Comment susciter l’envie de répondre aux marchés ?

  • 06/04/2009
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Pour le gouvernement, la commande publique est à la fois un moyen de faire grandir les PME et de les aider à passer le cap de la crise. Pourtant, bon nombre de « petits » ne s’intéressent pas aux marchés publics. Aux acheteurs publics de les attirer…

En France, les PME sont un acteur majeur de l’économie. En 2006, elles pesaient 42% de la valeur ajoutée marchande et employaient 9,2 millions de personnes, soit près de la moitié des salariés du privé. Côté marchés publics, elles ne sont pas si mal loties que certains pourraient le croire. Selon les chiffres fournis par l’OEAP pour l’année 2007, les PME, à l’aune de la définition communautaire (moins de 250 salariés, CA inférieur à 50 millions, pas de lien avec un groupe) ont raflé 62% des consultations, hors sous-traitance. Seul bémol, ces  marchés ne représentent que 35% des budgets. De surcroît, l’arbre cache la forêt. En effet, la grande majorité des PME ne répondent pas aux appels d’offres, y compris dans leur commune d’implantation, comme l’a constaté la mairie de Boulogne-Billancourt. Or la commande publique est un moyen pour ces petites firmes, ferments de l’activité hexagonale, de grandir. C’est pourquoi les initiatives se multiplient pour les aider à pousser la porte des marchés publics. Une des plus connues est le réseau commande publique, animé par Oséo, avec plusieurs partenaires (le Conseil supérieur de l'Ordre des Experts-Comptables, le Conseil national des barreaux, le Groupe Moniteur, l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, l'Assemblée permanente des chambres de métiers, la Compagnie nationale des commissaires aux comptes).

La commande publique : un ballon d’oxygène

Après avoir tenté - sans succès - de planter dans le Code des petits drapeaux en faveur des PME, le gouvernement, qui a mené la bataille du Small business act à Bruxelles, est sur la même longueur d’onde. Nicolas Sarkozy n’a pas lésiné sur les déclarations. En décembre 2007, le Président militait en faveur d’une « discrimination positive » en faveur des PME et annonçait une « action générale » en motivant les acheteurs publics et en accompagnant les petits fournisseurs.  Au dernier congrès des maires, il demandait aux élus locaux de ne pas avoir « pour seule religion » le prix dans les appels d’offres et de laisser une part de leurs marchés aux PME. Le discours s’est traduit, pour partie, en actes. Le vote de la loi de modernisation de l’économie a permis de « réserver », sous conditions, certains marchés adaptés technologiques aux PME innovantes. Car l’achat public est vu de l’Elysée comme un moyen pour les « petits » de surmonter la crise. Certaines mesures du plan de relance - relèvement du seuil des petits achats à 20 000, du seuil des MAPA de travaux à 5,1 millions d’euros, du montant des avances, sans oublier la réduction des délais de paiement - sont clairement des signaux qui leur sont envoyés. Car la complexité et la longueur des marchés, le besoin de fonds de roulement ont souvent été des arguments avancés pour expliquer la frilosité des « petites boîtes » à s’aventurer dans la jungle de l’achat public. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des PME (CGPME) ne s’y est pas trompé. Les carnets de commande vont fléchir au premier trimestre 2009 et il faudra de nouveaux marchés. « La possibilité d’acheter sans lourdeur administrative jusqu’à 20 000 € devrait y contribuer et leur donner un ballon d’oxygène ».

