Vice du consentement : le dol et l’erreur sur le prix ?
Le passage d’un prix révisable à un prix ferme par l’acheteur au nez et à la barbe de son cocontractant, à la suite d’un avenant, entrainerait-il un vice du consentement en raison de l’erreur sur le prix ? Par ailleurs, cette omission peut-elle être qualifiée de dolosive ? Lors d’un récent contentieux, le Conseil d’Etat a pu rappeler les règles applicables en la matière.
L’origine du litige porte sur le dernier avenant, réalisé cinq semaines avant la fin du contrat. L’objectif était, d’une part, de modifier des travaux et, d’autre part, d’arrêter de manière ferme et définitive le montant total du marché ; la clause de révision de prix a été supprimée pour laisser place à un prix ferme. Or, l’intitulé de l’acte ne mentionnait pas ce deuxième bouleversement. La société a pris conscience de ce changement après avoir signé. Conséquence ? Si la clause de révision avait joué sur toute la durée du marché, l’entreprise aurait perçu environ un million d’euros supplémentaire. Elle saisit le tribunal administratif de Lille. Après avoir été débouté, elle porte sa requête auprès de la cour administrative d’appel (CAA) de Douai mais sans résultat. Elle finit par se pourvoir en cassation. La requérante soutient, en premier, l’illégalité d’une telle disposition : « le prix du contrat est intangible et une clause de révision de prix prévue dans le marché initial, ne peut être modifiée et a fortiori supprimée » (CAA de Douai, 22 décembre 2016, n°15DA00660). Pourtant, aucunes dispositions légales ou réglementaires du code des marchés alors en vigueur ne feraient obstacle à la possibilité de passer d’un prix révisable à un prix ferme, rétorquent les juridictions. Le second moyen, mis en avant, est le vice du consentement.Le prix du contrat est intangible et une clause de révision de prix prévue dans le marché initial, ne peut être modifiée et a fortiori supprimée.
L'erreur sur la valeur est impardonnable
La requérante soulève d’abord l’erreur sur le prix. Le Conseil d’Etat n’a jamais accepté de regarder comme constitutive d’un vice de consentement ce type d’erreur, met en avant Olivier Henrard, rapporteur public devant la haute juridiction. La raison ? Un tel impair est inexcusable de la part d’un non profane. Dans cette affaire, les juges n’ont pas fait d’exception à cette règle. D’autant que « l’erreur aurait pu être évitée, si la société (…) avait pris comme tout professionnel attentif se doit de le faire, les précautions nécessaires avant de signer l’avenant », constatent les sages du Palais Royal. Au passage, Olivier Henrard cite le nouvel article 1136 du code civil qui précise que « l’erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n'est pas une cause de nullité ». La société se plaint ensuite de la réticence dolosive dont aurait fait preuve Ecovalor. Pour retenir la qualification de dol, les juges recherchent si les manœuvres ont eu un caractère déterminant (CE, 19 décembre 2007, Société Campenon Bernard), rappelle le rapporteur public. D’abord, la CAA de Douai écarte toute attitude volontaire de tromperie de la part d’Ecovalor.
L’avenant met à la charge du maître d’ouvrage l’intégralité des travaux supplémentaires. Sur la forme de l’acte, il est peu volumineux et les dispositions sont plutôt claires, insiste Olivier Henrard. De plus, cet abandon de la clause de révision peut se justifier comme un élément nécessaire à l’équilibre global du contrat. Cependant, l’absence de négociations entre les parties, sur ce point, jette le trouble. Pour le rapporteur public, l’entreprise n’a pas compris la portée de ces modifications et l’établissement public s’est abstenu de tout commentaire. Mais la juridiction d’appel, tout comme la haute juridiction, sont restées insensibles. Elles ont plutôt accablé la requérante car le contrat a été conclu entre initiés. De surcroit, la CAA insiste en déclarant : « qu’il appartient (…) à la société de se doter de tous les moyens appropriés pour appréhender de manière correcte et complète le droit national applicable ». Par ailleurs, elle relève l’absence de toute observation des autres membres du groupement sur ce sujet. Quant à la réaction du Conseil d’Etat, la constatation d’un dol étant laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond (CE, 12 mars 1999, n°170103), il a simplement entériné la position de la CAA. Le pourvoi est donc rejeté.L’erreur aurait pu être évitée, si la société (…) avait pris comme tout professionnel attentif se doit de le faire, les précautions nécessaires avant de signer l’avenant.
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