Et la confiance, dans tout cela ?

  • 28/06/2019
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« La morale est-elle la meilleure des politiques ? » Nos chers candidats au bac millésime 2019 (plus précisément ceux de la filière ES) viennent de plancher sur ce sujet philo de haute volée. En guise de soutien, le jour de l’épreuve, Achatpublic.info a osé détourner (un tantinet) cet intitulé et vous a invité à répondre, sur son forum, à cette question : «La morale est-elle un critère d’achat public ? ». Réflexion faite... c’est peut-être LA question hors sujet !

Un scandale

Notre contre-enquête sur le scandale des faux steaks hachés (lire le premier volet "Marchés de denrées alimentaires : trois faisans et un pigeon" ) pointe, cette semaine, l’exposition des acheteurs publics lorsqu’ils réalisent des achats alimentaires. Elle montre aussi que la morale n’a rien à faire dans le choix du fournisseur. Certes, il existe un cadre juridique, des procédures, des savoir-faire partagés. Sur le papier, un  véritable arsenal. Mais toute procédure de commande publique amène à un choix. Avec sa part consubstantielle de risque. Le respect des procédures, et le recours aux labels et autres normes qualité ne constituent, au final, qu’une garantie « a minima » : un achat peut bien être mené de façon irréprochable (ou en toute bonne foi), mais si l’un des cocontractants ne joue pas le jeu dans l’exécution….

Des paradoxes

L' affaire « FranceAgriMer » se révèle riche d’interrogations. D’abord, l’achat public est désormais sensé être moins juridique, plus économique. Il doit assumer de devenir un levier au service de la poursuite de politiques publiques aussi variées que nouvelles... voire " sociétales". Au-delà de la sacro-sainte bonne utilisation des deniers publics, l’achat public doit aussi se montrer désormais en prise avec le tissu économique et en adéquation avec la variété des solutions existantes (voire, à découvrir, avec le marché d'innovation !).
Certes, de plus petites structures peuvent faire jouer les circuits courts ou manœuvrer (au bon sens du terme), pour faire travailler des producteurs locaux, donc «connus» … donc « traçables ». Mais quand il s’agit d’acheter des tonnes de viande, finalement, l’offre n’est peut-être pas aussi variée que souhaitée, et encore moins marquée du sceau de la traçabilité ! Plus encore : la massification des achats est-elle propice à un contrôle effectif de l'exécution du marché ?
Relevons un autre paradoxe. Une solution pourrait consister dans le recours plus intense aux labels et autres certifications (lire notre article "Est-il pertinent de "se faire label"? "). Maître Jean-Marc Peyrical considère qu’une telle démarche devrait avoir, aussi, pour effet d’amoindrir le critère du prix (Lire notre Invité du Jeudi  " La fin du prix dans les marchés publics ?"). Or l’enjeu de la massification des achats, même assortie de certificats et sécurisée par le recours aux labels, cela reste toujours la réduction des coûts, de quelque nature qu'ils soient !

Une réponse

A la question « la morale est-elle un critère d’achat public », la réponse est peut-être que les deux coexistent… mais dans des sphères différentes. A tel point point que la tentation est grande pour l’acheteur d’écarter un candidat qui n’ apas pas, par le passé, répondu à toutes les attentes de l’acheteur (lire nos articles  Comment écarter un ex défaillant ? (1/2) : La recette du Code de la commande publique et (2/2)  L’art et la manière).
Comme dans toute relation, c’est d’abord la confiance qui doit régner. Un vœux pieux ? Une notion trop subjective pour être accueillie par le droit ? Peut être. Mais on peut aussi déceler « un signal faible»  si l’on s’en tient à l' «'exigence de loyauté des relations contractuelles « que le Conseil d’Etatmanie désormais (CE Ass. 28 décembre 2009, Commune de Béziers).
Alors, une  réponse possible (et donc nécessairement à discuter) au sujet posé : l’âme du contrat, c’est l’objectivation d’un lien de confiance.

Des questions

Au fait... à propos de confiance...  Avez-vous pris le temps de répondre (en quelques clics, promis !) à notre enquête lecteurs (ICI) ? Il vous reste encore quelques jours pour nous aider à déterminer vos besoins !

Jean-Marc Joannès