Décret marchés publics : les acheteurs globalement satisfaits

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Le décret marchés publics est-il à la hauteur des espérances ? Les acheteurs interrogés considèrent que la réforme a globalement permis d’améliorer le droit de la commande publique. Pour autant, la simplification annoncée, n’est pas au rendez-vous, en particulier concernant la rédaction des futurs RC. Ils auraient également apprécié avoir plus de temps pour se familiariser avec un texte applicable trois jours seulement après sa sortie. Beaucoup espèrent que le code de la commande publique permettra de simplifier son décodage.

Le décret marchés publics s’est fait attendre plus que de raison. Mais le résultat final est-il à la hauteur des objectifs affichés ? Il semblerait que oui. Les acheteurs interrogés, quel que soit leur structure d’appartenance, sont, en effet,  globalement satisfaits de la réforme engagée, même s’ils ne sont pas avares de critiques. Tous considèrent que le droit de la commande publique s’est amélioré. La rationalisation est au rendez-vous, selon eux. « Une épure rédactionnelle salutaire est à l’œuvre depuis 2001, estime Philippe Maraval, le directeur des achats à Pôle Emploi. Nous bénéficions maintenant d’une complétude d’outils unifiés. Les MAPA et les accords-cadres ont constitué une révolution majeure en 2006. L’utilisation élargie de la négociation  et la reconnaissance du sourcing poursuivent ce travail », développe-t-il.

Epure rédactionnelle salutaire

« Les accords-cadres à bons de commande, la procédure concurrentielle avec négociation et les offres variables  vont permettre de faire de l’achat intelligent », soutient Chantal Saichi, la directrice de la commande publique de la ville de Toulon.  Malgré quelques maladresses de rédaction qui demanderont des clarifications, Michel Crahès, chef du service de la commande publique du SDIS des Alpes-Maritimes, note une série d'assouplissements bénéfiques tant aux acheteurs, qu’aux entreprises : « L'analyse des offres possible avant celle des candidatures permet de ne plus demander les attestations qu'à l'attributaire potentiel et épargne de demander des documents à des candidats qui n'ont aucune chance d'emporter le marché et perdraient leur temps en formalités inutiles, remarque-t-il. La non mention de l'acte d'engagement signé va permettre d'accepter des offres non signées, notamment en format dématérialisé lorsque le candidat signe par erreur le zip au lieu des pièces. En n'exigeant plus la signature des offres, on simplifiera les réponses et on évitera des éliminations, poursuit-il.  L’acheteur azuréen apprécie également le raccourcissement des délais de remise des plis pour notifier plus rapidement les marchés, au contraire de Philippe Maraval, qui les trouve trop courts.

Les offres variables font consensus

De façon générale, les acheteurs apparaissent plutôt favorables aux nouvelles mesures relatives à l’allotissement et à la possibilité de faire des offres variables : « J’apprécie cette nouveauté car elle permet à la collectivité de ne pas perdre d’argent et aux PME d’en gagner, si les lots sont pensés intelligemment, avance Chantal Saichi. Pourquoi payer deux déplacements lorsqu’une même entreprise peut exécuter les peintures et  le faux plafond ? interroge-t-elle. D’autant que j’ai déjà eu le cas de petites entreprises qui préfèrent ne pas répondre à un marché si elles n’ont pas la garantie de remporter les deux lots auxquels elles répondent par exemple. »

