
Subvention corsée : une concession de transport maritime prend l’eau
Le feuilleton du contentieux de la concession de transport maritime entre les différents ports de Corse et Marseille se poursuit devant le Conseil d’Etat. En cause : la qualification d’aide d’Etat de la subvention attribuée par la collectivité Corse à son concessionnaire pour compenser les charges liées à l’exécution d’obligation de service public, le calcul du montant de la subvention et le caractère irrégulier de l’offre déposée après une phase de négociation.

Les aides accordées par les personnes publiques aux opérateurs économiques sont incompatibles avec le marché intérieur. Il existe néanmoins des dérogations à cette pierre angulaire du droit européen en matière de concurrence. Par exemple le versement de subventions par le concédant à son concessionnaire en contrepartie de la réalisation de missions d’intérêt général. A la condition toutefois de respecter les quatre critères dégagées par la Cour de justice des Communauté européenne dans son arrêt du 24 juillet 2003 Altmark Trans GmbH (C-280/00) : exécution d’obligations de service public par le cocontractant ; évaluation objective et transparente du montant de la subvention ; compensation couvrant uniquement les coûts occasionnés par ces obligations ; et existence d’une véritable mise en concurrence. Comme le secteur du transport maritime n’est pas exempté de cadre (décision de la Commission européenne du 20 décembre 2011 C 2011 9380), le Conseil d’Etat va être amené à juger si la subvention accordée par la collectivité Corse (le concédant) à son concessionnaire le groupement conjoint constitué par la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM) et la Compagnie méridionale de navigation (CMN) est conforme à la jurisprudence européenne. Candidate évincée, la société Corsica Ferries France avait obtenu en première instance l’annulation de la concession de l’exploitation des transports maritimes de passagers et de marchandises entre le continent et l’île de beauté. Les deux parties au contrat ont interjeté l’appel puis se sont pourvues en cassation après l’arrêt du 4 juillet 2016 de la cour administrative d’appel (CAA) de Marseille.
En vertu de l’arrêt « Altmark », la compensation financière doit être évaluée de façon objective et transparente afin d’éviter de comporter un avantage économique susceptible de favoriser le titulaire par rapport à des entreprises concurrentes. En l’espèce, l’organe délibérant de la collectivité avait fait du montant de la subvention un critère d’attribution et l’avait plafonné. Malgré plusieurs demandes, l’Office des transports de Corse n’avait pas communiqué à la société Corsica Ferries la somme versée pour le service de base au délégataire sortant à savoir la SNCM. De sorte que la CAA avait déduit l’absence d’objectivité dans l’évaluation. Pour le rapporteur public Gilles Pellissier qui se réfère à l’arrêt du Conseil d’Etat du 13 juillet 2012 (Communauté de communes d’Erdre et Gesvres), l’interprétation de la Cour est inexacte : la communication du montant de la subvention de la concession précédente ne fait pas partie des actes d’information nécessaires. Quant à la fixation d’un maximum par le politique, il est sans incidence. Si les propositions s’avèrent supérieures, le pouvoir adjudicateur peut les déclarer inacceptables. Cependant, le rapporteur public entérine la position de la CAA sur un point : le calcul de la somme envisagé par le concédant pour contrebalancer l’exécution des obligations de service public ne permet pas de compenser uniquement ce coût. La haute juridiction affirme, toujours dans l’arrêt de 2012, que le montant doit être déterminé par rapport à la moyenne basse des taux de rentabilité observés pour des contrats du même type. Or la collectivité de Corse a calculé la subvention seulement en référence à la compensation versée pour le service de base confié au précédent délégataire, augmenté de l’incidence financière d’une éventuelle baisse des tarifs fret et du tarif résident. Le rapporteur public conclut donc au non-respect de la totalité des conditions de la jurisprudence « Altmark ».
