage, a confié à la société de droit allemand Salzgitter Anlagenbau GmbH (société SAB) la réalisation d'un immeuble à usage industriel en France. Cette dernière a sous-traité le lot "tuyauterie" à la société française Agintis par deux contrats des 22 mars 1999 et 14 mars 2000. Les parties avaient convenu que les contrats étaient soumis à la loi allemande. Après achèvement du chantier en septembre 2002, une sentence, rendue le 23 mars 2003 par la Cour internationale d'arbitrage, a condamné la société SAB à payer à la société Agintis diverses sommes dont le solde des prestations sous-traitées avec intérêts au taux légal allemand. La société SAB ayant, le 1er septembre 2002, fait l'objet d'une procédure collective régie par le droit allemand, à laquelle la société Agintis a produit sa créance et le maître de l'ouvrage ayant, par lettre du 18 juin 2003, refusé tout paiement à cette société aux motifs que le marché principal et les sous-traités étaient régis par la loi allemande et qu'elle ne l'avait pas accepté en qualité de sous-traitant, cette société a, le 16 juillet 2003, assigné le maître de l'ouvrage en indemnisation sur le fondement des articles 12 et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, et a recherché sa responsabilité quasi délictuelle pour l'avoir privée de la possibilité de sauvegarder ses droits par voie de saisie conservatoire avant règlement intégral intervenu en mai 2002 de la société SAB. Dans le cours de la procédure, la société Agintis, mise en redressement judiciaire, a bénéficié d'un plan de cession, M. X... ayant été désigné en qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution de ce plan. Par un jugement du 5 mars 2004, le tribunal de commerce de Nanterre a rejeté toutes les demandes de la société Agintis. Le tribunal a écarté l'application de la loi française du 31 décembre 1975 et fait application de la loi allemande choisie par les parties. Sur appel de la société Agintis et de M. X..., ès qualités, la cour d'appel de Versailles a, par un arrêt du 16 janvier 2006, a débouté la société Agintis au motif qu’en « l'absence d'engagement de toute procédure à l'encontre de la société Basell avant l'assignation introductive de la présente instance le 16 juillet 2003, la société Agintis ne peut sérieusement prétendre avoir antérieurement exercé l'action directe prévue par la loi du 31 décembre 1975 et qu'elle ne peut dès lors lui imputer à faute le règlement intervenu en mai 2002 ». La cour, contrairement au tribunal de commerce, fonde sa décision sur la loi française du 31 décembre 1975 estimant que cette loi de protection du sous-traitant, est "une loi de police économique (2) instaurant un statut du sous-traitant en sorte qu'elle contient des dispositions impératives au sens des articles 3 et 7 de la Convention de Rome qui doivent recevoir application en l'espèce du fait de la localisation de la construction en France" . La chambre mixte de la cour de cassation qui censure la décision au visa des articles 12, alinéa 1, et 13, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1975 juge « qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la notification au maître de l'ouvrage par lettre recommandée avec demande d'avis de réception des mises en demeure adressées à l'entrepreneur principal était intervenue les 27 mars et 3 mai 2001 et que la société Basell n'avait réglé qu'en mai 2002 la somme qu'elle restait devoir à la société SAB, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ». La solution devrait être la même en matière de marchés publics.

Cass, mixte, 30 novembre 2007, 06-14.006, Sté Agintis C/ Sté Basell production France

(1) Cass, civ1ère, 23 janvier 2007, 04-10897, Société Campenon Bernard Méditerranée

(2) article 3, alinéa 1er, du code civil : "les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent sur le territoire"