Le Mindef veut permettre à ses acheteurs de faire carrière

  • 08/02/2011
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Pour atteindre les objectifs d’économies annoncés, le ministère de la Défense a tout intérêt à disposer d’une équipe d’acheteurs toujours au top. Le boulevard Saint-Germain va donc soigner leur formation : un projet d'académie est sur les rails. Former les acheteurs, c'est bien. Les garder, c'est encore mieux. Le Mindef a également actualisé le référentiel métiers de sa filière achats, afin de mettre en lumière les perspectives de carrière.

Une vraie mobilisation générale. Pour sa 2e édition le 3 février dernier, la convention des acheteurs de la Défense a fait le plein : près de 600 personnes ont pris place dans l’amphi Foch de l’Ecole militaire à Paris. Un auditoire attentif car la mission achats du ministère, avait choisi, parmi les thèmes principaux, la professionnalisation. L’équipe de Jean Bouverot en a fait une de ses priorités et a formé un groupe de travail (GT) spécifique sur la question. Pour atteindre l’objectif fixé (400 millions d’euros à économiser sur 4 ans), le premier acheteur public de France doit impérativement compter sur un collectif de pointe. Autrement dit des professionnels formés. Administré en ligne à la fin 2010, un questionnaire, auquel ont répondu 800 acheteurs (sur environ 3000 recensés), a permis de sonder les troupes sur le sujet. Il montre qu’il y a encore du grain à moudre. 40% du panel déclare ne pas avoir eu de formation adaptée lors de la prise de poste. Le tir devrait être rectifié, puisque le Mindef est le seul ministère à avoir déployé une matrice de maturité (1), pour identifier ses points forts et ses points faibles en terme de compétences. « On ne peut pas être professionnel sans formation, d’autant que la réglementation bouge en permanence et que de nouveaux outils arrivent. Il y a aussi l’art de la négociation. Tout cela ne s’apprend pas sur les bancs de l’école », a résumé Philippe Cosson (Délégation générale à l’armement), membre du GT. C’est pourquoi certaines directions utilisent le tutorat. Un acheteur expérimenté a ainsi pris sous son aile Delphine Ledeux, fraîchement émoulue de l’IRA de Lille, lorsqu’elle est arrivée au service des essences des armées. « Ce ne sont pas les cours en marchés publics qui préparent au métier », a-t-elle confirmé.

Une académie achats dans les cartons

La mission achats du Mindef a, dans ses cartons, le projet d’une académie achats. « Nous n’avons pas le projet de créer une école avec un campus et des amphis, en tout cas pas à court terme. Il s’agit d’un projet plus immatériel, d’une formation adaptée à chaque acheteur pour lui permettre de progresser », a expliqué le commissaire colonel Jean-François Rideau. Plusieurs axes ont été définis parmi lesquels la définition d’un « paquetage type » de connaissances à la prise de poste, le recensement des moyens à la disposition (écoles ministérielles, e-learning, instituts interministériels, écoles supérieures comme le MAI de Bordeaux…). Ainsi que le recentrage des formations sur l’économique. « Aujourd’hui, la formation est très centrée sur le volet juridique. Il ne faut pas l’abandonner, mais permettre l’émergence d’acheteurs performants en économie. » « L’achat public a deux jambes, la réglementation et la performance économique. S’il ne tient que sur une jambe, il boîte », a martelé Jean Bouverot. Avoir des acheteurs excellents et formés, c’est bien. Les garder, c’est encore mieux. La mission achats souhaite donner un coup d’accélérateur à la reconnaissance et à la valorisation de la fonction au sein de l’institution. Elle veut aussi offrir la possibilité de faire carrière au sein du métier. La famille des acheteurs Mindef se caractérise par sa jeunesse dans la fonction (20% ont moins d’un an d’ancienneté, 55% moins de trois ans) et sa diversité : des militaires originaires de différents corps, mais aussi des civils en grand nombre issus principalement de la filière administrative (2 sur 3), tous en majorité cadres (40% d’officiers ou de catégorie A ; 40% de sous-officiers ou de catégorie B).

Offrir des évolutions de carrière

Une hétérogénéité statutaire qui pose parfois problème. Plusieurs acheteurs présents à la convention n’ont pas manqué l’occasion de regretter publiquement l’impossibilité actuelle de prendre du galon. « Bagarrons-nous pour cela », a répondu Jean Bouverot, dont l’équipe est à l’origine de la création, en 2010, d’un concours de technicien supérieur d’études et de fabrication (B+) avec dix postes ouverts, opportunité pour les C de la filière technique de boxer dans une autre catégorie. Dans la même logique, le GT professionnalisation a actualisé et remanié, avec la DRH du ministère, le REDEF - référentiel des emplois de la Défense - de la filière achats. Cette architecture comprend désormais huit profils de poste. Deux au chapitre conception/direction : expert de haut niveau et responsable d’organisme achats. Deux s’agissant de l’encadrement intermédiaire et l’expertise : cadre chargé des achats et enquêteur de prix. Deux pour les cadres de proximité et la mise en œuvre : acheteur et approvisionneur. Enfin deux pour la partie exécution : agent d’administration des marchés et agent d’approvisionnement. Le référentiel ne renvoie pas à un grade ou à une catégorie, mais bien à des compétences. « Il faut essayer d’éviter l’amalgame entre statut et métier. Quand on recrute un acheteur, on regarde avant tout ce qu’il sait faire », insiste Christian Traoré, membre de la mission achats et du GT. La grille servira à mettre en lumière les possibilités de parcours professionnels et de mutation. Le questionnaire a révélé qu’une grosse proportion des acheteurs interrogés s’estimait mal informée des postes offerts par le ministère et n’avait pas de visibilité sur l’avenir. Offrir des perspectives d’évolution va devenir essentiel. Le danger est bien, pour le Mindef, de former des cadres pointus qui partiront sous d’autres cieux, dès que l’occasion se présentera.

(1) Lire notre article : les acheteurs de la Défense s’auto-évaluent

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