Autre problématique soulevée par l’affaire : la prise en compte d’une offre suite à la négociation, possible lorsque, après mise en concurrence, aucune proposition n’a été proposée ou acceptée par la collectivité territoriale (anciennement article L.1411-8 du code général des collectivités territoriales). Après avoir déclaré les deux seuls plis déposés inacceptables par délibération du 7 juin 2013, la collectivité de Corse a négocié de nouveau avec les soumissionnaires. La société Corsica Ferries reproche au concédant, dans ce cadre, de ne pas avoir axé les échanges sur la division de l’offre globale du groupement conjoint. Ce dernier avait fait une seule proposition couvrant l’ensemble des lignes demandées (Ajaccio, Bastia, La Balagne, Propriano et Porto-Vecchio) contrairement au candidat évincé dont la deuxième offre, déposée suite à la négociation, a été déclarée irrégulière, en raison de la pluralité des hypothèses proposées dont aucune ne comprenaient la desserte de tous les ports corses. Or l’article 6.2 du règlement de la consultation précisait que « l’offre de base du candidat peut porter sur l’une, plusieurs ou toutes les lignes maritimes entre le port de Marseille et les ports de Corse. Les candidats peuvent faire une offre globale, sous réserve de détailler ligne par ligne (…) » Les juges du fond ont estimé le motif de l’irrégularité infondé. Et le rapporteur public a lui aussi interprété le RC comme autorisant les candidats à présenter une réponse par trajet.
Les modalités de calcul de la subvention
En vertu de l’arrêt « Altmark », la compensation financière doit être évaluée de façon objective et transparente afin d’éviter de comporter un avantage économique susceptible de favoriser le titulaire par rapport à des entreprises concurrentes. En l’espèce, l’organe délibérant de la collectivité avait fait du montant de la subvention un critère d’attribution et l’avait plafonné. Malgré plusieurs demandes, l’Office des transports de Corse n’avait pas communiqué à la société Corsica Ferries la somme versée pour le service de base au délégataire sortant à savoir la SNCM. De sorte que la CAA avait déduit l’absence d’objectivité dans l’évaluation. Pour le rapporteur public Gilles Pellissier qui se réfère à l’arrêt du Conseil d’Etat du 13 juillet 2012 (Communauté de communes d’Erdre et Gesvres), l’interprétation de la Cour est inexacte : la communication du montant de la subvention de la concession précédente ne fait pas partie des actes d’information nécessaires. Quant à la fixation d’un maximum par le politique, il est sans incidence. Si les propositions s’avèrent supérieures, le pouvoir adjudicateur peut les déclarer inacceptables. Cependant, le rapporteur public entérine la position de la CAA sur un point : le calcul de la somme envisagé par le concédant pour contrebalancer l’exécution des obligations de service public ne permet pas de compenser uniquement ce coût. La haute juridiction affirme, toujours dans l’arrêt de 2012, que le montant doit être déterminé par rapport à la moyenne basse des taux de rentabilité observés pour des contrats du même type. Or la collectivité de Corse a calculé la subvention seulement en référence à la compensation versée pour le service de base confié au précédent délégataire, augmenté de l’incidence financière d’une éventuelle baisse des tarifs fret et du tarif résident. Le rapporteur public conclut donc au non-respect de la totalité des conditions de la jurisprudence « Altmark ».
Autre problématique soulevée par l’affaire : la prise en compte d’une offre suite à la négociation, possible lorsque, après mise en concurrence, aucune proposition n’a été proposée ou acceptée par la collectivité territoriale (anciennement article L.1411-8 du code général des collectivités territoriales). Après avoir déclaré les deux seuls plis déposés inacceptables par délibération du 7 juin 2013, la collectivité de Corse a négocié de nouveau avec les soumissionnaires. La société Corsica Ferries reproche au concédant, dans ce cadre, de ne pas avoir axé les échanges sur la division de l’offre globale du groupement conjoint. Ce dernier avait fait une seule proposition couvrant l’ensemble des lignes demandées (Ajaccio, Bastia, La Balagne, Propriano et Porto-Vecchio) contrairement au candidat évincé dont la deuxième offre, déposée suite à la négociation, a été déclarée irrégulière, en raison de la pluralité des hypothèses proposées dont aucune ne comprenaient la desserte de tous les ports corses. Or l’article 6.2 du règlement de la consultation précisait que « l’offre de base du candidat peut porter sur l’une, plusieurs ou toutes les lignes maritimes entre le port de Marseille et les ports de Corse. Les candidats peuvent faire une offre globale, sous réserve de détailler ligne par ligne (…) » Les juges du fond ont estimé le motif de l’irrégularité infondé. Et le rapporteur public a lui aussi interprété le RC comme autorisant les candidats à présenter une réponse par trajet.


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