Clauses vertes dans la commande publique : " Les acheteurs ne seront pas seuls dans ce défi "

partager :

« Après Egalim, Agec, RE2020, Climat et Résilience… les acheteurs publics doivent absorber une cascade d’obligations, avec parfois le sentiment de subir cette frénésie législative entourant la prise en compte du développement durable dans la commande publique ». Michaël Surelle, responsable de l’achat public durable au CD2E, une association des Hauts de France œuvrant pour accélérer les éco-transitions dans les entreprises et les territoires, revient sur la loi Climat et Résilience avec les défis que devront relever les acheteurs publics d’ici 2026.

Beaucoup s’interrogent sur la manière de passer de la théorie à la pratique. D’autres sont en quête de solutions pour tendre vers cette exemplarité avec l’ambition d’atteindre 100% des marchés avec une clause écologique en 2026. Expérimentations, structuration des réseaux d’acheteurs responsables, initiatives locales et régionales… les acheteurs ne manqueront ni de temps ni d’outils dans cette phase de résilience de la commande publique durable. 
 

Une rentrée avec un objectif de 100% des marchés publics avec une clause écologique en 2026


Les retours du terrain sur ce "packaging législatif " et ces ambitions restent mitigés, avec un sentiment parfois d’être démunis ou sous-équipés pour participer activement à ce challenge

Cette rentrée 2021 est marquée par cet objectif ambitieux de 100 % des marchés avec une clause écologique. Un défi de taille pour tous les acheteurs publics dans ce processus de verdissement progressif de la commande publique.
La fiche de la DAJ a été publiée très rapidement (NDLR : relire "Les 5 points clés de la loi "Climat et résilience" selon la DAJ"). Elle apporte une série d’éclaircissements rappelant notamment les différentes échéances. Les dispositions de la loi "Climat et Résilience" n’entreront en vigueur qu’à une date fixée par décret, et au plus tard le 22 août 2026. Autrement dit, d’ici 5 ans au plus tard, tous les marchés publics devront intégrer une clause écologique, à l’aune de laquelle une offre pourra être jugée plus ou moins-disante, au-delà des seuls facteurs du prix et de la valeur technique.

Les retours du terrain sur ce"packaging législatif" et ces ambitions restent mitigés, avec un sentiment parfois d’être démunis ou sous-équipés pour participer activement à ce challenge. Certains acheteurs n’ont pas encore finalisé leur processus de " full dématérialisation " (signature/facturation fluide) ; d’autres ne disposent pas encore d’une organisation achat avec un volet « vert », qu’ils doivent déjà se préparer à faire évoluer leur commande publique vers un verdissement massif. Certains s’interrogent également sur les ressources qui seront allouées et comment cette transition se mettra en œuvre : en subissant, en attendant ou en agissant…
Beaucoup espèrent également que des moyens financiers et humains seront alloués en face d’actions ciblées, craignant parfois le retour de groupe de travail trop vite essoufflé par le manque de concrétisation. D’autres voudraient qu’un véritable « plan Marshall » de la commande publique durable soit élaboré au niveau national et décliné au niveau régional, permettant de tendre vers cet objectif de 100% des marchés avec clause écologique.

Les collectifs engagés au niveau local et régional seront encore et toujours des facilitateurs pour impulser la dynamique verte attendue

Plus qu’un bloc législatif et réglementaire, nous vivons une nécessaire période d’adaptation face au changement climatique. La commande publique a un rôle non négligeable à jouer pour diminuer l’empreinte écologique de l’homme sur notre environnement. Plus qu’une transition, on assiste à la résilience de la commande publique durable, avec la nécessité d’adapter les pratiques et les organisations.

A l’approche des 20 ans du CD2E, nous accueillons avec enthousiasme ce changement et y voyons une réelle opportunité de dynamiser l’éco-transition dans les territoires.
Les acheteurs ne seront pas seuls dans ce défi et les collectifs engagés au niveau local et régional seront encore et toujours des facilitateurs pour impulser la dynamique verte attendue.

