Une convention entre deux collectivités requalifiée en DSP ?

  • 20/01/2012
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Pour qu’il y ait une authentique coopération, il faut un engagement réciproque des parties. Or entre la commune de Veyrier-du-Lac et la communauté d’agglomération d’Annecy, la relation est plutôt unilatérale. Estimant que les modalités prévues dans la convention correspondaient plus à une délégation de service public qu’à une entente, le rapporteur public, Bertrand Da Costa a proposé au Conseil d’Etat de requalifier le contrat liant les deux pouvoirs adjudicateurs en DSP.

L’affaire, opposant la commune de Veyrier-du-Lac et la communauté d’agglomération d’Annecy à la Lyonnaise des eaux, a été l’occasion pour le rapporteur public de revenir sur les mécanismes de coopération entre collectivités. Si l’application du droit de la commande publique pour ces mécanismes est validée, il reste encore des questions en suspens. Lorsqu’une collectivité confie un service public à un tiers, le contrat est soit une délégation de service public, soit un marché public si la rémunération n’est pas substantiellement assurée par les résultats de l’exploitation.

Exécution conjointe d’un service public

Il existe une exception à l’application des règles de la commande publique, le contrat « in house ». Le principe a été posé par la CJCE dans son arrêt Teckal (1). Pour être exempté des règles sur les marchés publics, il faut que deux conditions soient réunies ; le pouvoir adjudicateur doit exercer sur la personne concernée un contrôle semblable à celui qu’il exerce sur ses propres services et cette personne effectue la partie essentielle de ses activités avec le pouvoir adjudicateur de contrôle. « La jurisprudence Teckal a connu un certain assouplissement. La cour a ouvert la notion de « in house » en disposant que les critères peuvent être remplis conjointement par plusieurs pouvoirs adjudicateurs. Le mécanisme de coopération intercommunal a donc été validé », précise Bertrand Da Costa. A côté de cette coopération institutionnalisée, la cour, dans son arrêt Hambourg (2), a accepté qu’une coopération public-public, exclue des règles de la commande publique, puisse exister en dehors du « in house ». « La Commission dans un document de travail sur la coopération public-public, a donné le mode d’emploi de cet arrêt afin de distinguer une véritable coopération d’un marché public normal. La coopération implique l’exécution conjointe d’un service public. L’attribution unilatérale d’un service public par un pouvoir adjudicateur à un autre n’emporte pas de réelle coopération. Une prestation de service contre rémunération caractérise un marché public », explique le rapporteur public. En droit interne, le législateur a tiré partie de cette jurisprudence pour modifier l’article L.5111-1 du code général des collectivités territoriales (3). « La mutualisation échappe à toute mise en concurrence sous réserve du respect des conditions fixées à l’article L.5111-1-1 du CGCT. Les communes sont exclues de ces dispositions au motif que la mutualisation dans un cadre intercommunal fat l’objet d’une disposition spécifique », détaille Bertrand Da Costa.

La qualification de DSP confirmée

A ce panorama, s’ajoutent les ententes prévues à l’article L.5221-1 du CGCT qui sont la forme la plus ancienne de coopération territoriale. Or dans le cas d’espèce, c’est précisément d’une entente qu’il s’agit. Dans son ordonnance du 12 octobre 2011 (4), le juge du référé contractuel a requalifié la convention d’entente conclue entre la commune de Veyrier-du-Lac et la communauté d’agglomération d’Annecy en délégation de service public. Le magistrat a relevé que la communauté d’agglomération assurait l’exploitation du service de l’eau potable à ses risques et périls moyennant la perception de redevances sur les usagers, alors que la commune, qui profite des installations modernes de la communauté d’agglomération, n’assure aucun service en sa faveur. Au vu des remarques préliminaires, la convention est-elle une coopération ou une DSP ? La logique qui a présidé à la conclusion de la convention est la suivante, selon le rapporteur public : les deux parties ont une mission identique de service publique, leurs territoires sont limitrophes, la communauté d’agglomération dispose de structures modernes et la commune en restant autonome devrait réaliser des investissements lourds pour remettre en état ses structures. « Si la commune adhère à la communauté d’agglomération, la question d’une mise en concurrence ne se pose pas. En outre, le parallèle avec la constitution d’un EPCI ne vaut pas dans le cadre d’un partenariat. La commune conserve sa compétence, il n’y a donc pas de véritable mutualisation », remarque le rapporteur public. La coopération implique l’existence d’un engagement réciproque et une neutralité financière. Or, souligne Bertrand Da Costa, il n’y a aucun élément dans la convention permettant de caractériser une coopération susceptible d’être qualifiée d’entente. « En revanche, l’article L.1411-1 du CGCT définit la délégation de service public. La commune confie à un tiers le service public de distribution de l’eau potable, qui en supportera le risque d’exploitation. Le contrat doit alors être qualifié de délégation de service public. Le choix du délégataire se fait après mise en concurrence et la communauté d’agglomération aurait pu se voir attribuer le contrat. Une solution inverse présenterait des inconvénients graves, puisqu’elle permettrait à chaque fois que les collectivités fassent profiter de leurs moyens à des collectivités voisines en passant outre la mise en concurrence », précise-t-il. La qualification de DSP s’impose donc et puisque la convention n’a pas fait l’objet d’une publicité, la lyonnaise des eaux est recevable à demander l’annulation du contrat. Au Conseil d’Etat d’en juger…

(1) CJCE_18novembre_1999_Teckal_C10798
(2)CJCE, 9 juin 2009, commission C/ Allemagne, C-480/06
(3) article 68 de la loi du 6 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales
(4) Référé contractuel : requalification en DSP et annulation
Emmanuelle Maupin © achatpublic.info