Objet du marché, limitation de la concurrence et justifications

  • 12/04/2010
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Le Conseil d’Etat vient de valider une procédure de passation d’un marché relatif à l’exploitation et à la gestion de déchetteries au nom de la continuité du service public et des spécificités techniques des bennes utilisées. Initialement, la consultation avait été annulée en référé pour cause d’exigences ayant eu pour effet de restreindre le nombre de candidats potentiels.

Demander la fourniture de 55 bennes neuves d’une couleur déterminée, entièrement dédiées à la collecte de déchets sur cinq sites, alors que les emplacements réservés à cet effet ne peuvent en accueillir que 38, peut très bien répondre à l’objet d’un marché d’exploitation et de gestion de déchetteries. Les juges administratifs suprêmes ont constaté, dans leur décision du 31 mars 2010, que les arguments apportés par le syndicat mixte de la région d’Auray Belz Quiberon (24 communes et 3 communautés de communes, Morbihan), pouvoir adjudicateur en cause, justifiaient la validation de la procédure de passation de l’appel d’offres (1&2). Le juge des référés de première instance n’était pas de cet avis. Les exigences du syndicat avaient eu pour effet, selon lui, de restreindre le nombre de candidats possibles et donc de limiter la concurrence. Mais faute pour lui d’avoir répondu explicitement à l’argumentation qui lui était soumise en défense, « il a insuffisamment motivé sa décision ». Son ordonnance a été annulée.

Pourquoi la haute juridiction a-t-elle entériné la procédure du syndicat breton si celle-ci a eu pour conséquence de limiter la concurrence ? Sur les 55 bennes commandées, 38 devaient être « constamment mises à la disposition du public pour la collecte des déchets aux heures d’ouvertures des déchetteries ». Les 17 autres devaient servir de « relais pour assurer le transport des déchets en vue de leur traitement ». Quant à l’exigence d’avoir un matériel neuf à l’entrée du contrat (prévu pour 4 ans), blanc ou gris clair à des fins d’identification par les usagers et dédié au marché, les juges du Palais-Royal ont estimé que « de telles conditions, eu égard au nombre de déchetteries à fournir en bennes, à la durée du contrat et à l’exigence de qualité du matériel tenant à la nécessaire continuité du service public de collecte et de traitement des déchets sont objectivement rendues nécessaires par l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser ». Les magistrats sont même allés plus loin. Le syndicat avait déclaré sans suite une première procédure ayant le même objet (consultation pour laquelle l’offre de la société requérante, Geode Environnement, avait été déclarée irrégulière). Pour la seconde procédure, attaquée devant le juge, le syndicat n’avait pas reprécisé ses exigences dans le CCTP. Geode Environnement y voyait une volonté publique de l’écarter du marché. L’entreprise avait même soutenu dans un autre moyen, rejeté par les juges, que le syndicat avait modifié les documents de la consultation entre la première et la seconde procédure dans le seul but de la désavantager par rapport aux autres candidats… Concernant ce CCTP incomplet, le Conseil d’Etat a estimé que cette « circonstance (…) ne suffit pas à établir que ces conditions n’auraient eu d’autre objet que d’écarter la société Geode Environnement de la procédure ».

Liberté du pouvoir adjudicateur pour les variantes

Cette circonstance, pas plus que d’autres, n’a été d’ailleurs susceptible de léser l’entreprise. Geode Environnement reprochait au syndicat d’avoir introduit, dans les documents de consultation, une mention qui indiquait qu’en cas de résiliation unilatérale du marché pour un motif d’intérêt général, l’indemnité accordée à l’attributaire du marché serait forfaitaire. Mais à ce stade de la procédure, la société n’a pas démontré en quoi cet éventuel manquement aurait pu ou pourrait la léser. De même, l’entreprise n’a pas montré en quoi une période de quinze jours laissée entre la date de fin des visites du site et la remise des offres était insuffisante. Ce moyen soulevé n’était donc encore pas de nature à la léser ou à risquer de la léser.

Au détour d’un autre moyen, le Conseil d’Etat en a même profité pour préciser la portée des articles 5 (prise en compte des objectifs de développement durable) et 50 (variantes dans les procédures formalisées) du code des marchés publics. L’entreprise reprochait l’interdiction de variantes ce qui serait en contradiction avec le code. Mais pour les juges du Palais-Royal, « il ne résulte pas de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur soit tenu d’autoriser les candidats à présenter des variantes dans le but de prendre en compte les objectifs de développement durable ». Lors de l’audience du 22 mars (2), le rapporteur public, Nicolas Boulouis, avait déjà rappelé que les candidats ne peuvent proposer des variantes « que si le pouvoir adjudicateur le décide »…

(1) CE 31 mars 2010, Syndicat mixte de la région d’Auray Belz Quiberon, n°333970

(2) Voir notre article : « Bien justifier l’objet du marché »