Françoise Muraro, DGS de Fléac : « le retour au seuil des 4000 est une catastrophe pour les petits »

  • 31/03/2011
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Zoom sur Fléac, petite ville de 3 500 âmes, en Charente : pas de service marchés, peu ou pas de cadres A, et 80% d’achats situés entre 3000 et 20 000 euros. Pour Françoise Muraro, la DGS de Fléac, le retour au seuil de 4 000 euros est une calamité. Elle nous explique pourquoi.

A Fléac, petite commune charentaise de 3 500 habitants, la disparition du seuil des 20 000 euros est particulièrement mal vécue. Françoise Muraro, la DGS de la ville, ne mâche pas ses mots à ce sujet : « Le retour au seuil des 4 000 euros est une catastrophe dans les petites communes comme la mienne qui n’a pas de service achats et dont 80% des commandes oscillent entre 3 000 et 20 000 euros. Ce revirement a conduit à un surcroît de travail alors que nous sommes déjà surchargés. La fixation du seuil à 20 000 euros nous avait donné un bol d’air. Nous avions réussi à nous mettre d’équerre. Le seuil à 4000 euros nous a fait replonger », critique-t-elle. En colère contre « les décisions prises d’en haut », la responsable estime que le ministère des Finances, ainsi que l’Europe, n’ont pas conscience des moyens extrêmement limités des petites villes : « S’ils descendaient observer notre mode de fonctionnement, ils seraient très étonnés. Ne serait-ce qu’à propos de la nomenclature des fournitures, travaux et services. Certaines n’en ont toujours pas !, avance-t-elle. A Fléac, on dégage 50 000 euros grâce à notre dotation à l’amortissement, c’est peu ! Les trois responsables de service dont je fais partie s’occupent des marchés publics, en plus du reste. Moi, je cale ça entre les budgets, le management, les réunions du conseil municipal, etc. Autant dire qu’on a du pain sur la planche. On n’en voit jamais le bout, ce qui est un facteur de stress pour nous. En l’espace de 10 ans, on a connu trois codes, la loi de modernisation de l’agriculture, les lois Grenelle, la SRU, le code de l’urbanisme et j’en passe, sans oublier une pluie de normes exigeantes ! Franchement, parfois on pète un câble ! », tempête-t-elle.

Course effrénée

« La plupart de nos marchés se situent entre 5 000 et 10 000 euros. Aussi, avec un seuil à 20 000 euros, on se contentait de faire des mises en concurrence sur devis et des achats sur catalogue. Mais avec un seuil à 4 000 euros, il faut de nouveau se lancer dans des publicités adaptées pour respecter l’égalité des candidats et connaître précisément son besoin afin de savoir si on se situe au-dessus ou en-dessous de cette frontière ». Cette course effrénée a malheureusement des effets pervers sur certains achats. Le manque de temps conduit en effet la ville à ne privilégier que le prix pour certaines commandes : « L’égalité des candidats, ça prend du temps. Et l’analyse des besoins, ça prend aussi du temps, en particulier dans les domaines d’achats que nous ne maîtrisons pas. D'autant que la "perte " des services de conseil et d'assistance de la DDE nous handicape car l'Etat nous aidait à rédiger nos besoins, à préparer les DCE , à analyser les candidatures et les offres , et dans l'exécution des marchés travaux. La plupart des agents sont de catégorie C. Le personnel de terrain n’a pas la culture de l’écrit. Il faut donc reprendre toutes les factures pour connaître nos besoins. Pensez qu’il faut éplucher trois ans de factures pour établir son BPU ! », s’exclame François Muraro. La DGS sait bien que mise en concurrence ne signifie pas obligatoirement annonce, comme Nicolas Boulouis, le rapporteur public du conseil d’Etat, l’a affirmé dans la jurisprudence Perez (1). Pour autant, au-delà de 4 000 euros, comme beaucoup de collectivités locales, elle préfère prévoir au minimum un avis sur la plateforme de dématérialisation de la Charente à laquelle Fléac adhère. « Pour certains MAPA, nous lançons des mini publicités sur un JAL, la Charente libre ou Sud Ouest, qui renvoient vers l’intégralité de l’AAPC diffusé sur la plateforme, avec un mini RC et le mini cahier des charges. Pour les marchés de travaux, la publicité est doublée d’une annonce dans le Moniteur, et si le marché est d’envergure nationale, comme c’est le cas par exemple pour notre marché de maintenance d’ascenseurs, nous utilisons le BOAMP », complète-t-elle. Soit, en fin de compte, du travail supplémentaire à fournir pour des acquisitions de faible montant…

Pas assez de moyens pour bien faire

« Il faudrait se creuser la tête pour avancer en profitant de l’expérience des collectivités plus importantes. Malheureusement, sur le terrain, ce n’est pas évident. Je sais, par exemple, que sur notre territoire, la mutualisation des services marchés publics de la ville centre et de l’agglomération est compliquée notamment parce qu’ils ont chacun des systèmes informatiques différents et que les services intercommunaux ont plus de dossiers à traiter. Fléac ne pourrait pas lui apporter des moyens humains dans le cadre d’une mutualisation. Je me demande comment ça se passe dans les collectivités de Grèce, d’Italie, d’Espagne ? Ont-ils les mêmes difficultés que nous ou sont-ils mieux organisés, grâce à des structures communales plus importantes ? Peut-être faudrait-il un transfert intégral des compétences de petites communes vers l’établissement intercommunal. Mais alors, il faut avoir le courage de le défendre et de le faire », poursuit la responsable. Cette dernière indique également que la mise en place de clauses socialement et écologiquement responsables demeure difficile par manque de connaissance et de maîtrise. En attendant, Françoise Muraro pare au plus pressé : « Je gère le très urgent et je m’entoure parfois d’un étudiant en droit pour m’épauler. Mais là encore se pose le problème du temps car il faut le former. Non, franchement, la disparition du seuil des 20 000 euros a fait du mal aux petits, pas aux gros », conclut-elle.

(1) Lire : Nicolas Boulouis : le retour à 4000 € obligera à appliquer les grands principes sans forcément une procédure formelle