De plus, les différentes échéances de la loi Climat et Résilience laisseront toutes latitudes aux acteurs publics pour expérimenter et appréhender ces nouvelles obligations, jusqu’à leur entrée en vigueur. L’expertise et l’animation des collectifs des territoires, notamment des réseaux d’acheteurs responsables (APURE, RESECO… et bien d’autres), auront un rôle déterminant pour capitaliser les bonnes pratiques et les dupliquer massivement. On ne peut que féliciter certaines actions inspirantes de réseaux locaux comme celui de la Métropole Européenne Lilloise avec « Osons l’achat responsable » avec leurs MOOCs et leurs matinales achats, témoignant de l’engagement de territoires investis pour faire bouger les lignes de l’achat public durable. Des solutions se dégageront naturellement et progressivement, il n’y a pas d’inquiétude à avoir.

Les acheteurs devront innover sur chaque segment achat et marchés associés, en définissant des stratégies gagnantes, et choisir entre quantité et qualité, clause générique et clause personnalisée pour tenter de concilier efficacité économique et performance environnementale



Les acheteurs auront tout de même un nécessaire travail préparatoire pour intégrer ces nouvelles obligations, tant sur le plan organisationnel que sur le développement des compétences. Ils devront évidemment innover sur chaque segment achat et marchés associés, en définissant des stratégies gagnantes, en s’inspirant des bonnes pratiques et en travaillant collectivement. Ils devront évidemment choisir entre quantité et qualité, clause générique et clause personnalisée pour tenter de concilier efficacité économique et performance environnementale. Cette réflexion sera omniprésente dans les stratégies achats, car le verdissement a parfois un surcoût. Et malheureusement les budgets des structures publiques ne sont pas extensibles et plus que jamais l’acheteur aura un rôle de solutionneur pour placer le curseur entre performance environnementale et économique.
Des considérations environnementales génériques par des clauses standards pourront aussi être retenues dans un 1er temp, notamment sur les achats de faible montant ou sur certaines prestations intellectuelles plus complexes à calibrer sur le plan environnemental. La mesure de la performance verte fera également partie des débats avec des indicateurs qualitatifs et quantitatifs à retenir.

Au-delà de ces obligations législatives et réglementaires, les changements climatiques, que nous constatons quotidiennement, doivent surtout éveiller chez les acheteurs leurs engagements d’impacter qualitativement leurs achats et leurs territoires, pour minimiser au maximum leur empreinte environnementale. C’est avec cet état d’esprit que les dispositions de la loi "Climat et Résilience" ont un sens.

Des constructions et des rénovations plus durables avec des matériaux biosourcés


On peut deviner le challenge qui attend leurs services achats pour répondre à la délicate conciliation de l’efficacité économique et de la mission environnementale

Afin d’encourager l’usage de matériaux biosourcés ou bas-carbone lors de la passation de marchés de travaux, la loi "Climat et Résilience" a fixé l’échéance de 2030 avant d’imposer le recours aux matériaux biosourcés dans la commande publique à hauteur de 25% dans les constructions et les rénovations. Lorsqu’on sait qu’un logement sur quatre est géré par un bailleur en France, on peut deviner le challenge qui attend leurs services achats pour répondre à la délicate conciliation de l’efficacité économique et de la mission environnementale. L’intégration des matériaux biosourcés soulèvent encore de nombreuses interrogations, notamment sur l’aspect technique avec souvent des idées reçues, sur les coûts avec l’impact budgétaire... ce qui est parfois avéré à l’heure où le cours du bois a fortement progressé en début d’année, mais devrait rapidement se stabiliser une fois que l’offre et la demande se rééquilibrera.

