
Octroi d’indemnités pour perte de bénéfices : le CE durcit le ton
Mauvaise nouvelle pour les entreprises. Le conseil d’Etat a rejeté la demande d’indemnités d’un opérateur qui a perdu un contrat, en raison d’erreurs de passation commises par le pouvoir adjudicateur. La haute juridiction a estimé que le lien entre la faute de l’administration et le manque à gagner de la société requérante n’a pas été démontré. Une décision qui ressemble fort à une nouvelle condition restrictive du droit à indemnisation. Les avocats de l’entreprise la jugent choquante.

Cegelec Perpignan a remporté la première consultation, finalement annulée par le juge, en raison des irrégularités évoquées. Mais son offre a été rejetée lors de la relance de la consultation. Considérant qu’elle a subi, sans être fautive de quoi que ce soit, la perte de ce contrat qui lui avait été déjà notifié, l’entreprise a (naturellement) attaqué le marché. Le TA lui a donné raison, mais pas la CAA de de Marseille qui a réduit ses indemnités aux seuls frais de la candidature. Celle-ci a jugé que le CH de Narbonne a commis de très nombreuses irrégularités, lesquelles ont conduit à une grande incertitude sur l’issue du marché en question. Il y en avait trop pour que Cegelec puisse bénéficier d’un droit à indemnisation. Le lien de causalité directe entre la chance certaine de l’emporter pour le requérant et les erreurs commises par le pouvoir adjudicateur n’était donc pas démontré, selon la cour.Le centre hospitalier a commis plusieurs manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence
Pas de lien de causalité direct
Suivant l’analyse d’Olivier Henrard, le rapporteur public, les sages du Palais Royal ont conclu de même : « La Cour a entendu juger que les manquements aux règles de passation commis par le pouvoir adjudicateur avaient eu une incidence déterminante sur l’attribution du marché à la société Cegelec et que, dès lors, […] le lien entre la faute de l’administration et le manque à gagner dont la société entendait obtenir la réparation ne pouvait être regardé comme direct. »Dans son exposé, Olivier Henrard a certes rappelé que le conseil d’Etat a déjà jugé qu’un candidat est en droit de demander des indemnités pour le bénéfice non perçu du contrat perdu (CE, 10 avril 2008, JC Decaux, n° 244950). Mais il a précisé que la reconnaissance d’une perte de marge de bénéfice nette s’entend sous réserve de l’existence d’un préjudice certain et d’un lien de causalité direct entre la faute de la personne publique et la perte du bénéfice attendu par l’opérateur. Il faut aussi que le préjudice subi soit dû à l’irrégularité de la procédure constatée, afin de vérifier le lien de causalité entre les deux événements.La reconnaissance d’une perte de marge de bénéfice nette s’entend sous réserve de l’existence d’un préjudice certain
Revirement du rapporteur public

« Le contentieux est déjà venu en audience de la 2ème et 7ème sous-section du contentieux le 6 mars dernier, rappelle-t-elle. A cette première audience, Olivier Henrard a prononcé des conclusions favorables au pourvoi de l’entreprise et avait écarté tous les moyens de défense du centre hospitalier de Narbonne. Puis l’affaire a disparu des rôles, aucune écriture n’a été rendue, et voilà que le dossier réapparaît en septembre et que le même Olivier Henrard inverse le sens de ses conclusions, sans même l’annoncer sans crier gare ! », s’offusque-t-elle.Olivier Henrard a complètement renversé ses conclusions
Modification jurisprudentielle
« Je trouve cette décision choquante à deux titres, argue-t-elle. D’abord, sous couvert de n’apporter que des précisions à l’arrêt Decaux de 2008, qui a été jugé en section contentieux, le conseil d’Etat modifie l’arrêt, sans repasser par la section contentieux. Le régime jurisprudentiel de 2008 indique que le lien entre la faute de l’administration et le préjudice subi par l’entreprise est automatique. Il n'y avait pas à prouver de lien direct.Dans cette décision, le candidat doit maintenant démontrer ce lien. Le conseil d’Etat a bien ajouté une condition supplémentaire. C’est la double peine pour l’entreprise qui était, je le souligne, titulaire du marché… Deuxième point choquant : le Conseil d’Etat a réécrit l’arrêt de la CAA qui était très critiquable juridiquement pour ajouter cette nouvelle condition. Au considérant 3 de sa décision, il a réécrit ce que la CAA avait dit pour rétablir ce qu’il avait envie de voir juger », conclut Emmanuelle RollC’est la double peine pour l’entreprise
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