
Vers un recadrage du référé contractuel ?
Lors d’une audience du Conseil d’Etat début janvier, le rapporteur public Nicolas Boulouis a démontré que le recours au référé contractuel n’était pas aussi ouvert que le recours au référé précontractuel, notamment pour les MAPA.

Le 10 novembre 2010, la décision France Agrimer de la haute juridiction avait autorisé la transformation en cours d’instance d’un référé précontractuel en référé contractuel (1). Mais, a rectifié le rapporteur public du Conseil d’Etat Nicolas Boulouis en préambule de ses conclusions prononcées le 5 janvier à propos d’un contentieux impliquant le Grand port maritime du Havre, si le contexte actuel laisse entendre que les tiers n’ont que l’embarras du choix pour contester un contrat, « ce choix n’est pas aussi ouvert qu’il n’y paraît », notamment pour les MAPA… Les auteurs de la directive comme de sa transposition dans l’ordonnance de 2009 ont entendu « privilégier les contestations avant le contrat », considère-t-il. L’arrêt France Agrimer a posé les données du problème, mais le Conseil d’Etat ne les a « pas tranchées ». Sa future décision sur le Grand port autonome du Havre l’y obligera sans doute. En cause : un MAPA passé par une entité adjudicatrice, donc non soumis aux obligations de l’article 80 du code sur le délai de stand still entre l’attribution et la signature du contrat. L’article L551-14 du code de justice administrative (CJA) bloque la voie du référé contractuel après un référé précontractuel, a rappelé Nicolas Boulouis, « sous réserve de manœuvres » : signature du contrat en cours de procédure alors que le délai de stand still ou la décision par le juge de suspendre la signature n’ont pas été respectés, opérateur économique empêché d’exercer son droit au recours en référé précontractuel par absence de mesures de publicité (article L 551-18 du CJA). Il y a également « fermeture manuelle » du référé précontractuel lorsque la personne publique signe le contrat parce qu’elle n’a pas été informée du dépôt d’un recours. En revanche, si elle annonce son intention de conclure et respecte le délai prévu à l’article L551-15 du CJA, c’est alors la voie du référé contractuel qui est fermée.
Pouvoirs circonscrits du juge du référé contractuel
Les pouvoirs du juge du référé contractuel sont circonscrits par les articles L551-18 à L551-20 du CJA. « La liberté » de ce juge « n’existe pas en dehors » de ces articles, a estimé le rapporteur public. Le CJA a détaillé des « cas bien déterminés » : le juge peut prononcer la nullité, la résiliation, l’abrègement et des pénalités financières. Mais il a besoin de trois conditions pour agir : non respect des délais de stand still ou signature pendant la saisine du juge, impossibilité pour le requérant d’exercer un référé précontractuel suite à la violation des règles par la personne publique, et autres manquements aux mesures de publicité. C’est pourquoi, Nicolas Boulouis a entendu aussi « lever l’ambiguïté du second alinéa de l’article L551-14 ». Celui-ci interdit le référé contractuel aux opérateurs qui ont déjà fait un référé précontractuel dès lors que la personne publique a respecté la suspension pendant la saisine du juge jusqu’à la notification de la décision juridictionnelle. « Le référé contractuel n’est pas ouvert aux opérateurs économiques qui auraient pu utiliser la voie du référé précontractuel et qui ne l’auraient pas fait », estime-t-il. Il serait en effet « curieux » que le mécanisme de fermeture manuelle du référé précontractuel fonctionne pour certains contrats alors que la voie serait ouverte pour d’autres sans pour autant avoir de conséquence sur les possibilités de recours contractuel… Conclusions : « le référé contractuel n’est pas ouvert comme l’équivalent du référé précontractuel. Les opérateurs économiques ne choisissent pas une procédure plutôt qu’une autre ».
Deux pistes pour les MAPA
Que faire alors pour les MAPA non soumis au délai de stand still qui est une condition pour que le juge des référés contractuels puisse agir ? La jurisprudence n’a pas institué comme principe général l’obligation d’informer, a rappelé le rapporteur public. Elle évoque juste un « délai raisonnable ». Le magistrat ne voit que deux solutions : soit la condition n’est pas exigible, soit les dispositions du CJA sont inapplicables aux MAPA. Si elles sont applicables, « tous les MAPA seraient réputés irréguliers » pour cause de non respect des délais. Dans ce cas, seule la nullité pourrait alors être prononcée à leur encontre afin de respecter le second alinéa de l’article L551-14, ce qui signifie que seuls les manquements les plus graves seraient concernés… Le magistrat estime que le référé contractuel ne pourra être un succès que si la jurisprudence s’engage sur cette seconde voie, même si elle « laissera nombre de vices graves de côté » et que cela paraît « excessif ». Tout n’est d’ailleurs pas si noir puisque des « délais ont été recréés de facto » par exemple pour les DSP. Quelque soit la solution retenue, les deux pistes « vont à l’encontre des articles L551-18 à L551-20 ». Mais aligner les pouvoirs du juge du contractuel sur ceux du référé précontractuel ou appliquer le délai de stand still à tous les contrats « viderait les articles de leur sens », a-t-il prévenu. Une vision aussi « restrictive » du référé contractuel conduirait les tiers vers les recours Tropic qui « n’est pas une voie royale » et qui n’a « pas été couronnée de succès »… Au Conseil d’Etat de maintenant éclaircir la situation.
(1) Lire notre article : Un référé précontractuel transformé en référé contractuel
Voir aussi notre article référé précontractuel, un avenir conditionné par le référé contractuel et Tropic
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