Mutualisation et réduction du panel fournisseurs

Les acheteurs publics répondent-ils présents ? A l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, acteur de poids puisqu’il représente 3989 marchés notifiés pour un montant total de 3,3 milliards d’euros en 2007, il n’y a pas de « coup de pouce particulier » au profit des PME. Toutefois, l’établissement, qui a mené l’enquête en partant d’un échantillon de 3000 marchés, n’a pas à rougir de ses statistiques. Les entreprises de moins de 250 salariés raflent presque 70% du total des marchés, mais ne représentent qu’un quart des dépenses. A l’inverse, les grandes maisons empochent les ¾ des budgets, concentrés sur un quart des marchés. « La bonne surprise, c’est que nous nous trouvons dans la moyenne de ce qui se fait ailleurs », retient Philippe Maraval, délégué à la coordination des achats de cette grande maison. Surtout si l’on prend en compte un environnement défavorable. La mutualisation est à l’ordre du jour. La politique de réduction des fournisseurs a divisé le panel par deux pour les achats généraux. Les médicaments, soit  la moitié des achats de la structure, sont l’apanage de grands labos. Pour Philippe Maraval, la politique systématique d’allotissement limite la casse : « en matière de travaux, nous ne faisons pas appel à des entreprises générales ». Résultat : 84% des consultations de cette famille d’achat sont allés dans l’escarcelle des PME.

Cahier des charges : être raisonnable

Même cas de figure à la mairie de Versailles, récent signataire du Pacte PME. Si la commune francilienne ne dispose pas d’indicateurs spécifiques et n’a pas défini de politique particulière à destination des entreprises de petite taille, sa directrice de la commande publique, Véronique Quéru-Fernandez assure que «beaucoup de PME répondent aux appels d’offre ». Pour une raison simple : « 99% de nos marchés de bâtiments sont allotis. »  D’autres pouvoirs adjudicateurs affichent ouvertement leur volonté d’aider les petits. En octobre 2008, la CCI de Lyon a voté une motion dans laquelle elle souhaite que les PME sous-traitantes qui participent à l’élaboration de l’offre d’un candidat ne soient pas remises en concurrence avec d’autres entreprises pour rester dans l’équipe attributaire du marché.  Plutôt que de favoriser, Philippe Maraval  préfère ne pas défavoriser. « Une PME se centre en général sur la production. Elle a très peu de salariés sur les fonctions supports, qu’il s’agisse des commerciaux, de la SAV…C’est pourquoi il faut éviter de créer des barrières dans les cahiers des charges, en demandant des réseaux commerciaux hyper étoffés, en exigeant la lune en matière de normes ou de capacités de production au-delà du nécessaire ». A Angers Métropole, Hubert Dugas, responsable des achats, veut lui aussi adapter les méthodes de travail aux contingences des entreprises : il ne faut pas « toujours se regarder dans le miroir ». Comme à l’accoutumée, l’homme est pragmatique. « Nous n’imposons plus notre bordereau de prix unitaire (BPU). Mais nous proposons aux sociétés de se positionner par rapport au bordereaux qu’elles utilisent d’habitude avec leurs autres clients ».

Faire des efforts de communication

S’ouvrir aux PME, c’est aussi mieux les connaître, apprécier l’étendue de leur savoir-faire afin de les pousser à candidater à d’autres consultations. « Nous avons la volonté  d’être sur le terrain. Je viens de visiter une entreprise et je me suis rendu compte des investissements sur place » poursuit Hubert Dugas. « Toutes les sociétés qui viennent à nous ou qui nous envoient une plaquette sont recontactées et enrichissent notre base de données. Dès qu’il y a une remise en concurrence, on les sollicite ». Autre politique impérative : la communication. L’Assistance Publique a mené un « road show » avec les organismes consulaires, en expliquant aux opérateurs économiques son organisation et quels sont les bons interlocuteurs. « Les CCI sont partantes et leur principal public est justement les petites entreprises », note Philippe Maraval. Les simplifications des procédures suffiront-elles à attirer les PME ? La refonte du Code, accompagnée d’une raréfaction des carnets de commande du privé,  va-elle susciter de l’envie ? Peut-être. Signe des temps, le site marchés on line, concentrateur d’avis de publicité, est de plus en plus fréquenté :  les  97 000 visiteurs uniques du mois de décembre sont devenus 167 000 au mois de mars. La salle des marchés du site achatpublic.com a également connu un « boom » du téléchargement des DCE : presque 38 000 en janvier, plus de 59 000 en mars. « La situation ne peut pas être pire qu’en 2008, où l’on a constaté un tarissement de la concurrence dans pratiquement tous les corps d’Etat pour les marchés de travaux en région parisienne », observe pour sa part le délégué à la coordination des achats de l’AP-HP.