
Pas facile d’être une entreprise de création récente
Le juge du référé précontractuel annule une procédure de passation lancée par un OPH. Son tort ? Avoir retenu une entreprise nouvellement créée. Le magistrat a considéré que la société ne dispose pas des capacités professionnelles, techniques et financières pour exécuter la prestation. De plus, l’offre présente le caractère d’une offre anormalement basse.

Le 8 mars prochain, tous les logements devront être équipés de détecteurs de fumée. Pour être conforme à la loi, l’office public de l’habitat Vannes Golfe Habitat lance une procédure pour équiper l’ensemble des logements de son patrimoine de 7689 détecteurs avertisseurs autonomes de fumée. La société Air Pur Confort, société de création récente, décroche le marché. La SARL Sopro saisit alors le juge du référé précontractuel d’une demande d’annulation de la procédure. Elle soutient notamment que l’attributaire ne dispose pas des capacités professionnelles, techniques et financières pour exécuter la prestation et que le prix proposé est anormalement bas. Les deux moyens font mouche auprès du magistrat qui censure la procédure par une ordonnance rendue le 9 janvier dernier. S’agissant de la capacité technique, le juge relève que la société Air Pur Confort dispose « outre son gérant, de deux chefs d’équipe, d’un compagnon et d’un apprenti ». De plus, « les moyens matériels qu’elle énumère, à part une perceuse perforatrice, ne sont pas utiles à la pose des détecteurs ». « Le juge fait ici une appréciation concrète. Le marché concerne la pose de plus de 7.000 détecteurs de fumées en 6 mois, ce qui correspond à la pose d’environ 60 détecteurs par jour, argumente Me Philippe Boisset, avocat au cabinet Lexcap. Or, compte tenu des moyens énoncés par la société, il apparaît clairement qu’elle ne dispose pas de capacités techniques suffisantes pour exécuter cette prestation ». Plus délicate est la question des capacités financières. Dans son ordonnance, le magistrat note que la société dispose d’un capital social de 5.000 euros et que la seule attestation d’assurance « ne permet pas de tenir pour établi que cette société dispose des moyens financiers pour acquérir les 7689 détecteurs à poser ». Pour les entreprises de création récente, le Conseil d’Etat, dans son arrêt Commune de Saint-Benoît (CE, 9 mai 2012), a jugé que le pouvoir adjudicateur doit permettre « aux candidats qui sont dans l'impossibilité objective de produire les documents et renseignements exigés par le règlement de la consultation, de justifier de leurs capacités financières et de leurs références professionnelles par tout autre moyen ».
Entreprise nouvelle : la preuve de la capacité financière
« En l’espèce, le capital social est limité et ne démontre pas la capacité d’achat des détecteurs de la part de l’entreprise. De plus, si l’attestation d’assurance prouve qu’elle sera couverte en cas de sinistre, elle ne justifie pas non plus sa capacité financière, estime Me Boisset. Si, conformément à la jurisprudence du CE, les entreprises nouvellement créées peuvent attester de leur capacité par tous moyens, encore faut-il que les éléments fournis soient en rapport avec le marché. Les entreprises doivent réfléchir et cibler les documents les plus pertinents. Par exemple, ici, la société aurait pu produire une attestation de banque garantissant un prêt pour financer les investissements », avance l’avocat.Sa consœur, Marie Le Dantec, avocat au cabinet Ares, reconnaît que la société attributaire aurait gagné à apporter des éléments complémentaires sur la manière de financer le marché. Mais quels éléments ? On sait qu’une attestation de bonne tenue de compte ne suffit pas (voir CE, commune de Saint-Benoît). Itou visiblement pour une attestation d’assurance. « C’est très flou pour les entreprises nouvellement créées, relève Me Le Dantec. De plus, il n’est pas évident pour le pouvoir adjudicateur d’anticiper au stade de l’AAPC le champ des documents à produire pour justifier des capacités financières. S’il se réfère à l’arrêté du 28 août 2006, les entreprises nouvelles ne doivent pas, quant à elles, se limiter à cette liste. Elles doivent produire davantage que ce qui est listé et fournir des éléments pertinents pour justifier de leur capacité. Une première étape pourrait être d’insérer, dans l’AAPC, une formule générale inspirée de la jurisprudence du CE et de l’article 45 III du CMP », conseille Marie Le Dantec. Elle ajoute que le marché ne présentant pas de complexité particulièrement, l’OPH a estimé que la capacité de l’entreprise est suffisante. « Compte tenu de l’avance forfaitaire versée, l’entreprise aurait pu financer les prestations au fur et à mesure de l’exécution du marché ».Les entreprises doivent réfléchir et cibler les documents les plus pertinents
OAB : la preuve est possible
Le juge estime ensuite que l’offre présentée par la société Air Pur Confort présente le caractère d’une offre anormalement basse. Le prix qu’elle propose est de 115 155 euros HT, alors que l’estimation faite par l’OPH s’élève à 200 000 euros HT. Chaque détecteur revient donc à 15 euros HT, pose comprise. « Un faisceau d’indices concordants permettait de douter du caractère réaliste du prix. La société requérante a présenté des catalogues de fournisseurs où les prix d’acquisition se situent entre 13,30 et 15 euros HT hors pose. De plus, en cours de procédure, l’OPH a interrogé les deux sociétés sur le fondement de l’article 55 du CMP », précise Philippe Boisset. Le pouvoir adjudicateur a tenté de se défendre en invoquant des renseignements pris en amont de la procédure qui faisaient apparaître que des détecteurs pouvaient être acquis au taris de 9 euros HT l’unité. Pour autant, aucun élément concret n’a été fourni par l’OPH. « Il y a là une contradiction dans le discours de l’OPH. Pourquoi déclencher la procédure de l’article 55 du code, s’il avait des éléments justifiant un prix à 9 euros ? » s’interroge l’avocat.« On peut regretter que le juge se soit seulement fixé sur la composition du prix pour considérer l’offre comme anormalement basse, alors que le marché n’était pas complexe, que le montant bas de l’offre pouvait se justifier compte tenu du caractère récent de l’entreprise », observe Marie Le Dantec. Cette dernière préconise aux pouvoirs adjudicateurs de conserver tous les éléments qui leur ont permis d’estimer le montant du marché. « Cela leur permettra d’avoir des éléments de comparaison pour se défendre en cas de contentieux sur ce point ». Elle leur conseille également « d’être particulièrement vigilant et exigeant dans l’obtention des éléments relatifs à la justification du prix bas proposé lors du déclenchement de la procédure article 55 du CMP ».conserver tous les éléments qui ont permis à l'acheteur d’estimer le montant du marché


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