Les conditions de la cession d’un marché public

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Vincent Brenot, avocat associé au cabinet August et Debouzy, a profité d’une matinée consacrée aux nouvelles règles d’exécution pour faire le point sur la cession des marchés publics : dans quels cas peut-elle avoir lieu, qui doit l’autoriser et quelles sont les conséquences en cas de refus ?

Par un avis du 8 juin 2000, le Conseil d’Etat a posé les conditions de la cession d’un marché public. Les règles sont simples. La cession d’un marché n’implique pas de nouvelle mise en concurrence. « Le Conseil d’Etat a eu une lecture pragmatique et littérale des textes. Les textes relatifs aux marchés publics traitent de la passation et de la conclusion des marchés, pas de leur cession. De plus, la cession ne peut s’opérer qu’avec l’accord préalable de la personne publique. Elle ne peut pas refuser de délivrer son accord préalable à la cession si le cessionnaire présente les même niveaux de garanties techniques et financières que le titulaire initial », rappelle maître Vincent Brenot, avocat associé au cabinet August et Debouzy, lors d’une session d’informations sur les nouvelles règles d’exécution des marchés organisée le 5 juillet dernier.

La cession ne peut s’opérer qu’avec l’accord préalable de la personne publique

La jurisprudence européenne s’est mêlée de la question par un arrêt Presstext du 19 juin 2008. Les possibilités de la cession ont été réduites par la CJUE à quelques hypothèses. Elle doit être prévue à l’origine dans la procédure de passation et elle ne peut avoir lieu qu’en cas de réorganisation interne du titulaire. Les nouvelles directives marchés publics (article 72 4° d) de la directive 2014/24) prévoient que le changement de titulaire en cours d’exécution constitue en principe une modification substantielle du contrat. « Cela semble s’inscrire dans la continuité de la décision Presstext qui indiquait qu’en principe la substitution d’un nouveau cocontractant au cocontractant initial devait être considérée comme « constituant un changement de l’un des termes essentiels » du marché », observe Vincent Brenot. Toutefois, la directive a apporté quelques assouplissements à la position de la CJUE.

Dans quels cas peut-il y avoir cession ?

maitre_vincent_bernot.jpgAinsi, le changement de titulaire n’est pas assimilé à une modification substantielle dans trois cas. Il doit être tout d’abord opéré en application d’une clause de réexamen ou d’option. Ensuite, le changement de titulaire est opéré à la suite d’opération de « restructuration » de société. « Attention, le terme « restructuration » a ici une acception plus large qu’en droit des procédures collectives », prévient l’avocat. Cela concerne le rachat, la fusion, l’acquisition ou encore l’insolvabilité. « Celle-ci est assurée par un autre opérateur qui remplis les critères de sélection qualitative initialement établis, à condition que cela n’entraine pas d’autres modifications substantielles du marché et ne vise pas à se soustraire à l’application de la directive », explique Maître Brenot. Le dernier cas est celui où le pouvoir adjudicateur assure lui-même les obligations du contractant principal à l’égard des sous-traitants. Le décret du 25 mars 2016 reprend dans une large mesure les conditions posées par la directive. L’article 139 4° prévoit que le changement de titulaire est possible en application d’une clause de réexamen ou d’option. Cela est également possible dans l’hypothèse d’une cession du marché suite à une restructuration du titulaire initial. « Cette modification ne doit pas entrainer d’autres modifications substantielles et ne doit pas être effectuée dans le but de se soustraire aux obligations de publicité et de mise en concurrence », indique l’avocat. De plus, ajoute-t-il « le titulaire doit remplir les conditions fixées par l’acheteur pour la participation à la procédure de passation du marché initial. Cette solution est finalement très proche de celle de l’avis du Conseil d’Etat de 2000. » En dehors de ces cas, la cession n’est pas possible.

Autorisation et refus de cession

Qui peut autoriser la cession ? Parallélisme des formes oblige, c’est l’autorité qui signe le contrat qui est compétente pour délivrer l’autorisation de cession du marché. « Pour les collectivités territoriales, l’autorisation de la cession doit être ensuite transmise au représentant de l’Etat (article L.2131-2 du CGCT) », remarque Vincent Brenot. Attention, le pouvoir adjudicateur ne peut autoriser la cession a priori, c’est-à-dire dès la signature de la convention avec son cocontractant initial. Puisque dans ce cas, il serait impossible pour la personne publique de contrôler les garanties professionnelles et financières requises. En revanche, il peut être prévu dans le marché initial la possibilité de la cession du marché sous réserve d’autorisation préalable (article 139 4° du décret). Et si la personne publique refuse ? « En cas de refus d’autorisation de la personne publique, la cession lui est inopposable. Ainsi, le titulaire du contrat reste seul responsable de son exécution. De plus, aucun lien ne peut naître entre la personne publique et le cessionnaire en principe », répond maître Brenot. En cas de cession non autorisée, le titulaire risque la résiliation pour faute du marché. Cette issue est généralement stipulée dans le contrat.