D’ici cette échéance et sous l’effet de la réglementation RE2020, il est certain que les projets avec recours aux biosourcés se multiplieront au sein des territoires. Ce délai permettra aussi aux différentes filières locales (producteurs et fabricants) de se structurer pour répondre à la demande croissante et de s’adapter progressivement au formalisme des appels d’offres. A titre d’exemple en Hauts-de-France, des opérations de réhabilitation avec du béton de chanvre projeté ou des constructions en bois/paille sont portés par des acheteurs publics, passant d’une approche expérimentale à une intégration quasi-industrialisée. Les actions de sensibilisation, les retours d’expériences et le développement des compétences sont des clés incontournables pour franchir le pas. Les projets avec biosourcés que l’on accompagnent en Hauts-de-France, en tant que démonstrateurs permettront d’impulser la dynamique de demain dans le recours massif de ces produits naturels et locaux.
Un bel avenir en perspectives pour ces filières de développement économique des territoires.

Le nécessité de développer des outils et la montée en compétences des acheteurs

Avec cet objectif de 100% des marchés intégrant une clause écologique, des outils, comme "la clause verte", viendront assurément étoffer le panel de solutions pour dépasser les derniers freins inhérents à l’achat public durable. Des méthodes, des outils mais surtout des formations technico-juridiques seront indispensables pour développer les compétences des acheteurs publics et passer de la théorie à la pratique.

BâtiCité : un outil pédagogique unique en Hauts-de-France

Tirant l’expérience de 10 années d’animation du théâtre de l’écoconstruction, le CD2E propose avec BâtiCité, une nouvelle version de son démonstrateur : une exposition 100% innovante, digitalisée, pédagogique et évolutive ! Situé dans l’ancienne salle des machines de la base minière du 11/19 à Loos-en-Gohelle, BâtiCité est le nouveau démonstrateur du CD2E entièrement dédié à l’habitat durable en Hauts-de-France. Cet espace de 500m² classé au patrimoine mondial de l’Unesco a été entièrement réhabilité par la Communauté d’Agglomération de Lens-Liévin. Son objectif est de présenter les solutions existantes, d’accompagner la mise en action et d’incarner concrètement l’appui à l’accélération de l’éco-transition dans le secteur du bâtiment. Professionnels du bâtiment, maîtres d’ouvrages publics et privés, bailleurs sociaux, étudiants ou encore particuliers seront les bienvenus pour visiter ce lieu unique en France et aussi y organiser des évènements.

Avec cet outil pédagogique, nous ambitionnons aussi de sensibiliser les acteurs publics en proposant des ateliers, des séminaires mais également des formations uniques pour la montée en compétences des techniciens et des acheteurs à l’intégration du développement durable dans la commande publique.

Et pourquoi pas « la clause verte » 2.0 !

Le lancement de la "clause verte"(NDLR relire : "Bientôt des clauses vertes mises gratuitement à disposition des acheteurs publics " et "Clauses vertes : faites votre marché !" ) en novembre 2020 a permis de répondre en partie aux besoins de certains acheteurs de partager et de dupliquer les bonnes pratiques. Si la clause verte a rencontré son public en facilitant l’intégration des clauses environnementales dans les marchés publics, l’outil devra lui aussi s’adapter pour aller plus loin et répondre davantage aux attentes des utilisateurs.
Plus de contenus, plus de fonctionnalités, plus de partage…. Sans dévoiler les coulisses d’un potentiel projet de « clause verte 2.0 », nous ambitionnons de co-développer l’outil avec des acteurs engagés et de faire de cette ressource, un véritable « commun ». Nous sommes convaincus que la clause verte (comme d’autres outils) aura un rôle à jouer face à ce challenge de 100% des marchés avec une clause écologique. De nouvelles fonctionnalités sont en effet étudiées avec des combinaisons gagnantes « clause + critère + pénalité », avec l’envie de décloisonner l’achat public durable.

Toutes les expérimentations et leurs valorisations auront leur importance, impliquant un travail de capitalisation mais aussi d’innovation reposant très souvent sur des collectifs engagés.
Plus que jamais, les outils comme la clause verte et le développement des compétences par la formation seront des clés pour atteindre cet objectif ambitieux en 2026.


Consultez sur achatpublic.info notre dossier  "Loi "Climat et résilience" : en route vers le verdissement de la commande publique"