Marchés du CD 13 : "Guérini, sors de ce corps !"

partager :

Depuis 1998, les marchés publics du conseil départemental des Bouches du Rhône étaient, avec les matchs OM/PSG et les batailles rangées à la sortie du stade Vélodrome, la certitude pour les quotidiens marseillais de ne pas bouillonner. "Bouillonner", dans notre jargon de journaliste, ça veut dire qu’on reste avec des paquets d’invendus sur les bras et qu’il faut les pilonner. C’est à peu près ce que vient de faire Jean-Marc Perrin, conseiller départemental délégué aux marchés publics, avec son opération “mani pulite” version marseillaise !

Les enquêteurs avaient carrément mis à jour « un pacte de corruption » à l’issue d’une incroyable enquête

C’est le quotidien "La Marseillaise" qui a révélé le mois dernier le grand nettoyage opéré par les successeurs de Jean-Noël Guérini au conseil départemental. Pourquoi maintenant ? Tout simplement parce que des chefs d’entreprises mouillés jusqu’aux oreilles dans la fameuse affaire des marchés à bon de commande mise à jour en 2016 poussent aujourd’hui de cris d’orfraie après avoir été éjectés des consultations du département. « C’est une éviction irrégulière, clament-ils, rendez-nous notre honneur ! »… Plus c’est gros, plus ça passe….
À part que là ça ne passe plus du tout. Il faut en effet avoir un certain culot pour dénoncer une éviction irrégulière alors que les enquêteurs avaient carrément mis à jour «un pacte de corruption» à l’issue d’une incroyable enquête, alors que Jean-Noël Guérini était encore aux commandes du “Vaisseau Bleu”, comme on appelle à Marseille le siège du conseil départemental. C’est en effet par le plus grand des hasards qu’enquêtant sur un trafic de stupéfiants relié à la 'Ndrangheta, la mafia calabraise, les policiers marseillais saisissaient une clé USB au domicile d’un des trafiquants. Bingo ! La pêche s’avérait fructueuse…
 

Quand le bâtiment va, tout va…

Les informations essentielles sur les marchés du conseil départemental étaient monnayées entre 20000 et 30000 euros


« Les vidéos que contenait cette clé USB montraient la remise de valises de billets contre des informations sur des marchés du département, révèle notre confrère David Coquille dans les colonnes de "La Marseillaise" L’enquête a conduit à l’arrestation d’un haut cadre du département, un quadragénaire mis en examen et écroué durant sept mois pour corruption passive, trafic d’influence, favoritisme et recel, infraction à la législation sur les armes, blanchiment en bande organisée ». Encore mieux que Don Pietro Savastano dans la série à grand succès Gomorra !

Les informations essentielles sur les marchés du conseil départemental étaient monnayées entre 20 000 et 30 000 euros. Mis également en examen dans la même affaire qui concerne une vingtaine de lots pour des travaux de rénovation du patrimoine immobilier du département, plusieurs chefs d’entreprises risquent eux-aussi d’aller repeindre les murs des Baumettes. Ceux-là même qui protestent aujourd’hui contre l’opération “mani pulite” conduite par la nouvelle majorité.
Mais le conseiller départemental délégué aux marchés publics n’est pas parti sans biscuit. C’est en s’appuyant sur un arrêt du Conseil d’État (CE 24 juin 2019, Département des Bouches-du-Rhône, req. n° 428866) que Jean-Marc Perrin a exclu en avril dernier une société qui candidatait pour la maintenance des serveurs des collèges du département, alors que son PDG était justement mis en examen dans l’affaire pénale pour laquelle le département s’était constitué partie civile.
 

Le CE apporte la précision qui manquait 


En considérant que l’opérateur d’un marché en cours de passation pouvait être exclu de la procédure en raison d’un comportement litigieux intervenu au cours d’une procédure antérieure, l’arrêt du Conseil d’État sur lequel s’appuie le département des Bouches-du-Rhône vient apporter une précision particulièrement importante, puisque les textes jusqu’à présent applicables n’évoquaient pas cette possibilité.

À l’origine, le département avait demandé au candidat d’apporter des éléments prouvant « que son professionnalisme et sa fiabilité ne pouvaient plus être remis en cause ». Jugeant insuffisants les éléments présentés par la société, le conseil départemental avait exclu sa candidature, faisant application des dispositions des 2° et 5° du chapitre I de l’article 48 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics. N’ayant peur de rien, la société EGBTI avait saisi le juge des référés du TA de Marseille sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de la justice administrative, demandant l’annulation de son exclusion du marché par le département des Bouches-du-Rhône et, dans le même temps, l’annulation de la procédure de passation du marché. Résultat des courses, le TA a donné raison à l’entreprise ! Finalement on peut se tromper, même lorsque l’on rend la justice…

Mais, saisi par le département, le Conseil d’État a annulé l’ordonnance du 28 février 2019 du juge des référés du TA de Marseille, donnant ainsi raison à la collectivité départementale qui pourra poursuivre le nettoyage des écuries d’Augias. Il faut dire qu’il convenait de tourner enfin la page des années Guérini, celui-là même qui disait, parlant de son frère incarcéré dans le cadre d’un autre marché public : « Lui, c'est lui, moi, c'est moi ».

Mais en 2016, la mise en détention d’un cadre du Conseil départemental avait créé un gros malaise : « Chervet nous a mis le bordel, il faut le dire, déclarait au site marsactu Patrick Capone, le président de la CFTC CD 13, le climat est complètement délétère, désormais tout le monde se regarde en chiens de faïence »
 

Sur le même sujet