La Défense en terre de mission

  • 06/04/2009
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La Défense est le seul ministère à disposer d’une « mission PME-PMI ». Si, au départ, son existence paraissait provisoire et son périmètre était circonscrit aux impayés,  elle a élargi son rayon d’action à tous les soucis que rencontrent au quotidien les « petites boîtes ».

 Le ministère de la Défense n’est pas forcément le champion du monde des marchés attribués aux PME : sur les 16 milliards d’euros réglés en 2008, 14% sont tombés dans l’escarcelle de petites entreprises, loin de la moyenne nationale.  Néanmoins, il fait de son mieux pour ne pas décourager  celles qui veulent répondre à ses consultations. Acheteur poids lourd de la maison France qui fait travailler 10 000 entreprises, des TPE aux multinationales, la rue Saint-Dominique est même la seule administration à disposer, depuis 1998, d’une mission chargée de mettre de l’huile dans les relations entre acheteurs et « petits » fournisseurs. A l’époque, Alain Richard, ministre en exercice, décide de mettre sur les rails une cellule chargée de régler les factures en souffrance. Sans cesse sollicité, son cabinet n’a pas le temps de suivre dans le détail les réclamations des PME. La mission n’était pas conçue pour durer. Mais comme la vignette auto en son temps, elle s’est installée dans le paysage. L’équipe de six personnes, aujourd’hui dirigée par le contrôleur général Jean-Louis Porchier, a vu son périmètre s’élargir : il s’agit désormais de régler tous les soucis que peuvent rencontrer les PME, et plus largement de réfléchir à toutes les bonnes idées permettant d’améliorer les relations. La « médiation » est donc, en quelque sorte, le premier champ d’action de la mission. N’importe quelle PME peut la contacter dès qu’elle rencontre une difficulté. La saisine est simple, il n’y a pas de formalisme de prise de contact : il suffit d’un courrier, d’un mél, ou même d’un coup de téléphone (1). Des entreprises préfèrent pourtant solliciter leur parlementaire ou un ministre. Parfois, certaines se retournent vers l’Elysée. « En réalité, c’est une erreur qui allonge les délais de traitement, explique le contrôleur général Porchier, car leur demande descend tous les échelons de la Présidence à la Défense, en passant par Matignon. »

Des retards de paiement aux motifs d’éviction

Jean-Louis PorchierComment présenter son affaire ?  Le meilleur moyen de se faire entendre est d’expliquer son cas en transmettant un dossier le plus complet possible.  « Cela nous permet de traiter l’affaire avec des bases solides. La mission ne doit pas se tromper et nous devons vérifier le bien-fondé  de la démarche de l’entreprise. Lorsqu’on contacte les services du ministère, nous devons être digne de foi », poursuit le contrôleur général. A charge pour la mission PME, située hors hiérarchie puisqu’elle dépend directement du ministre, de trouver une solution avec les différents acteurs. La typologie des soucis est en effet large : des classiques retards de paiement jusqu’aux difficultés d’accès aux marchés et aux motifs d’éviction en passant par les « hic » rencontrés durant l’exécution du marché (révision des prix, pénalités, intérêts moratoires, tranches conditionnelles qui ne deviennent pas fermes, litige précontractuel). Au total, entre 150 et 350 dossiers à traiter par an. Les différends se règlent en général avec les services concernés. Mais en cas de besoin, si le dossier s’enlise, le contrôleur général monte au créneau. « La mission est tenace », assure-t-il. Les délais varient de quelques jours à plusieurs mois dans le cas de question épineuse, par exemple lors de marchés transférés d’une entité à une autre. Le nouveau service gestionnaire a une vision différente du marché, ou alors les crédits n’ont pas suivi. Chacun se renvoie la balle et cela peut durer longtemps. Il y a aussi le cas des firmes qui souhaitent exporter et qui attendent en vain le visa du ministère, ou celui des doléances au sujet  de commandes qui ne viennent pas. Les opérateurs économiques sont parfois tributaires à l’excès du ministère. « Ce n’est pas un droit, mais les entreprises ont du mal à le comprendre. Et ce n’est pas le rôle de la mission PME de se prononcer pour savoir si la survie d’une entreprise est stratégique pour le ministère », commente le contrôleur général.

Faciliter la vie des PME

Le second grand chantier de la mission, c’est de réfléchir parallèlement à ce qui pourrait simplifier les démarches administratives. Elle participe d’ailleurs à toutes les réunions ministérielles ou interministérielles concernant la problématique achat. Le comité pour la modernisation du ministère (C2M) a chargé la mission PME de proposer toute mesure d’amélioration pour faciliter la vie des PME. « Le cadre est réglementé, nous n’avons pas beaucoup d’autonomie en la matière, pondère Jean-Louis Porchier, ce qui ne nous empêche pas de réfléchir. » C’est pourquoi la mission a par exemple édité plusieurs guides fournisseurs, sur les matériels d’armement, l’expression du besoin, ou l’exportation. « C’est très compliqué car la règle a priori, c’est la méfiance et l’interdiction. » L’engagement de service, née d’une instruction ministérielle du 14 novembre 2002 est l’autre grande fierté de la mission. En résumé, la Défense s’engage à personnaliser son accueil PME en désignant dans chaque service achat un interlocuteur, médiateur de proximité, à répondre sans botter en touche et à le faire sous 15 jours, et à fournir un maximum  d’information aux fournisseurs potentiels : réglementation, organisation de la structure, méthodes de passation des marchés, intentions d’achats. « Cette instruction n’est pas seulement philanthropique. Il s’agit d’alléger les barrières d’entrée, d’aiguiser la concurrence, de ne pas tétaniser les entreprises devant les procédures de marchés », ajoute le chef de la mission PME dont le travail est également de vérifier l’application du texte. Tous les ans, il adresse un rapport à ce sujet au ministre, tout comme il essaie d’en savoir plus sur les délais de paiement ou sur la part des PME dans les marchés du ministère. Une tâche ardue. « Le problème, c’est que les services sont noyés par les demandes d’information », constate Jean-Louis Porchier.

(1) Contact de la mission PME : 14 rue Saint-Dominique, 00450 Armées, 01 42 19 84 01 ; mél : pme-pmi@cabinet.defense.gouv.fr