
Le Conseil d’Etat fait le bilan
Le 19 juin, l’institution du Palais-Royal a présenté son rapport annuel dans lequel elle revient sur les jurisprudences majeures de 2008 et les textes que lui a soumis le gouvernement. Un petit tour d'horizon pour se rafraîchir utilement la mémoire.

Quatre grandes jurisprudences ont marqué l’année 2008 du Conseil d’Etat. La plus récente mais, peut-être la plus importante pour les acheteurs publics, fut sans doute la décision SMIRGEOMES du 3 octobre (1). Une entreprise candidate ne peut plus invoquer devant le juge des référés précontractuels un manquement aux obligations de publicité et mise en concurrence si elle n’est pas susceptible d’avoir été ou d’être lésée par l’éventuelle irrégularité. Trois mois auparavant, la haute juridiction avait, en qualité de juge de cassation, et ce pour la première fois, exercé un contrôle de qualification juridique sur la question des avenants en validant celui passé par la ville de Paris pour l’extension du système Vélib’ à trente communes de la banlieue parisienne (2). Le mobilier urbain figurait décidément parmi les grands crus de l’année puisque l’arrêt du 10 avril (Société Decaux et Département des Alpes-Maritimes) (3) constitue la troisième grande avancée jurisprudentielle. Un cocontractant de l’administration dont le contrat est entaché de nullité en raison d’une faute de cette dernière peut prétendre au remboursement de ses dépenses utiles et à une indemnisation de son préjudice. Seule condition : l’entreprise ne doit pas avoir obtenu le contrat dans des circonstances de nature à vicier le consentement de l’administration ni commis une « faute grave » en concluant un marché dont, compte tenu de son expérience, elle ne pouvait ignorer l’illégalité. La quatrième grande jurisprudence concerne l’homologation par le juge de cassation d’une transaction intervenue en cours d’instance entre les parties (Société Krupp Hazemag du 11 juillet 2008) (4).
Conseil au gouvernement
Dans son autre rôle plus discret de conseiller du gouvernement, le Conseil d’Etat a également visé l’an dernier plusieurs textes concernant la commande publique. Son rapport 2009 en fait ressortir cinq à commencer par le texte modifiant le décret du 30 juillet 1985 relatif à l’UGAP (5). La nouvelle version autorise la centrale d’achat à étendre son activité aux contrats conclus par des opérateurs économiques privés agissant pour le compte de personnes publiques dans le cadre de PPP, de BEA ou de missions globales de conception, construction et maintenance de bâtiments publics. Le Conseil d’Etat a considéré que cette extension de compétences devait être « limitée aux seuls achats effectués par des entités privées en vue de réaliser les contrats et missions qui les relient au service public » et que l’UGAP était tenue par l’ensemble des principes et règles du droit de la concurrence. Elle doit ainsi « s’abstenir de toute mesure, relative par exemple à la prise en compte de ses coûts et à la facturation de ses services, susceptible de la placer en situation d’abus de sa position dominante ». Pour les marchés publics de haute technologie conclus avec des PME (art. 26 de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008), le Palais-Royal a validé la nouvelle obligation d’information par les collectivités territoriales et les entreprises privées chargées d’un service public lorsqu’elles passent ce type de contrats.
Réforme du Code et in house
Dans le cadre du projet de décret de décembre 2008 modifiant diverses dispositions du CMP, il a interprété les dispositions de l’article 125 relatif au contrôle financier des entreprises titulaires de marchés publics de l’Etat et de ses établissements publics administratifs comme des dispositions contractuelles, donc relevant du champ réglementaire ne pouvant être rangées dans la catégorie des obligations civiles et commerciales. Sur un tout autre registre, la relation entre l’Etat et la nouvelle agence se substituant au CNASEA (6) a été qualifiée de « in house » (au sens de la jurisprudence de la CJCE Tekal du 18 novembre 1999). L’Etat n’a donc pas obligation de mettre son établissement public en concurrence, contrairement aux collectivités territoriales et autres établissements publics qui voudraient contracter avec cette nouvelle agence. Enfin, lors de l’examen du projet de décret approuvant la convention de concession pour l’autoroute A88, le conseiller du gouvernement a rappelé qu’une société concessionnaire à capitaux majoritairement privés est obligée de respecter des obligations de publicité préalables pour la passation de ses marchés attribués à des entreprises tierces en vertu des articles 63 et 64 de la directive 2004/18 et 11 de la loi du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marchés. Côté européen, le Conseil d’Etat a été consulté sur directive défense (adoptée par le Parlement européen en janvier dernier) et a répondu à plusieurs questions juridiques « complexes » portant sur l’interprétation de la directive recours et la jurisprudence de la Cour de justice sur l’intérêt à agir d’une entreprise évincée aux fins de saisine du juge des référés précontractuels, sur la prise en compte par le droit communautaire du critère de l’expérience acquise par les soumissionnaires lors de l’évaluation des offres et sur le secteur de la santé.
(1) Mention AMP erronée : le juge ne sanctionne plus systématiquement
(2) Conseil d’Etat : le Vélib’ en roue libre
(3) Annulation du marché : la faute du cocontractant exonère parfois celle de l’administration
(4) Le Conseil d’Etat homologue une transaction pour la première fois
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