Offre incomplète = offre irrégulière

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Une offre qui ne respecte pas les exigences du DCE, notamment parce qu’elle ne contient pas tous les documents ou mentions requis, sera considérée comme irrégulière et devra donc être rejetée. Mieux vaut donc être particulièrement vigilant lors de la préparation des offres.

Par deux ordonnances récentes, le juge du référé précontractuel a confirmé la décision d’une commune corse de rejeter les offres des sociétés ACPV et Sud Nettoyage en raison de leur caractère irrégulier. La première n’avait pas indiqué dans l’annexe 1 de son mémoire technique la qualification des personnels. La seconde n’avait pas inclus dans son offre les fiches techniques correspondant au matériel mis à disposition et aux produits utilisés.

Une offre irrégulière est une offre incomplète ou qui ne respecte pas les exigences formulées dans l'AAPC ou dans les documents de la consultation

« Une offre irrégulière est une offre incomplète ou qui ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation (article 35, I, 1 du CMP). Une telle offre doit être éliminée (article 53, III du CMP), rappellent Eric Lanzarone, avocat au barreau de Marseille et Stéphane Nesa, avocat au barreau d’Ajaccio. Il résulte de la jurisprudence du CE (voir notamment CE, 12 janvier 2011, Département du Doubs) qu’est « notamment irrégulière une offre, qui à défaut de contenir toutes les pièces ou renseignements requis par les documents de la consultation, est incomplète », citent-ils. « Elle sera qualifiée comme telle, quand bien même, l’ensemble des informations exigées par le RC, pourraient être extrait d’autres pièces de l’offre (CE, 27 février 2013, Société Scop Ecostudio), ajoute Eric lanzarone. Récemment, la CAA de Versailles (CAA de Versailles, 11 septembre 2014, commune de Saint-Cloud) s'est inscrit dans cette veine jurisprudentielle. La particularité du dossier versaillais tenait à ce que le juge a constaté le caractère incomplet alors même que la présentation du candidat s’avérait non seulement plus claire mais également plus pertinente en terme d’analyse pour l’acheteur public ». En l’espèce, pour confirmer la position de la commune, le juge a pris soin de vérifier que les dispositions du RC étaient claires quant à la présentation requise et les risques encourus. L’article 4 est sans équivoque : « le candidat doit remplir de manière exhaustive toutes les rubriques des documents demandés, leur on exhaustivité entraînera l’irrégularité de l’offre ».

Respecter les exigences du DCE

« Selon la jurisprudence, les candidats doivent respecter scrupuleusement les principes et méthodes exposés à l’appui du DCE au risque de voir leur offre jugée irrégulière (CE, 23 juin 2010, commune de Châtel). En l’espèce et s’agissant de la requête de la société ACPV, le mémoire technique avait pour objet de présenter la méthode d’organisation au titre de laquelle le candidat précisait les éléments relatifs uniquement au « personnel d’encadrement ». L’annexe 1 avait, quant à elle, pour objet de présenter l’ensemble des moyens humains dédiés au lot concerné en précisant la qualification des agents mis à disposition pour l’exécution du marché, précise maître Nesa.

Les mentions figurant au mémoire technique ne permettent pas de pallier les carences de l’offre de la société requérante

De plus, les mentions figurant au mémoire technique, concernant uniquement « le personnel d’encadrement, la fréquence des contrôles, les fiches de traçabilité, ne permettent pas de pallier les carences de l’offre de la société requérante », estime l’avocat. Dans son ordonnance, le magistrat considère que la commune, à défaut pour la société d’avoir fourni une telle annexe, « était tenue d’éliminer ses offres comme incomplètes et donc irrégulières, nonobstant la circonstance que les informations prévues par cette annexe se seraient retrouvées dans d’autres documents communiqués à l’appui des offres ».

Le PV d’ouverture des plis fait foi

Dans la seconde espèce, le candidat avait oublié de fournir les fiches techniques, pour chacun des 13 lots auxquels il a répondu, alors que la page de garde de ses mémoires techniques mentionnait ces fiches au nombre des pièces jointes. « Les offres de la société Sud Nettoyage cumulent les deux caractéristiques de l’offre irrégulière au sens de l’article 35 du CMP, à savoir qu’elles sont manifestement incomplètes et elles ne respectent pas les exigences formulées dans le DCE donc le RC », précise Stéphane Nesa. La société requérante a tenté de convaincre le juge de l’absurdité de la situation. Comment aurait-elle pu à 13 reprises oublier ces documents ? Mais, comme le relève l’avocat corse, « il ressort du procès verbal d’ouverture des plis, qui fait foi jusqu’à preuve du contraire, que la société n’a pas produit les fiches techniques demandées sur les 13 lots en cause. Le CE, à propos d’une offre écartée en raison de pièces manquantes ou illisibles, a jugé que « la société, qui se borne à soutenir dans ses écritures que le pouvoir adjudicateur disposait nécessairement des pièces litigieuses dès lors qu'il a procédé à l'examen de son offre et lui a demandé de la préciser, n'apporte aucun autre élément de nature à justifier que l'offre qu'elle a déposée était complète et conforme aux prescriptions, y compris formelles, du règlement de la consultation » (CE, 21 novembre 2014, commune de Versailles). Mais quid de l’entreprise de bonne foi ? Que se passe-t-il si l’entreprise a réellement versé les pièces, et qu’il s’agit d’une erreur de manipulation ? Pour éviter les situations ubuesques, il faudrait une traçabilité automatique des pièces déposées, comme c’est le cas avec les plateformes de dématérialisation. Cela permettrait d’éviter les dérives et d’ôter tout sentiment d’injustice », estime Maitre Nesa. Selon Eric Lanzarone, « l'époque où la réponse aux mises en concurrence était faite par les secrétariats des entreprises est révolue et les opérateurs économiques se doivent de prendre le temps de déposer un dossier étudié.

La professionnalisation de l'achat des collectivités passe aussi par la professionnalisation des réponses des opérateurs économiques

La professionnalisation de l'achat des collectivités passe aussi par la professionnalisation des réponses desdits opérateurs économiques, observe-t-il. Chacun doit faire un pas vers l'autre. Pour éviter des offres irrégulières, qui peuvent apparaître nuisibles pour une saine concurrence, la collectivité a tout intérêt de limiter  les documents sollicités à l’appui de l’offre ; soigner la pédagogie du RC en attirant l’attention des opérateurs sur l’importance de la présentation formelle et ne pas hésiter à fournir des CD contenant les documents à compléter », conseille l’avocat marseillais.