La Ville de Béziers condamnée pour parasitisme !

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Une collectivité condamnée en appel pour parasitisme ? Mais c’est pire que de la grivèlerie ! Quel acheteur pourrait supporter cette marque d’infamie ? Vous, je ne sais pas, mais pour nous, à achatpublic, c’est une grande première. Dans nos serveurs, pas un seul fichier ne contenait jusqu’à aujourd’hui le mot “parasitisme”. Une lacune désormais comblée. Mais nous aurions très bien vécu sans qu’elle ne le soit. Allez, en route pour Béziers !

Parasite : [\pa.ʁa.zit\] nom masculin, du grec ancien παράσιτος (parasitos, de sitos, nourriture). Organisme animal ou végétal qui se nourrit strictement aux dépens d'un organisme hôte d'une espèce différente, de façon permanente ou pendant une phase de son cycle vital. Personne qui vit dans l'oisiveté, aux dépens d'autrui ou de la société. Synonymes : écornifleur - pique-assiette.

La définition du Larousse se passe de commentaire… Et le parasitisme, c’est quoi ? Le terme existe-t-il seulement dans le Code de la commande publique ? Non. En revanche, le TGI de Marseille en donne une définition dans son jugement du 13 juin 2019 : « Le parasitisme, sanctionné par les dispositions de l'article 1240 du Code civil, est classiquement entendu comme un comportement qui consiste essentiellement à tenter de profiter de la notoriété d'une entreprise ou d'un produit, de vivre dans son sillage, de créer une filiation fictive ». Et les magistrats marseillais d’ajouter, pour les malentendants : « Il s'agit, par le biais de ce mécanisme, de protéger ceux qui ne disposent pas d'une protection spécifique contre certaines tentatives d'accaparement ou de détournement, pourvu que l'élément concerné bénéficie d'une notoriété certaine. La sanction du parasitisme par la responsabilité civile est fondée dès lors que sont réunies ses trois conditions fondamentales : l'existence d'un dommage, la constatation d'une faute et leur lien de causalité ».
Là, c’est d’autant plus clair que cette définition a été confirmée par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence dans son arrêt du 15 décembre 2022.
 

Sept ans, c’est long

 
« La Ville de Béziers perd son procès en appel dans l’affaire des fresques murales ». C’est ainsi que le "Midi Libre" titrait le mois dernier l’article que notre confrère Jean-Pierre Amarger a rédigé une fois l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence en mains : « Il aura fallu sept années de procédures judiciaires pour parvenir à un jugement. Jean Pierson, artiste peintre, gagne ainsi son procès devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence face à la Ville de Béziers. Son travail d'artiste muraliste est ainsi reconnu ainsi que les similitudes quasiment parfaites entre les lieux d'apposition des fresques et des trompe-l’œil réalisés par la société qui a finalement posé le parcours à travers la ville ».

Sept ans de procédures, c’est long. Mais son honneur a été rendu à Jean Pierson. D’autres protagonistes, cependant, trouvent tout de même le moyen de se réjouir de l’arrêt rendu par la Cour d’appel. Ainsi, le maire sans frontière pavanait-il devant la presse, comme il vient de nous le confirmer par l’intermédiaire de sa direction de la communication : « Nous payerons trois fois moins qu’en première instance ! ». On a les victoires qu’on peut. ©Pyrrhus (en grec ancien Πύρρος).
 

Une utilisation "maladroite", vraiment ?


Le délai de pourvoi en cassation est aujourd’hui dépassé. Mais le maire  nous déclarait l’avant-veille, toujours par l’intermédiaire de son missi dominici : « Nous en resterons là, la Ville ne se pourvoira pas en cassation ». Et de conclure sur une pirouette sans frontière : « Nous avons utilisé l’idée de Jean Pierson un peu maladroitement (sic), mais malgré tout, il faut savoir que les fresques se font aussi ailleurs (re sic) ».
Dans ses conclusions, Me Stanley Claisse, l’avocat toulousain qui défendait Jean Pierson, n’a pas fait dans la dentelle : « Au soutien de son appel, la commune de Béziers reprend, pour l’essentiel, la même argumentation que celle développée en première instance. Toutefois, dans ses conclusions n°2 en appel, communiquées le 19 juillet 2020, cette dernière évoque pour la première fois en quatre ans de procédure un prétendu travail préparatoire qui aurait été réalisé par une “équipe” de la commune de Béziers. Cette argutie fallacieuse ne trompera pas pour autant la Cour ! ».

Et effectivement, aucune trace des frasques de l’équipe sans frontière. Et le spécialiste en droit de la propriété intellectuelle de poursuivre, pour souligner le caractère intentionnel du parasitisme : « Le 22 décembre 2014, Monsieur Pierson, accompagné d'un ami, a été reçu par le maire à propos de deux projets de fresques. À cette occasion, comme le confirme elle-même la commune de Béziers, il lui a exposé pour la première fois un projet de grande envergure : un parcours de fresques à travers le centre historique de Béziers. Enthousiasmé par ce projet, le maire a confié le dossier à l’adjointe à la culture ».
 

Appels d’offres restreints supersoniques !


À partir de ce rendez-vous sans frontière, s’en est suivi un incroyable scénario jonché d’échanges de correspondances, d’appels d’offres ouverts expédiés en quelques jours, d’appels d’offres restreints supersoniques, d’interventions de la Ville, d’une SEM qui s’invite ex abrupto au générique et, au final, le sceau infamant du parasitisme apposé il y a quelques semaines par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence sur ce marché plus ou moins public

Mais comment ne pas être également choqué par la campagne de dénigrement dont a été victime l’artiste “parasité” tout au long de la procédure ? Tout le monde connait l’adage “Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage”. Là, à défaut d’être noyé, Jean Pierson a été gâté : « Le maire a voulu le faire passer pour un moins que rien, s’insurge un galeriste parisien qui le connaît depuis toujours, un artiste raté qui courrait le cacheton ! ».

Mais la vérité a la peau dure. Installé à Béziers depuis 2006, Jean Pierson y a travaillé avec les municipalités successives. Mais pas seulement, puisqu’il a réalisé de nombreuses fresques et trompe l’œil pour d’autres collectivités hexagonales, dont la Ville de Paris, mais également à l'étranger, notamment à Accra, Berlin, Bruxelles et Dakar. Mais pour éviter de se faire parasiter par l’édile biterrois, sans doute aurait-il dû également travailler pour Sigmaringen...

NB : Et encore, on vous la fait courte... Pour tout savoir dans le détail, plongez-vous avec délices dans les conclusions de Me Stanley Claisse que vous pouvez télécharger ci-dessous, ainsi que l’arrêt de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence.