Quand le pragmatique prend le pas sur le juridique

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Pour rétablir la concurrence entre les entreprises attributaires, l’Etat a retiré du DQE du second marché subséquent de son accord-cadre fourniture des réseaux de collecte IP et Ethernet, le prix de raccordements aux points d’interconnexion "backbone". Le juge du référé précontractuel a admis pour des raisons pratiques ce mécanisme correcteur.

Dans une ordonnance rendue en mars dernier, le juge du référé précontractuel a rejeté la demande de la société Orange tendant à l’annulation du second marché subséquent de l’accord-cadre alloti pour « la fourniture des réseaux de collecte IP et Ethernet en métropole du réseau interministériel de l’Etat (RIE) », attribué aux sociétés Orange et SFR. Dans le cadre du lot 1 « prestations de connectivité standard », l’Etat a attribué le premier marché subséquent, qui concernait les sites du premier ministre et de 7 autres ministères, à la société Orange. Le second portant sur « la fourniture des réseaux de collecte IP et Ethernet en métropole du RIE» a été attribué à la société SFR. La société Orange a soutenu que pour ce second marché, le pouvoir adjudicateur a méconnu les articles 53 et 76 du CMP. En effet, le critère prix a été appliqué en ne tenant pas compte des prix de raccordements aux points d’interconnexion backbone (PIB), contrairement à l’analyse des offres du premier marché. Pour la société, cela a provoqué une distorsion de concurrence entre le DQE et le BPU et n’a pas permis au pouvoir adjudicateur d’évaluer l’offre économiquement la plus avantageuse. En défense, la personne publique a expliqué que le fait de ne pas viser dans le DQE les prix de raccordement aux PIB résulte des exigences d’efficacité de la commande publique. Orange a, dans le cadre du premier marché subséquent, déployé les PIB. Dès lors, seule la société SFR était contrainte pour le second de marché de créer les raccordements aux PIB. Si le pouvoir adjudicateur avait intégré les prix liés aux raccordements des PIB dans le DQE, l’offre d’Orange aurait été avantagée.

Un remède à une distorsion de concurrence

Dans son ordonnance, le magistrat relève que l’Etat « reconnait que ce remède à une distorsion de concurrence n’est pas une pratique fréquente mais doit être admis de façon pragmatique ». Pour écarter le moyen, il considère que « l’inclusion ou non des prix de raccordement aux PIB pour l’évaluation des offres concernant un des marchés subséquents dépend de la chronologie de la soumission des marchés subséquents et non de la seule nécessité technique propre à ce marché dès lors que tout ou partie des points de raccordement aux PIB prévu lors de l’attribution du précédent marché peut être utilisé lors du marché suivant ». « Cet aspect, surprenant en principe », est pondéré par le fait que le premier marché a nécessité le développement de 12 points de raccordement aux PIB. Puisque les raccordements étaient déjà en place et si les prix de raccordement aux PIB avaient été inclus dans le second marché, la société Orange aurait pu faire une offre avec un prix nul ou proposer un prix pour des raccordements qui n’auraient pas à être commandés effectivement. De plus, la société requérante ne démontre pas que ce « mécanisme correcteur » a eu pour objectif de l’évincer dès lors que « les offres pouvaient être analysées et comparées sur des matériels et prestations hors raccordements ».