Introduire son recours dans un délai raisonnable

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Christelle Oriol, rapporteur public, a invité la cour administrative d’appel de paris à étendre la jurisprudence du Conseil d’Etat Czabaj aux documents contractuels. Ainsi l’introduction d’une demande d’annulation d’un avenant au-delà d’un délai raisonnable pourrait entrainer l’irrecevabilité de la requête en raison de son caractère tardif.

Le principe dégagé par la jurisprudence Czabaj de 2016 peut-il être étendu aux documents contractuels ? La cour administrative d’appel de Paris pourrait prochainement prendre position sur cette question. Pour rappel, par une décision d’assemblée (CE, 13 juillet 2016, M. Czabaj n°387763), le Conseil d’Etat a jugé, au nom de la sécurité juridique, que le délai de recours contentieux à l’encontre d’une décision administrative individuelle ne comportant pas la mention des voies et délais de recours ne pouvait, en principe, excéder un an à compter de la date à laquelle le destinataire en avait eu connaissance. Dans l’affaire soumise à la CAA, Claude Lacroix-Wasover, contribuable de la ville de Paris, a saisi, en octobre 2015, le juge administratif d’une demande d’annulation de la décision prise en 2006 par le maire de Paris de signer un avenant au bail emphytéotique conclu le 24 août 2004 avec la SIEMP. Citant la jurisprudence du CE, la ville et la SIEMP ont opposé une fin de non-recevoir à cette requête. Selon elles, la décision de Czabaj, bien que rendue à propos des décisions individuelles, trouve à s’appliquer aux décisions de signer un contrat administratif. De plus, elles relèvent que le requérant a introduit son recours près de neuf ans après l’adoption de la décision attaquée, « alors qu’il en a eu connaissance, à tout le moins, le 11 mars 2014, date d’enregistrement d’une précédente requête à l’appui de laquelle il a produit la délibération du 25 octobre 2006 autorisant le maire à signer l’avenant en cause. » Par un jugement rendu le 8 décembre 2016, le TA a rejeté la requête sans se prononcer sur la fin de non-recevoir.

Franchir un cap jurisprudentiel

La CAA pourrait, quant à elle, se saisir de cette affaire pour étendre aux décisions contractuelles les principes dégagés par le CE. Elle a d’ailleurs informé les parties qu’elle pourrait fonder sa décision sur un moyen relevé d’office tiré de l’irrecevabilité de la requête en raison de sa tardivité. Son introduction au-delà d’un délai raisonnable méconnaitrait le principe de la sécurité juridique. Dans ses conclusions, Christelle Oriol, rapporteur public, souligne qu’il n’y a pas de date certaine de la décision formalisant la passation de l’avenant en cause.

Certes, le conseil d’Etat n’a pas étendu sa jurisprudence aux actes réglementaires, qui ne sont pas concernés par la théorie de la connaissance acquise, ni aux documents contractuels. Mais il apparait opportun de franchir un cap jurisprudentiel

Mais, ajoute-t-elle, « Claude Lacroix-Wasover a eu connaissance de la décision au plus tard le 11 mars 2014, date de production devant la juridiction administrative, de la délibération du 25 octobre 2006 autorisant le maire à signer l’avenant. Quand il a introduit sa requête devant le tribunal administratif, le 27 octobre 2015, le délai raisonnable de un an était donc dépassé. » Le rapporteur public précise que la décision du CE concerne une décision individuelle, mais le principe de sécurité juridique est beaucoup plus large. « Certes, le conseil d’Etat n’a pas étendu sa jurisprudence aux actes réglementaires, qui ne sont pas concernés par la théorie de la connaissance acquise, ni aux documents contractuels. Mais il apparait opportun de franchir un cap jurisprudentiel. » Elle propose d’étendre la jurisprudence de 2016 aux documents contractuels. La CAA devrait se prononcer d’ici quelques semaines. A noter : la requête a été introduite avant que le CE ne rende la décision Tarn-et-Garonne (CE, 4 avril 2014), qui ferme la porte du recours en excès de pouvoir contre les actes détachables aux tiers. Le champ d’application de l’arrêt, que pourrait rendre la cour, serait donc limité et réduit aux seuls actes détachables encore susceptibles d’un REP, à savoir les actes préparatoires à la passation du contrat.