Santé de la commande publique en France : la DAJ au rapport

  • 12/07/2019
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Un bref regard dans le rétroviseur, ce n’est jamais superflu !
Conformément à l’obligation faite à chaque Etat membre par les articles 83 et 85 de la Directive Marchés publics, la Direction des affaires juridiques de Bercy (DAJ) a renvoyé le 3 juillet à la Commission européenne son rapport relatif au suivi de la réglementation des marchés publics pour la période 2014-2016 (rapport en document joint). On est d’accord, 2016, cela pourrait sembler déjà loin. Mais justement, le rapport montre à quel point le cadre légal et incitatif de la commande publique a évolué en trois ans... et plus encore depuis 2016 !
Pour les fans d’anglicismes, ce compte rendu adopte une structuration respectant le « Procurement Monitoring Report Template » de 2016 (pour ceux qui considèrent que le Français est une langue est assez riche, on notera qu’il suit le "modèle de rapport de surveillance de la commande"). Il couvre  l’activité des 130 000 pouvoirs adjudicateurs français (dont 120 000 collectivités territoriales ou établissement publics locaux et 10 000 émanant de l’Etat). Les données quantitatives transmises se fondent sur le recensement obligatoire des marchés de plus de 90 000 euros.
 

Difficultés et irrégularités françaises

La DAJ liste les 14 difficultés rencontrées en France dans la transposition du droit européen de la commande publique (rapport, p. 11). Elle relève notamment, le « in house », l’allotissement, le caractère de marché public ou de concession (et la notion de transfert de risque) ou encore la dématérialisation. Parmi les irrégularités rencontrées, la DAJ mentionne la modification et/ou ajout de prestations en cours de procédure dans des conditions portant atteinte à la transparence ; la faible justification du recours à un avenant ; l’utilisation non justifiée de la procédure simplifiée ou encore " la neutralisation du critère technique par l’attribution d’une note identique à l’ensemble des candidats, aboutissant de facto à une sélection sur le seul critère prix".
 

Les solutions

Le rapport détaille les dispositifs de prévention, détection et signalement adéquat des cas de fraude, de corruption, de conflits d'intérêts et d'autres irrégularités graves en matière d'achat public (ordonnance de 2015, loi relative à la déontologie, loi Sapin II...). La DAJ explique que ces dispositions étant récentes, « leur effectivité ne peut pas être, à ce stade, pleinement mesurée et nécessitera quelques années de recul et des cas concrets d’application ». Focus est également fait sur le niveau de participation des PME aux marchés publics et la DAJ souligne les efforts de la France pour lutter contre les retards de paiement, les mesures de simplification  prise et  les dispositifs de renforcement de l’accès des PME à la commande publique  (lire "Accès des TPE/PME : suivez le guide de la DAJ")
 

Et demain ?

Selon la DAJ, les travaux de préparation du nouveau rapport, portant sur la période 2017-2019, seront lancés à l’automne 2019 pour une communication à la Commission « dans le courant de l’année 2020 ». Avec, c’est promis, une  production de ces données plus importante et une  connaissance statistique et qualitative de la commande publique française affinée.
Ce rapide coup d’œil dans le rétro amène à mesurer ce qu’il reste à faire. D’abord, la révision des CCAG (lire "CCAG 2020 : les orientations de la DAJ dévoilées") et la mise en place effective de la dématérialisation complète de la commande publique (lire nos articles "Le Dume simplifié fait son show à Bercy"), à laquelle  La folle semaine des marchés publics, en novembre sera intégralement consacrée.
Ce qui est intéressant de noter, c’est que nombre de dispositifs en cours nécessitent des « retours » de la part des acteurs de la commande publique. Qu’il s’agisse des marchés d’innovation (lire Mettre en musique l’achat public innovant maintenant !) comme de la procédure d’affacturage inversé (lire "Affacturage inversé : Faire disparaître le triangle des Bermudes de l’économie !") l’Observatoire économique de la commande publique (OECP) et le Médiateur des entreprises lancent ce même appel : « Faites-nous des retours !», ou « Nous avons besoin de pionniers ! » .
En creux, il s’avère l’appétence des acteurs de la commande publique pour la nouveauté n’est pas toujours vérifiée (lire notre article "Open data : quel intérêt ? Pour qui ?"). C’est le dilemme intrinsèque à la commande publique : innover, simplifier… tout en répondant à cette demande récurrente de stabilité juridique (lire : Dématérialisation: «Cassons les codes pour construire simplement ! »") .
On a hâte de lire le prochain rapport !
 
Jean-Marc Joannès