Je sais, de source sûre, que trois types bizarres, s'affublant du titre de roi, sont arrivés en France. Venus d'Orient, ils devaient se rendre à Bethléem. Mais les malheureux se sont trompés d'avion au hub de Dubaï. Complètement paumés, ne sachant où crécher, ils ont été interpellés par la police des frontières. Lors des interrogatoires, ils ont répété en boucle le même discours, à savoir qu'ils suivaient l'étoile d'un berger. Les autorités seraient enclines à mettre ces divagations sur le compte du jet-lag ou d'un puissant psychotrope. Dans la malle du premier, qui dit s'appeler Melchior, les forces de l'ordre ont retrouvé 538 millions d'euros immédiatement confisqués. « C'est le potentiel de gains détecté par Ar Men 3 », a tenté d'expliquer, en araméen, ce vieillard au style très gandalfien avec ses longs cheveux blancs et sa barbe fleurie. Il y avait aussi une centaine de feuillets. « Que des bonnes idées pour faire des économies : le groupement AGIH pour acheter du Microsoft 25% moins cher, le groupe test du CH de Chauny pour les marchés de formation, la recherche de nouveaux fournisseurs de l'hôpital de Brest dans le secteur du matériel de cuisine collective ! », s'est exclamé le géronte (lire notre article). Son deuxième compagnon, un type imberbe nommé Gaspard, puait l'encens à plein nez. En fouillant ses bagages, on a trouvé un livre de recettes, intitulé « guide des procédures adaptées ». « Ce manuscrit, qui vient de sortir, n'est pas un cadeau du ciel, mais l'oeuvre de l'Association des acheteurs publics. On y trouve trente-trois outils pour s'initier aux MAPA », a-t-il déclamé (lire notre article). La police suppose que le dernier membre du trio, a priori d'origine subsaharienne, serait en réalité un vendeur d'aromates, ou peut-être un juriste. Il possédait un sac bourré d'une sorte de gomme résineuse (commiphora myrrha d'après les analyses du laboratoire) et deux parchemins. L'un, complètement hermétique pour les condés, était une décision du Conseil d'Etat sur le référé contractuel relatif aux marchés adaptés (lire notre article). L'autre était un plaidoyer pour un droit des marchés plus clair, signé par Chantal Saichi, directrice de la commande publique de Toulon. « Des paroles de paix bienvenues à la suite des polémiques déclenchées par la proposition de suppression du Code d'Alain Lambert », a commenté l'individu connu sous le nom de Balthazar (lire notre invité du jeudi). Nous voilà déjà au terme de cet édito vraiment divin. Toute la rédaction se joint à moi pour vous souhaiter un joyeux Noël.

Jean-Marc Binot