Comme tous les vendredis, je pousse la porte du lavomatic de quartier tenu par Alex et Berty. Un joli petit couple, on se croirait dans my beautiful laundrette. Le premier, bodybuildé, sorte de monsieur Propre version surfeur, bermuda fleurdelisé en prime, n'a pas un poil sur le caillou. Le second, nourri au bio périmé, est toujours tiré à quatre épingles. J'étale mon baluchon de la semaine. « Vous avez une tâche sur une cravate. On va vous arranger ça, c'est bénin », me rassure Berty qui tente d'engager la conversation avec un sujet de société : « vous êtes pour ou contre le mariage des groupements de commande territoriaux hospitaliers ? Il paraît qu'ils se sont passés l'alliance au doigt la semaine dernière ». J'essaie de ne pas froisser le blanchisseur en plein repassage. « Cela reste une union très libre, respectant l'autonomie de chacun, encouragée par le ministère de la Santé qui attend de cette entraide collaborative des gains de 215 millions d'euros en deux ans » (lire notre article). « L'argent, on a plus que ça à la bouche. Quand on s'aime, on ne compte pas », réplique-t-il aussitôt. Arborant un t-shirt "touch my tralala", son compagnon l'interrompt. « Dis là, tu exagères ! Regarde cette histoire d'ordinateurs achetés par les régions et les départements, distribués aux collégiens et lycéens et revendus sur internet ! Quel scandale, voilà où partent nos impôts ! » Je calme les esprits. « Cela part d'un bon sentiment : réduire la fracture numérique. Et plusieurs collectivités ont prévu des parades dans leur cahier des charges (lire notre article). Ne tombons pas dans la caricature, le secteur public fait actuellement une grande lessive. Le programme Phare maintient le pressing pour moderniser les achats hospitaliers et s'apprête à lancer cinq nouveaux chantiers en 2013 (lire notre invité du jeudi). Lauréat des derniers Trophées de la commande publique, le ministère de la Défense a été récompensé pour la qualité de ses achats d'électricité, avec une formule de prix subtile mixant le tarif réglementé et les cotations du marché spot. Un vrai nettoyage à sec, avec plus de 8 millions d'économisés » (lire notre article). « Je ne comprends rien à votre charabia », me réplique Berty, visiblement essoré. Je soupire. Leur expliquer que le respect des principes fondamentaux de la commande publique implique que le pouvoir adjudicateur fournisse aux candidats l'information appropriée sur les conditions de mise en œuvre des critères d'attribution ne va pas être coton (lire notre article). Je peux essayer de changer de programme en parlant du contentieux en cours au Conseil d'Etat au sujet de l'article 10 du Code (lire notre article), mais ils risquent d'avoir les fils qui se touchent . Bon allez, le ronronnement de ma machine s'est arrêté. Je récupère mes affaires et je me sauve : laver son linge sale en famille a aussi ses bons côtés. Alex et Berty sont très gentils, mais leur manie de passer en boucle la « Bamba triste » de Pierre Billon dans le magasin, ça me tape sur le tambour. A la semaine prochaine, peut-être...
Jean-Marc Binot