IA, achat et philo : l’acheteur 3.0

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«Chuck Norris a déjà compté jusqu'à l'infini… deux fois ! » Chuck Norris facts

Le bac de philosophie 2023 a donné lieu cette année à un duel d’un nouveau genre : l’être humain versus l’intelligence artificiel (IA). L’écrivain et agrégé de philosophie Raphaël Enthoven affronte ChatGPT sur le thème “Le bonheur est-il affaire de raison ?”.
L’expérience a pour objectif de démonter cette idée reçue : le remplacement des femmes et des hommes par des interfaces numériques est en cours pour mener à bien toutes réflexions portant sur des problématiques humaines et sociétales. Le verdict paraît satisfaisant : le philosophe en ressort vainqueur, haut la main, avec une copie notée de 20/20, contre 11 pour celle de son adversaire robotique.
 

Un univers achat dystopique

Mais les affrontements entre nos cerveaux et la machine ne font que commencer. Ils vont à l’avenir se multiplier… avec des résultats probablement différents. Il est certain que le domaine des achats va être un des terrains de conflit.
Angélique Dizier, invitée dans notre émission mensuelle achatpublic invite, publie une tribune (dystopique ?) de l’utilisation de l’IA dans la commande publique. Elle imagine un monde où le juriste évolue seul au sein d’un organisme pour exercer ses missions professionnelles. Ses interactions sociales deviennent très limitées puisqu’il communique le plus souvent au travers de bornes interactives.

L’adjointe à la Directrice des affaires juridiques liées à la commande publique du Resah nous invite à nous questionner (fondement même de la philosophie) sur ces points : « Plutôt que s’interroger sur ce que sait faire l’intelligence artificielle, ne devons-nous pas nous demander ce que nous savons qu’elle ne sait pas ? Qu’elle ne saura jamais ? "Connais-toi toi-même", dit le philosophe » (relire "Songe au pays de l’intelligence artificielle").
 

Pas de remplacement par l’IA ?

Dans une approche positive, peut-être cet ectoplasme digital sera une aide dans l’examen des offres, afin que l'acheteur ne fasse plus d’erreur dans l’évaluation d’un soumissionnaire exonéré de la taxe sur la valeur ajoutée (relire "Prise en compte erronée d’une exonération de la TVA dans l’offre de l’entreprise candidate") ; ne neutralise plus un critère qualitatif (relire "Neutralisation du critère qualitatif : un recours irrégulier au critère unique prix") ou ne commette plus d’impair avec la déclaration sans suite (relire "Peut-on déclarer sans suite un marché pour insuffisance de concurrence à la suite de l'annulation de la procédure ?").

Mais nous ne pouvons pas (à ma connaissance) compter sur l’IA pour piloter et mener les échanges avec les titulaires des contrats, organiser la mise en œuvre, le suivi et la révision des clauses de rencontre et de réexamen, conduire les modifications et les évolutions des contrats, appliquer les sanctions prévues... Pour cela, il faut un "Contract Manager". Jean-Marc Peyrical, avocat et Président de l’APASP, explique dans nos colonnes ce métier d’avenir, tournée vers l’exécution des contrats (relire "A la recherche du Contract Manager"). Tout comme Sébastien Taupiac sur notre plateau (replay "achatpublic invite... Sébastien Taupiac")
Par ailleurs, en l’absence d’intelligence émotionnelle, l’IA ne pourra certainement pas être un bon acheteur (relire "Etre un bon acheteur, c’est faire preuve d’intelligence émotionnelle") !
 

Avoir du réseau, c’est essentiel

Pour l’heure, le réseau sur lequel l’acheteur peut compter, c’est celui de sa communauté. C’est avec des êtres en chair et en os que l’on peut échanger, transmettre, communiquer, s’entraider, s’épauler, partager (relire "Réseaux d’acheteurs : formels ou informels ?").
Par exemple, le Réseau d’acheteurs publics de Bretagne et de Pays de la Loire (RESECO) met en ligne une « boîte à outils » pour faire du développement durable dans les projets de construction, de rénovation dans le bâtiment et dans les travaux publics (relire "Pour se mettre aux matériaux biosourcés dans les marchés publics).

Enfin, à la lecture des autres sujets du baccalauréat, quelques regrets de ne pas avoir vu un "match" dans lequel participe un acheteur public. L’épreuve de l’explication de texte, portant sur un extrait de Lévi-Strauss ("La Pensée sauvage" - 1962), dans lequel l’auteur met en avant que le bricoleur réalise ses opérations « avec les moyens du bord », aurait probablement inspiré un grand nombre de praticiens des marchés publics (retrouvez nos portraits d’acheteurs : « une journée avec... »).