Le vaccin anti-ententes de la DCSSA

  • 21/09/2011
partager :

Le service achats de la direction centrale du service de santé des armées a depuis un an révolutionné ses méthodes de travail pour se prémunir contre des agissements anormaux du marché sur certains segments. Premiers achats visés : le secteur de la blanchisserie. Les gains s’évaluent déjà à 10% par rapport aux factures précédentes.

Contrairement à certains hôpitaux civils, les neuf établissements que compte le service de santé des armées externalisent les prestations de blanchisserie. Depuis quelques temps, la direction centrale du service de santé des armées (DCSSA) trouvait que le marché de la concurrence en la matière n’était pas net : l’impression d’être captive d’un secteur dû à la présence de poids lourds inamovibles et surtout le sentiment de ne pas payer le prix juste. Une décision rendue en 2007 (1) par l’Autorité de la concurrence sur une entente entre plusieurs entreprises du domaine avait déjà fait bouger les lignes du côté des entreprises mais a surtout renforcé les soupçons de la DCSSA. La réforme menée au sein de l’administration du ministère de la Défense, notamment sur le plan des achats, a achevé de pousser vers une « révolution » interne.

Une étude de marché avec des surprises à la clef

La blanchisserie représente un poste de dépenses annuelles de 6 millions sur un budget total de 240 millions d’euros. Il y a un an, ce segment a naturellement fait l’objet de la première réflexion de la toute nouvelle organisation des achats au sein du service de santé des armées (aujourd’hui le service marchés de la DCSSA pour l’ensemble des établissements est concentré à Orléans, tandis que la division stratégique de la politique achats est basée à Vincennes). « Nous avons pris le temps de réfléchir sur ce segment, explique le commandant Jean-Pierre Pugnetti en charge du bureau des achats, pour bien définir ce dont nous avions besoin et étudier le marché des fournisseurs. Nous avons mis une petite équipe dessus : des rédacteurs pour qui on a pu dégager du temps, et un référent technique chargé d’aller dans les hôpitaux et chez les fournisseurs ». Avec quelques surprises à la clé.

L’analyse des marchés passés par les hôpitaux a montré parfois une sur-qualité demandée par rapport aux besoins réels, parfois des problèmes dans certaines régions où un des poids lourds du secteur ne répondait jamais aux consultations soi-disant parce qu’il n’avait pas la capacité suffisante (les établissements font 300 lits en moyenne, la totalité représente 2000 lits), parfois une pondération du critère prix trop basse (20 à 30%), parfois un coût moyen du tonnage global du linge par jour et par patient fort différent d’un hôpital à l’autre. Ou encore un allotissement qui restreignait de fait la concurrence (certains lots exigeaient du stérile et du non-stérile, or l’étude du secteur a révélé que certaines entreprises ne pouvaient faire les deux ce qui les excluaient d’office de la consultation).

La mutualisation et la massification face aux secteurs peu concurrentiels

La remise en ordre de ces points ainsi que le rapprochement avec certains hôpitaux et groupements civils tels le Resah-Ile-de-France, Uni-HA, l’Ugap ou encore le rattachement à des régies de blanchisseries d’autres établissements a permis à la DCSSA de dégager des marges de manœuvres et semble avoir assaini le marché : « Nous obtenons de meilleures réponses avec des prix plus intéressants de l’ordre de 10%. Sur un hôpital, la facture a même baissé de 25%. Nous attendons 20% en 2013 soit environ 1 million d’euros », constate le commandant Pugnetti pour qui « prendre le temps » de la réflexion et étudier le marché constitue la meilleure arme anti-entente. Mais cela ne suffit pas. Après cette première phase, il faut définir sa stratégie achat adaptée au segment et au secteur, mettre en place un plan d’action et s’y tenir. Le rôle du service du commandant Pugnetti est justement de s’assurer que dans chaque hôpital et au sein du service achats centralisé, chaque participant respecte la stratégie « légitimée » directement par le directeur central de la DCSSA lors d’un comité des achats réunissant, outre les membres du service achats, les grands responsables des services concernés (finances, gestion, etc).

La démarche n’en est encore qu’à son début. Il a fallu constituer les équipes, avec de nombreuses mutations vers Orléans. Le changement de culture achat, la professionnalisation et la spécialisation de chacun selon les segments, la communication du changement au sein des établissements constitue d’autres défis relevés petit à petit. « Il faudra encore 4 ou 5 ans pour que ça mature. » Pour l’instant, sur les neuf hôpitaux, quatre ont passé des marchés mettant en place la nouvelle stratégie. Les cinq autres sont en train d’y arriver. Cette première réalisation avec des gains si importants « a surpris et encourage aussi ». D’autres segments sont donc à l’étude comme celui des ascenseurs et du médicament. Face à ce type de secteurs peu concurrentiels, la DCSSA mise sur la même stratégie (mutualisation et massification) que pour la blanchisserie. Mais sur d’autres comme le nettoyage, elle est toute autre pour tenir compte du tissu économique du secteur et notamment des PME, qui peuvent proposer « de meilleurs prix et des solutions innovantes ». Une concurrence à ne pas négliger. La DCSSA espère économiser entre 5 et 10% sur chaque segment grâce à sa nouvelle méthode d’analyse et d’études des marchés.

(1) Décision n° 07-D-21 du 26 juin 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la location-entretien du linge Décision du 26 juin 2007 n° 07 D 21 (285.68 kB)