Les offres variables : une utilité réelle dans le secteur hospitalier

Les acheteurs du secteur hospitalier défendent cette mesure critiquée par les fédérations du BTP bec et ongle : « Ce serait une catastrophe économique si les sénateurs la faisaient disparaître, comme ils le proposent, avance Dominique Legouge, le directeur du Resah (réseau des acheteurs hospitaliers). Elle est fondamentale dans notre domaine. » Bruno Carrière, son homologue à UniHA, abonde dans le même sens : « Les offres variables ont beaucoup de sens pour l’achat de médicaments. Les groupes pharmaceutiques qui produisent des molécules  princeps ne peuvent pas s’aligner sur les prix de ceux qui fabriquent des génériques. Mais ils  peuvent consentir de grosses remises sur un catalogue de produits, explique-t-il. Les offres globales ont de surcroît l’avantage de baisser le nombre de fournisseurs et de factures. Nos problématiques n’ont rien à voir avec le secteur du BTP qui les critiquent », argue-t-il. La possibilité de régulariser des offres est également appréciée : « C’était une catastrophe d’écarter les candidats en appel d’offres pour une petite irrégularité », commente Philippe Maraval. Appréciés également la possibilité d’exiger que certaines tâches soient exécutées par le titulaire d’un marché, les allègements prévus en matière d’archivage ou encore la disparition de l’article 52 du Code des marchés publics sur les dossiers incomplets. Jean-Fabrice Alfandari, adjoint au directeur  de la Plate-forme régionale achats de l’État des Pays de la Loire, ajoute à ces points positifs la possibilité de prendre en compte le cycle de vie, les labels et l'introduction des dispositions plus intéressantes pour vérifier les aptitudes professionnelles des entreprises.

L’introduction du sourcing : une mesure diversement appréciée

Voilà pour les points positifs. Côté négatif, plusieurs acheteurs, Dominique Legouge et Chantal Saichi en tête, regrettent que le décret soit sorti à peine trois jours avant sa date effective d’application : « La DAJ aurait pu transposer le texte avec un mois de retard et laisser les praticiens s’y familiariser, estime le patron du Resah. Je ne pense pas que la commission européenne lui en aurait tenu rigueur. » Beaucoup considèrent part ailleurs que la simplification n’est pas au rendez-vous : « Il faut continuellement jongler entre l’ordonnance, le décret, auxquels se sont ajoutés les récentes fiches techniques explicatives, des arrêtés et des références au CGCT , c’est pas évident », remarque Jérôme Cagnet, responsable des achats à l’université de Caen.

La DAJ aurait pu transposer le texte avec un mois de retard et laisser les praticiens s’y familiariser

J’ose espérer que le code de la commande publique unifiera tout ça. » L’introduction du sourcing dans le droit positif est diversement appréciée. Certains voient d’un bon œil l’officialisation de la technique et sa dédiabolisation, d’autres, qui le pratiquent depuis longtemps, estiment que son apparition dans le décret n’apporte pas grand-chose. D’autres encore regrettent cette officialisation car elle sera la source  de nouveaux contentieux.

La simplification n’est pas au rendez-vous

La  phase de candidature suscite également pas mal de critiques. « Avec nos équipes, on se prend la tête depuis plusieurs jours pour essayer de rédiger un RC simple et on a du mal à le faire, avoue Chantal Saichi. C’est problématique car si le RC est trop complexe, les entreprises vont être dissuadées de répondre aux marchés publics, ce qui serait l’exact contraire ce ce que la réforme recherche. » « Je ne vois pas comment articuler le DUME avec le MPS, s’inquiète de son côté Fabrice Strady, responsable des services administratifs de Royan. Cela complique tout. »

Globalement la balance facilités / contraintes penche encore un peu plus en faveur des entreprises

 Jérôme Cagnet regrette une certaine frilosité de la part de l’Europe  qui a conservé l’appel d’offres comme procédure de droit commun, le dialogue compétitif et la procédure concurrentielle avec négociation demeurant une voie optionnelle. Michel Crahès constate de nouvelles contraintes pour les acheteurs, telles que le fait de « motiver l'exigence de groupements solidaires et du non allotissement dès les documents de la consultation. Ou encore  d’écrire à des candidats dont le marché précédent a été résilié, avant de les éliminer,  afin qu'il puissent apporter de nouveaux éléments en leur faveur. Globalement la balance facilités / contraintes penche encore un peu plus en faveur des entreprises », conclut-il. Beaucoup espèrent maintenant que le code de la commande publique permettra de simplifier la lecture et la compréhension des nouveaux textes qui ont réformé la commande publique.