Conflit d’intérêts : le contrechant d’Anticor

  • 10/07/2025
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Conflit d’intérêts - Droit pénal - Elus - Alors que l’Assemblée nationale examine la proposition de loi portant création d’un Statut de l’élu local, l’association anticorruption Anticor fait entendre sa voix.
L’article 18, considéré comme une disposition majeure du texte, entend resserrer les éléments constitutifs de la prise illégale d’intérêts : ce délit ne devrait plus trouver à s’appliquer aux situations d’interférences entre des intérêts publics (autrement appelées "conflits d’intérêts public-public" )ou lorsque les faits ont été commis en raison d’une nécessité impérieuse.
 

Consensus... d'un côté

Les associations d’élus dénoncent régulièrement une définition trop large et de situations qui n'auraient pas lieu d'être, les contraignant notamment à se "déporter", c’est-à-dire à quitter purement et simplement la salle du conseil municipal lors de certaines délibérations.

« Le problème avec les procédures engagées pour prise illégale d’intérêts (et pour favoritisme dans une moindre mesure), c’est notamment que l’élément intentionnel de l'infraction est déduit de la commission de l’acte matériel. Conséquence ? Des gestionnaires publics se voient sur le banc des prévenus, à cause d’un manquement, parfois sans avoir conscience qu’ils avaient franchi la ligne blanche, alors qu’ils n’avaient aucune intention de profiter de leurs fonctions à des fins personnelles » déclare dans nos colonnes Luc Brunet (Observatoire SMACL des risques de la vie territoriale et associative - lire "[Interview] Luc Brunet : « Poursuites et condamnations des gestionnaires publics ? Un nouveau record à venir !»"

La recommandation n° 55, du rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur la commande publique, rendu public le 9 juillet, propose d' « Exclure du champ du délit de favoritisme toute méconnaissance, même délibérée, du droit de la commande publique, lorsqu’elle visait à permettre d’atteindre un objectif d’intérêt général impérieux et lorsque l’acheteur, en le méconnaissant, même délibérément, n’avait pas l’intention d’octroyer un avantage injustifié.»


"Ligne rouge"... de l'autre

Pour Anticor, une telle modification de la définition de la prise illégale d'intérêts, en fonction d’un motif impérieux d’intérêt général est dangereuse : « cette notion ne correspond à aucune notion légale ou jurisprudentielle. En inscrivant dans le droit pénal une notion floue, le législateur expose les élus à une fausse impression de protection, et fragilise l’objectif de prévention et de régulation des conflits d’intérêts. »

L’association ajoute que « Vouloir modifier le code pénal pour "faciliter" l'exercice des mandats locaux en limitant ce délit serait une erreur » . «Cela revient à s’attaquer aux symptômes plutôt qu’aux causes. » Elle propose plutôt de prévoir la mise en place d’un meilleur accompagnement des élus et d’un renforcement de la formation en matière de déontologie et de prévention des conflits d'intérêts.
 

Le Sénat prévoit d’examiner le texte en deuxième lecture à partir du 23 septembre.

 

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JMJ