Plus belle la commande publique, saison 5, épisode 1

  • 08/02/2018
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Rideaux déchiquetés, sièges écartelés, luminaires brisés, moquette tailladée… La salle des fêtes de Pichade-sur-Mer n’est que plus que dévastation. « Grands dieux, tu me la copieras ton idée de rencontre avec les entreprises pour leur présenter notre politique achats et notre programmation en début d’année. Ça va nous coûter un bras, ta petite sauterie. Bien plus en tout cas que tes gains microscopiques si j’en crois le reporting de janvier», rugit, furax, Jean-Aymar Desmapas, responsable du service de la commande publique. « Je vous jure, c’est pas ma faute, chef », plaide Alain Fructuheux, chargé du sourcing, « pour compenser la température sibérienne, on avait décidé de conclure la convention par un petit casse-croûte montagnard : du vin chaud, des tartines de grosses miches bien épaisses et du Nutella, parce que le supermarché du coin nous avait fait une super ristourne. Moins 70%, je n’en revenais pas…» « Pour ta gouverne et tes prochains cahiers des charges, je te signale qu’il faut prendre la précaution d’ajouter « ou équivalent » quand tu cites une marque, ou encore mieux, d’indiquer simplement pâte à tartiner chocolatée », intervient la juriste Anne-Marie Layat-Tolat Du Caude, en contemplation devant les vestiges du champ de bataille. « Oui, bref, en tout cas c’est cette cochonnerie sucrée qui a déclenché l’émeute. Tout est parti en sucette lorsque Gaspard Pain, le gérant d’une entreprise du bâtiment, a piqué la tranche que se préparait Lucas Naille, un autre patron de PME. Le pugilat a été immédiat. Il faut dire qu’ils sont concurrents ces deux-là. Après, ça a dégénéré en castagne générale », explique l’acheteur. « Tu n’avais pas pris la précaution de faire appel à un vigile ? », lui demande son responsable hiérarchique. « Non parce que mercredi j’ai lu le rapport de la Cour des comptes sur le secteur de la sécurité privée (lire notre article). Sans faire de jeu de mots étant donné la météo, ça m’a refroidi. Presque n’importe qui peut être avoir un agrément professionnel, même avec un casier judiciaire long comme le bras. Mais on est sans doute aussi responsable, vu qu’on a négocié le tarif horaire à moins de 8 euros », glisse le praticien. Bon allez, comme le faisait remarquer Victor Hugo, un auteur apprécié par le RMA du ministère de l’Education nationale (lire notre article), « l’insurrection confine à l’esprit, l’émeute à l’estomac. » A la semaine prochaine,  peut-être.

Jean-Marc Binot