L’espace juridique des marchés exclus de l’ordonnance

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Un contentieux du Centre national d’études spatiales a permis au Conseil d’Etat de s’intéresser à l’espace juridique des marchés exclus de l’ordonnance du 23 juillet 2015. La nature de ces contrats ainsi que la compétence du juge du référé précontractuel ont été abordés. La haute juridiction a également fait un topo sur les règles applicables, lors de la consultation, à ces contrats.

Les marchés exclus de l’ordonnance, justement, relative aux marchés publics, sont difficilement appréhendés par les acheteurs ainsi que par les opérateurs. Le contentieux, entre le Centre national d’études spatiales (CNES) et la société Endel, en est le parfait exemple. A cette occasion, le Conseil d’Etat a de nouveau expliqué les règles. En l’espèce, l’établissement a lancé une mise en concurrence pour la maintenance des installations et des moyens de fonctionnement du Centre spatial Guyanais. Conformément à l’article 14 de l’ordonnance précitée, ce texte n’était pas applicable à la passation car le marché public est conclu selon des procédures prévues par une organisation internationale. La société Endel, prestataire sortant et candidat évincé, a contesté l’attribution du lot « transport » au motif que l’offre du groupement pressenti n’était pas conforme car l’un des deux membres n’avait pas l’habilitation aux transports routiers de marchandises. L’entreprise a présenté un recours en référé précontractuel devant le tribunal administratif (TA) de Guyane. La passation a été annulée. Le CNES s’est donc pourvu en cassation. Il a soulevé notamment l’incompétence du juge du référé, en raison de l’exclusion du contrat de l’ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015. Les sages du Palais Royal, dans leur arrêt du 5 février 2017, ont entièrement suivi les conclusions d’Olivier Henrard, le rapporteur public.

Le juge du référé précontractuel compétent si le contrat est de nature administrative


La réponse au moyen du CNES s’est faite en deux temps. Le maître des requêtes s’est intéressé, d’abord, à la nature juridique du contrat. Les marchés écartés de l’ordonnance, contrairement aux autres, n’ont pas le caractère de contrat administratif par détermination de la loi. Toutefois, ils peuvent être de cette nature à condition de comporter des clauses qui par « les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution, impliquent, dans l’intérêt général, qu’ils relèvent du régime exorbitant des contrats administratifs » (Tribunal des conflits, 13 octobre 2014, Axa France IARD, n°C3963), avait précisé Olivier Henrard. Si le contrat se réfère à un CCAG, comme en l’espèce, il rentre automatiquement dans ce champ.

Si le contrat se réfère à un CCAG, comme en l’espèce, il rentre automatiquement dans le champ du contrat administratif

Le rapporteur public avait cite la jurisprudence Société Dubigeon-Normandie (CE, 13 janvier 1984, n°34670). Ce principe a été maintenu par le Conseil d’Etat. Ensuite, le raisonnement s’est décalé sur l’office du magistrat. Pour ce faire, le rapporteur public puis les Sages se sont concentrés sur l’objet du lot. La prestation demandée étant un service avec une contrepartie économique : « dont le juge du référé précontractuel peut connaître (…), la circonstance que [ces contrats] ne relèvent pas de l’ordonnance relative aux marchés publics est sans incidence, [le marché] étant régi par la loi française et [il est] donc soumis aux principes de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats et à la règle de transparence des procédures qui en découle » a déclaré la haute juridiction. Le TA n’a pas commis d’erreur de droit sur ce point.
       

Les règles de la consultation similaires aux marchés de l’ordonnance


En revanche, il existe une divergence, avec la juridiction du premier ressort, sur la problématique de l’absence d’habilitation d’un des cotitulaires. Les transporteurs publics routiers doivent, en effet, être inscrits à un registre tenu par l’Etat, article L. 3211-1 du code des transports routiers. Toutefois, le règlement de la consultation stipulait la consigne suivante : « l’appréciation des capacités professionnelle, technique et financière d’un groupement est global (…). Il n’est pas exigé que chaque membre ait la totalité des compétences techniques requises pour l’exécution ». Ainsi, il résulte de cette disposition que le TA a dénaturé le dossier en « estimant que les entreprises membres d’un groupement doivent toute remplir l’ensemble des conditions requises pour participer à la procédure », a certifié la haute juridiction. D’autant que l’acheteur « ne peut exiger des entreprises concernées qu'elles attestent dès le stade de la candidature qu'elles possèdent les autorisations requises ou qu'elles ont reçu récépissé d'une demande », avait rebondi Olivier Henrard, en se prévalant de la décision Département de l’Orne (CE, 21 novembre 2007, n°291411). L’ordonnance est donc cassée.

Les moyens de la société Endel ont tous été, avant, écartés par le Conseil d’Etat jugeant au fond. Primo, les passations soumises au droit français doivent prévoir des critères d’attributions et les conditions de leurs mises en œuvre selon les modalités appropriées à l’objet, aux caractéristiques et aux montants de la prestation. Dans cette affaire, l’acheteur est dans les clous.

le CNES n’avait pas à justifier, dans l’AAPC ou le RC, l’exclusion du champ d’application de l’ordonnance relative aux marchés publics car aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne l’impose

Deuzio, le CNES n’avait pas à justifier, dans l’avis de publicité ou le règlement de la consultation, l’exclusion du champ d’application de l’ordonnance relative aux marchés publics car, comme l’avait souligné le rapporteur public, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne l’impose. Enfin, la référence par l’établissement public à certaine disposition de l’ordonnance et de son décret d’application : « ne serait être regardée comme ayant affecté les règles applicables à cette consultation d’une ambiguïté constitutive d’un manquement du CNES à ses obligations de publicité et de mise en concurrence », a conclu la haute juridiction.