Ouverture du tiers financement : couvrez ce PPP que je ne saurais voir !

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A leur apogée en 2011, les contrats et les marchés de partenariat connaissent depuis un déclin rapide... jusqu’à quasi-disparaître de l’achat public. Une dynamique cassée par les scandales ayant mis en lumière des dérives des dépenses publiques au travers ces opérations (relire "L’Eure-et-Loir résilie pour faute son PPP sur l’informatique des collèges" -" La Cour des comptes européenne met en lumière « les multiples insuffisances » des PPP" et "La Cour des comptes étrille les PPP de la Justice").
Mais la fin de ces PPP (partenariats public-privé) n’est pas pour autant actée. leur résurrection est même à prévoir. Plus précisément, c’est une réincarnation de ce modèle qui est attendue.
 

Le tiers financement : possible uniquement en PPP

La proposition de loi d’ouverture du tiers financement aux collectivités publiques pour favoriser les travaux de rénovation énergétique prévoit d’autoriser le paiement différé, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, à l’égard de contrats de performance énergétique conclus sous la forme d’un marché global de performance, pour la rénovation d’un ou plusieurs de leurs bâtiments (relire "Paiement différé et durée des contrats dans la commande publique : faisons un point fixe !").
En somme : « Le tiers réalise l’investissement, puis le bénéficiaire des travaux lui rembourse l’avance et les intérêts associés à compter de la date de livraison des travaux ». Le préfinancement est l’élément qui caractérise le marché de partenariat, puisque, actuellement, c’est le seul montage contractuel qui permet à l’acheteur d’étaler le paiement, et de déroger ainsi aux dispositions financières du code de la commande publique (CCP).

La majorité présidentielle n’en est pas à son coup d’essai. Une première tentative de rapprochement des marchés globaux de performance des marchés de partenariat a été faite lors de l’adoption de la loi de finances pour 2022. Mais elle a été censurée par le Conseil constitutionnel au titre de « cavaliers législatifs » (relire "Paiement différé pour les marchés globaux de performance: "pas comme ça, et donc pas maintenant !").
 

Un PPP allié de la transition écologique

Ce marché global de performance serait un « nouveau PPP », puisque la proposition de loi fait référence à quelques articles du CCP relatifs aux marchés de partenariat ; bien que le ministre de la Transition écologique affirme le contraire : « Ce n’est pas une réhabilitation des partenariats public-privé (PPP) ; c’est une dérogation spécifique qui conserve à la fois une grande exigence dans l’utilisation des fonds publics et un levier pour la rénovation écologique ».
D'ailleurs, l'obligation qui pèse sur l'acheteur de réaliser en amont une étude du mode de réalisation du projet et une étude de soutenabilité budgétaire (CCP, art. L.2212-1 à L2212-4), en cas de recours à un marché de partenariat, est maintenue à l'égard de ce « nouveau PPP ». Une mesure introduite à la suite des scandales des contrats de partenariats (relire "Le B.A -BA de l’achat – Le PPP (ou presque !)").

En revanche, la maîtrise d'ouvrage, ici, ne peut être confiée au titulaire à l'instar du marché de partenariat. C'est là que le bât blesse ! Cette absence de transfert de la maîtrise d'ouvrage fait supporter davantage de risques à l'acheteur public, avance Maître Grégory Berkovicz dans la tribune de cette semaine (lire : [Tribune] MGP avec tiers financement : l’enfer est pavé de bonnes intentions…).

Quoi qu'il en soit, le PPP devient un allié de la transition écologique. A la lecture de la proposition de loi : « la réalisation de travaux de rénovation énergétique peut constituer un investissement important pour les acteurs publics concernés, freinant le rythme des rénovations engagées […]. Le tiers‑financement peut ainsi faciliter le déclenchement de la décision de réaliser des travaux de performance énergétique ».
Mais la logique comptable actuelle peut freiner cette ambition. La section de fonctionnement, dont les dépenses ne cessent de croître en raison d'un changement dans les pratiques de l'achat public et au regard du contexte inflationniste, pourrait être saturée par le versement des loyers au titulaire au titre du paiement différé (relire "De l'achat à la location, la comptabilité publique dépassée par les nouvelles pratiques de l’achat public ?"). 
 

Réconciliation avec le PPP ?

Cette réhabilitation du PPP peut s’expliquer aussi par un débat aujourd'hui plus apaisé autour de ce modèle. Un climat plus serein qui s'illustre par l'adoption de cette proposition de loi par le Sénat à une large majorité (unanimité, moins les voix du PCF). Sachant aussi que le risque de dérives financières dans l'exécution est tout aussi présent dans les montages contractuelles classiques (relire"Les PPP sont innocents").
Par ailleurs, selon l’économiste Frédéric Marty, bien que la médiatisation des échecs des contrats de partenariat, la baisse des investissements publics, et le travail de lobbyings hostiles à ce montage contractuel aient pu conduire les pouvoirs adjudicateurs à le délaisser ces dernières années, la diminution était plutôt d'ordre conjoncturelle (relire "Le PPP ? Toujours là !"). 

Le PPP serait un formidable outil... à condition que les pouvoirs adjudicateurs disposent des compétences pour monter et diriger un tel contrat (relire "Les vérités sur les marchés de partenariat (2) : mauvais outil ou mauvaise utilisation ?").
Dans son rapport spécial de 2018 consacré à ces conventions globales, la Cour des comptes européenne déclarait : « même si les PPP (partenariat public-privé) avaient le potentiel pour accélérer la mise en œuvre de politiques et pour maintenir un bon niveau de maintenance pendant toute leur durée de vie, les PPP soutenus par l’UE audités n’étaient pas toujours gérés de manière efficace et n’ont pas permis une optimisation adéquate des ressources ».

Avec ce nouveau PPP, s’il venait à être adopté, aussi bien l’acheteur que les politiques devront savoir tirer les leçons du passé, et ne pas retomber dans ses travers…