L’Allemagne s’apprête à alléger les règles nationales pour les petits achats

  • 16/01/2009
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Face à la crise, bon nombre de gouvernements nationaux explorent tous les moyens de stimuler leur économie. La simplification et l’accélération des procédures de passation des marchés publics constituent une piste sérieuse. En janvier, l’Allemagne adoptera des mesures allégeant les procédures de passation des marchés situés en dessous des seuils communautaires. Côté européen, la saisine de la Cour visant la communication sur les marchés de faible montant perturbe toute initiative de la Commission européenne.

C’est une victoire pour la Deutscher Städte- und Gemeinde Bund (DStGB) et les 13 000 communes allemandes que l’association représente. Sous la pression de son action en cette période préélectorale conjuguée à une forte détérioration de la première économie européenne, le gouvernement fédéral allemand présentera en janvier des mesures qui simplifieront certaines règles de passation de petits contrats. Nous avons reçu de «clairs signaux» que, pour les marchés non couverts par les directives européennes, les pouvoirs adjudicateurs seront davantage autorisés à signer des contrats par le biais de procédures restreintes voire sans mise en concurrence, se félicite Uwe Zimmermann au nom de la principale association des municipalités allemandes. D’autres mesures, encore en discussion, concernent les procédures de recours. La DStGB milite également pour la publication d’avis uniquement au niveau régional et non plus national. Une telle mesure couvrirait environ 70% de tous les marchés publics d’outre Rhin, explique-t-elle dans sa lettre d’informations de décembre.

Qu’en est-il des réflexions et des pratiques ailleurs dans l’Union européenne ? Comme l’Allemagne, l’Italie réfléchirait aussi à un assouplissement des formalités n’existant qu’au niveau national afin d’accélérer le lancement de nouveaux projets. Lors du Sommet européen de décembre, M. Berlusconi n’avait pas manqué de souligner l’appel des leaders européens en faveur d’un recours accru aux procédures accélérées. Le Royaume-Uni paraît avoir quelques longueurs d’avance. Lancé en 2006, le portail Internet Supply2 (1) se définit comme la source nationale d’information sur les petits achats. Il a été créé spécialement pour fournir aux petites et moyennes entreprises une visibilité sur les marchés ne dépassant pas les 100 000 £ (104 000 euros). Le portail est gratuit pour les entreprises qui s’informent sur les opportunités de contrats et se font connaître auprès d’acheteurs potentiels, il l’est également pour les entités publiques qui déposent leurs offres et consultent les profils de fournisseurs. La Suède se veut quant à elle irréprochable : les règles nationales pour les marchés de faible montant sont plus strictes que les règles européennes, que ce soit dans l’application des principes de transparence et de non discrimination ou lorsqu’il s’agit d’interpréter le principe du contrôle analogue («in house»).

Amorce d’un débat européen

Comment les initiatives nationales visant à alléger les procédures des marchés de faible montant sont-elles perçues à Bruxelles ? «La Commission a toujours dit qu’on peut simplifier sans porter atteinte à la transparence. La publication peut être très réduite, si elle exige tout un programme, cela peut créer une lourdeur proportionnée», explique ce fonctionnaire européen. Citant en exemple le portail britannique, il a évoqué la possibilité que la Commission soit, à moyen terme, capable de centraliser des informations sur les petits achats sur une base paneuropéenne. De son côté, la DStGB espère que le débat sur l’allègement des procédures de passation des marchés publics gagnera l’échelon européen et elle plaide déjà pour un doublement des seuils européens ! Le Conseil des communes et régions d’Europe, une des principales organisations européennes de collectivités territoriales, a saisi au bond l’appel du Sommet européen. Son comité d’experts compétent pour les marchés publics planchera en début d’année sur l’utilisation des règles de marchés publics au profit de la relance.

L’action de la Commission perturbée par la saisine de la Cour

En juillet 2006, la Commission européenne a adopté une communication interprétative (2) sur les marchés publics de faible montant qui insiste sur le respect des principes de transparence même pour des achats non couverts par la directive. Tout dépend de l’intérêt pour le marché intérieur que représente le contrat en question, indique-t-elle, en citant comme critères d’évaluation l’objet du marché, son montant estimé, les caractéristiques du secteur et le lieu de l’exécution du marché. Le document non contraignant a aussitôt été contesté par l’Allemagne qui a porté plainte devant la Cour européenne de justice. Berlin est soutenu par d’autres capitales comme Vienne et Paris, et aussi par le Parlement européen. Où en est la procédure ? La phase dite «écrite» au cours de laquelle les parties déposent à la Cour de Luxembourg un mémoire justifiant leurs positions est terminée. La phase «orale» est ouverte mais la date d’une audition n’a pas encore été fixée. La procédure, qui devrait prendre encore «quelques années», a «très peu de chances d’aboutir», estime-t-on à la Commission. Certains arrêts, tels que l’arrêt «CE/Irlande» (affaire C-507/03) et la procédure préjudicielle «SECAP SpA contre Comune di Torino» (affaire C-147/06), «insistent sur l’importance de la relation transfrontalière» qui peut exister lors d’une procédure de passation. Ils seraient ainsi «en ligne avec la communication interprétative». Néanmoins, pour lancer des procédures d’infraction pour des marchés en dessous des seuils, la Commission doit être en mesure de prouver qu’une entreprise d’un autre État membre aurait pu être intéressée à participer à une mise en concurrence. Ce qui n’est souvent possible qu’après réception d’une plainte de la part de soumissionnaires s’estimant lésés. La saisine de la Cour sur la communication interprétative de la Commission constitue toujours «un sujet qui pèse» dans les relations entre l’institution européenne et certains États membres, reconnaît-on, notamment dans le cadre des négociations en cours sur les marchés publics de défense. Une clarification, même si elle interviendra à moyen terme, est donc la bienvenue pour tout le monde.

(1) Voir le Portail Supply2

(2) Lire notre article : La Commission adopte une communication sur les marchés publics de faible montant